La Cour constitutionnelle polonaise a jugé qu’un projet de loi avait été adopté de manière inconstitutionnelle en raison de l’exclusion du Parlement de deux politiciens qui avaient perdu leur siège parlementaire après avoir été condamnés au pénal. Une décision qui ouvre la porte à l’annulation de plusieurs lois alors que la composition de la Cour constitutionnelle est elle-même contestée.

La Cour constitutionnelle de Pologne a jugé une loi adoptée sans Mariusz Kaminski et Maciej Wąsik, deux parlementaires privés de leurs sièges après avoir été condamnés à des peines de prison pour abus de pouvoir, comme étant inconstitutionnelle le 19 juin dernier.
Les hommes politiques en question, membres du parti national-conservateur Droit et Justice (PiS), soutiennent qu’ils ont été illégitimement exclus.
La Cour constitutionnel, qui vient de se rallier à ce point de vue, s’apprêterait à rendre des décisions similaires concernant tous les projets de loi adoptés sans la participation des deux hommes, incluant notamment la loi sur le budget polonais.
La Cour a estimé que le projet de loi en question – relatif à la recherche et à l’enseignement supérieur – était invalide en raison d’une « formation défectueuse de la composition du Parlement qui a adopté la loi examinée ».
« L’inconstitutionnalité de la loi examinée est due au fait que deux députés, suite aux actions arbitraires du président du Parlement, n’ont pas été autorisés à participer à la procédure, a déclaré la Cour Constitutionnel dans un communiqué après la publication de l’arrêt. Les actions illégales du président du Parlement ont eu pour effet de saper la volonté d’un groupe particulier d’électeurs qui considéraient que Mariusz Kaminski et Maciej Wąsik devaient représenter la nation. »
Dans ces conditions, la Cour a jugé que le projet de loi examiné était incompatible avec l’article 7 de la Constitution, qui exige que les autorités agissent sur la base et dans les limites de la loi, avec l’article 104, qui dispose que les députés sont des représentants de la nation, et avec l’article 96, qui stipule que le Parlement est composé de 460 députés.
« Personne ne se soucie de la décision »
Le verdict a été rendu à l’unanimité par un panel de cinq juges, dont deux – Krystyna Pawłowicz et Stanisław Piotrowicz – sont d’anciens députés du PiS qui ont servi aux côtés de Kamiński et Wąsik au Parlement. Une autre était la présidente du tribunal, Julia Przyłębska, qui est une proche associée personnelle du président du PiS, Jarosław Kaczyński.
L’actuelle coalition au pouvoir a fait valoir par le passé qu’elle ignorerait toutes les décisions adoptées avec la participation de Pawłowicz et Piotrowicz, qui se trouvent au cœur d’un conflit d’intérêts en tant qu’anciens députés du PiS.
En réaction au verdict, lors d’une interview accordée au média Polsat News, Piotr Zgorzelski, vice-président du Parlement, déclarait déjà que « personne ne se soucie de la décision de la Cour Constitutionnelle, qui a perdu son impartialité » et « a agi pendant de nombreuses années sur des ordres politiques ».
Lors des élections européennes de ce mois-ci, Kamiński et Wąsik se sont présentés comme candidats du PiS au Parlement européen et ont tous deux été élus.
Peu après l’arrestation des deux députés au palais présidentiel de Varsovie, en janvier dernier, Andrzej Duda, le président polonais, a commencé à renvoyer tous les projets de loi adoptés par le Parlement vers la Cour Constitutionnelle en raison de ses « doutes » quant à leur adoption légale, étant donné l’exclusion des politiciens du PiS.
Mariusz Kaminski et Maciej Wasik ont été condamnés à deux ans de prison pour abus de pouvoir alors qu’ils dirigeaient un bureau anti-corruption en 2007. Les deux politiques avaient été contraints de commencer à purger leurs peines d’emprisonnement en janvier, avant d’être libérés peu après, lorsque M. Duda les a graciés.
« Guérir » la Cour Constitutionnelle
En mars dernier, le gouvernement polonais a annoncé une série de mesures visant à « guérir » la Cour Constitutionnelle du pays après huit années de règne du parti national-conservateur Droit et Justice, dont les actions ont rendu l’organe « défectueux ».
Les propositions comprennent la déclaration d’illégitimité de trois juges choisis par le PiS, ainsi que du président de la Cour. Elles incluent également la réforme du mode de sélection des juges de la Cour à l’avenir et des modifications de la Constitution polonaise.Ces mesures visent à remédier à une situation dans laquelle la Cour constitutionnelle est largement considérée comme étant sous l’influence du PiS.
Même si elle est approuvée par le Parlement, la législation peut faire l’objet d’un veto de la part du président Andrzej Duda, allié du PiS, et se heurtera à l’opposition de la Cour constitutionnelle elle-même. Le début d’une crise plus large ?