Le Sénat mexicain a approuvé la « loi Silla », une législation destinée à protéger les travailleurs de l’exploitation en garantissant leur droit sans équivoque à des pauses périodiques au cours de la journée de travail. Mais si cette loi peut représenter une avancée significative dans le droit des travailleurs au Mexique, elle ne fait qu’effleurer un problème omniprésent de l’exploitation dans le pays.

La loi Silla, approuvée à l’unanimité par le Sénat mexicain le 20 février, avec 82 voix pour et aucune contre, stipule que les employeurs ne peuvent pas forcer leurs employés à rester debout toute la journée et doivent fournir suffisamment de sièges avec dossier pour tenir compte de ce nouveau droit.
Si la tâche ne peut être accomplie en position assise, l’employeur doit alors garantir des « périodes de repos obligatoires au cours de la journée ».
Le projet de loi, connu sous le nom de « loi de la chaise », reconnaît la pénibilité du travail dans le secteur des services en réformant la loi fédérale sur le travail, qui n’a pas été mise à jour depuis 1970.
Il concerne en particulier les travailleurs de l’industrie de la mode et du commerce, où, selon le sénateur Napoleón Gómez Urrutia, membre du parti politique de gauche au pouvoir Morena, les conditions de travail précaires sont plus accentuées.
Selon les données de la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis, les problèmes de santé liés à la position debout tout au long de la journée au travail vont de « douleurs au bas du dos et aux jambes, problèmes cardiovasculaires, fatigue, malaise, naissance prématurée à des avortements spontanés ».
Bien que le Chili et l’Argentine avaient octroyé ce droit pour les travailleurs en 1914 et 1935, cette loi est un premier pas du Mexique pour assurer la protection des travailleurs, d’autant plus importante que beaucoup de ces travailleurs travaillent dans ce que la sénatrice Patricia Mercado décrit comme des « conditions proches de l’esclavage ».
La loi prévoit des sanctions strictes pour les employeurs qui ne respectent pas les règles. Des amendes allant de 27 000 à 270 000 pesos (1 500 à 15 000 euros) peuvent être appliquées et, en cas de récidive, une suspension temporaire de l’activité peut être ordonnée. Une période transitoire de 180 jours a été établie pour permettre aux employeurs de s’adapter à la nouvelle réglementation si elle entre en vigueur.
La loi, qui a été envoyée à la Chambre des députés, marquerait un progrès significatif dans la protection des minorités vulnérables et des femmes, qui sont plus susceptibles de travailler dans des industries où les conditions de travail sont difficiles.
Jorge Álvarez Máynez, candidat à la présidence du Mexique aux élections fédérales en juin prochain pour le Mouvement citoyen, un petit parti politique de centre-gauche, a félicité les sénateurs Patricia Mercado et Rodrigo Cordera, instigateurs de la proposition de loi Silla.
Sur son compte X, il a fait l’éloge de la loi en déclarant : « La #LeySilla démontre une fois de plus que les bonnes idées, avec la ténacité et un sens du service public, sont la formule d’une bonne politique. Félicitations à Rodrigo Cordera et Patricia Mercado pour cette réussite. »
850 000 personnes victimes d’esclavage moderne au Mexique
Depuis 2012, les travailleurs mexicains sont protégés par la Loi générale visant à prévenir et à réprimer les délits de traite des êtres humains, qui remplace les protocoles de Palerme des Nations unies. En outre, l’article 123 de la Constitution mexicaine prévoit de solides protections en matière d’horaires, de conditions de travail et de salaires.
Toutefois, selon un rapport réalisé par Polaris, une organisation à but non lucratif qui engagée contre la traite des êtres humains et l’esclavage moderne, les protections constitutionnelles en matière de travail sont rarement appliquées au Mexique en raison d’un manque de ressources et de clarté.
La loi générale ne définit pas précisément la traite des êtres humains, ce qui limite la capacité des autorités à surveiller les conditions de travail. Par conséquent, les entreprises violent régulièrement le droit du travail, et les autorités gouvernementales et policières ont normalisé cette situation.
En effet, l’Indice mondial de l’esclavage estime que 850 000 personnes étaient soumises à une forme ou une autre d’esclavage moderne au Mexique en 2021.
Bien que la sénatrice Patricia Mercardo du Mouvement citoyen assure que cette nouvelle loi aura un « des répercussions très importantes pour les travailleurs, » elle ne s’attaque qu’à une petite partie de l’exploitation dans le pays.
Pour éradiquer complètement le vaste problème de la traite des êtres humains, le rapport de Polaris souligne que « une coopération transnationale et multidimensionnelle entre les gouvernements, la société civile et le secteur public » est nécessaire. Cette coopération est d’ailleurs particulièrement importante en raison de la situation précaire des nombreux travailleurs migrants vulnérables de la région.
L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que le taux de travail forcé en Amérique latine et dans les Caraïbes est de 3,1 personnes pour 1 000 habitants.