Un think tank britannique dénonce des écarts croissants entre le nord et le sud de l’Angleterre, un pouvoir de décision trop centralisé et les échecs du gouvernement face à « l’ampleur du changement requis ». Entre 2014 et 2019, le gouvernement a dépensé 34% de moins pour une personne vivant dans le nord de l’Angleterre que pour une personne vivant à Londres.

L’Institute for Public Policy Research, un groupe de réflexion basé au Royaume-Uni, a publié le 17 janvier le rapport State of the North 2021 dans lequel il souligne l’aggravation des fractures régionales, dénonce le pouvoir centralisé et les promesses non tenues.
Pour l’IPPR, les écarts entre régions en Angleterre se creusent dans des domaines tels que la santé, les opportunités d’emploi et la confiance dans la démocratie.
En effet, si Londres et la région du Sud-Est représentent un tiers de la population de l’Angleterre, ils détiennent cependant 42% de sa richesse, indique le rapport.
De plus, moins d’emplois sont créés dans le nord. Pour chaque emploi créé dans le nord, près de trois sont créés dans les régions du Grand Londres, du Sud-Est et de l’Est de l’Angleterre. L’indice de qualité de l’emploi créé par l’institut montre également des scores plus faibles dans le nord.
Le rapport souligne que les financements manquent pour aider à combler ces écarts. Les finances et les pouvoirs de décision ont même été davantage centralisés entre 2010 et 2019.

Le gouvernement a investi 34 % de moins pour une personne vivant dans le Nord qu’à Londres
Le gouvernement central récolte l’essentiel des recettes puisqu’il a collecté 96 % de l’impôt des particuliers dans le nord en 2019–20. En contrepartie, 23 % des dépenses publiques du Royaume-Uni ont été reportées sur des entités régionales en 2019, malgré des gouvernements décentralisés en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord.
Selon les données de l’OCDE, le Royaume-Uni est le 12e pays le plus centralisé parmi les 33 États de l’OCDE pour lesquels les chiffres sont disponibles. Moins centralisé que des pays comme l’Irlande ou la Nouvelle-Zélande (89 % et 90 % des dépenses sont gérées par les gouvernements nationaux) mais plus que le Canada, où seulement 32 % des dépenses publiques sont gérées au niveau national.
Depuis 2010, le Royaume-Uni a réduit ses dépenses publiques, mais celles-ci ont moins diminué à Londres que dans les régions du nord.
Les investissements du gouvernement en faveur du nord s’élevaient à 1 280 livres par personne en 2019⁄20 (1 748 dollars), ce qui signifie que la population a bénéficié de 700 livres, soit 34 %, de moins qu’une personne vivant à Londres. « Si le nord avait reçu des investissements à la même hauteur que Londres entre 2014⁄15 et 2019⁄20, il aurait reçu 61,6 milliards de livres sterling d’investissements de plus », souligne le rapport.
La centralisation du pouvoir se matérialise par une modification de l’emploi des collectivités locales. Les emplois dans ce secteur ont diminué de 31% dans le nord depuis 2010 alors que ceux du gouvernement central ont augmenté de 23%.
Donner plus de pouvoir fiscal et décisionnel aux autorités locales
Depuis des années, le gouvernement britannique promet de réduire les écarts sociaux et économiques entre le nord et le sud du pays.
Ainsi, le gouvernement de Boris Johnson a mis en œuvre le Leveling up policy pour corriger les déséquilibres entre les régions. Et en 2016, le programme Northern Powerhouse visait à stimuler la croissance économique dans le nord de l’Angleterre et certaines parties du Pays de Galles, et en particulier dans des villes comme Manchester, Liverpool, Leeds ou Newcastle.
Mais le think tank affirme que le gouvernement ne parvient pas à tenir ses promesses car « le Royaume-Uni est plus divisé que jamais sur le plan régional et les politiques pour y parvenir restent obscures ».
Pour l’IPPR, « l’absence d’un plan clair permet au gouvernement central de maintenir un sentiment de progrès en le rattachant à beaucoup de choses. Il s’agit souvent d’investissements dans de petits projets d’équipement – qui, bien que bienvenus, ne suffisent pas à l’ampleur du changement requis. »
L’une des solutions préconisées par le think tank est de renforcer la délégation financière et institutionnelle, en dotant les institutions locales de plus de pouvoirs fiscaux par exemple.
Pour un porte-parole du gouvernement, le rapport est « trompeur », selon la BBC. Un livre blanc du gouvernement sur la politique Leveling up est attendu début 2022.