L’Allemagne a abandonné son projet de supprimer le terme « race » de sa Constitution en raison de problèmes juridiques et des réserves de la communauté juive.

« Nul ne peut être favorisé ou défavorisé en raison de son sexe, de sa filiation, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine, de sa foi ou de ses opinions religieuses ou politiques. Personne ne doit être défavorisé en raison d’un handicap », peut-on lire dans la section 3 de l’article 3 de la constitution allemande, aussi connue sous le nom de « Loi fondamentale ».
Le débat autour du mot « race » faisait rage depuis plusieurs années outre-Rhin. À la suite des manifestations anti-racistes déclenchées par l’assassinat de George Floyd par la police aux États-Unis en 2020 et le mouvement Black Lives Matter qui s’en est suivi, des membres du parti des Verts avaient demandé à ce que ce paragraphe de la constitution soit modifié, arguant à l’époque qu” »il n’y a pas de race, il n’y a que des personnes ».
Robert Habeck, à l’époque coprésident des Verts et actuel vice-chancelier du gouvernement Scholz, et Aminata Touré, alors vice-présidente du parti pour l’État du Schleswig-Holstein et actuel ministre des Affaires sociales, tous deux instigateurs du débat, s’étaient cependant abstenus de suggérer une alternative.
Une première proposition en 2021
En février 2021, le ministère de la justice avait présenté une première proposition visant à remplacer le terme par « ou pour des raisons racistes ». Ce changement visait à « éloigner davantage la loi fondamentale des idéologies raciales tout en maintenant la protection contre la discrimination », avait alors déclaré la ministre Christine Lambrecht.
Josef Schuster, chef du Conseil central des juifs d’Allemagne, s’était prononcé contre la suppression du terme, estimant qu’il rappelait la persécution et l’assassinat de millions de personnes, « en particulier des juifs », comme rapporté par le quotidien allemand Tagesspiegel.
Les groupes parlementaires des trois partis au pouvoir en Allemagne ont accepté de mettre ce projet « en veilleuse », selon des sources officielles citées par l’AFP la semaine dernière, confirmant un rapport du journal Rheinische Post, expliquant qu’aucune alternative n’a pu être trouvée pour « garantir le même niveau de protection » d’un point de vue juridique. L’alliance conservatrice CDU-CSU, dans l’opposition, a quant à elle salué la décision, déclarant que « le bon sens l’a emporté ».
Reléguer le mot « race » aux livres d’histoire
Un débat similaire avait agité la France avant que le mot « race » ne soit supprimé de la Constitution en 2018, pendant le mandat d’Emmanuel Macron (LREM). Les députés avaient voté, à l’unanimité des présents (119 votants), pour supprimer le terme de l’article premier de la constitution, qui stipule que tous les citoyens sont égaux devant la loi « sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
Le terme « race » avait alors été remplacé par le terme « sexe », le nouvel article stipulant désormais que tous les citoyens sont égaux « sans distinction de sexe, d’origine ou de religion ». Seul bémol, si le terme a été retiré de la Constitution de 1958 on le trouve encore dans le préambule de 1946, toujours en vigueur dans le droit français.
Lors de sa campagne électorale de 2012, l’ancien président François Hollande avait promis de reléguer le mot « race » aux livres d’histoire, affirmant à l’époque qu” »il n’y a pas de races différentes » et que « le terme n’a pas sa place dans la République ». Son rival Nicolas Sarkozy, alors président sortant, avait ironisé sur la proposition de modifier la Constitution. « Si l’on supprime le mot racisme, est-ce que cela signifie que le racisme n’existera plus ? C’est ridicule », avait-il déclaré.
Ces débats sur l’appellation « race » reflètent la sensibilité particulière de l’Allemagne, de la France et d’autres parties de l’Europe continentale à l’égard d’un terme qui est très largement employé aux États-Unis ou encore en Grande-Bretagne.