Les arnaqueurs ont utilisé une plateforme de trading qui proposait aux habitants de la ville argentine de San Pedro de doubler leur investissement en dollars en un mois et demi.

Une prétendue escroquerie pyramidale liée à des crypto-monnaies a récemment choqué l’Argentine. Un tiers des habitants de San Pedro, une ville de 70 000 habitants située à 170 kilomètres de Buenos Aires, ont déclaré avoir été victimes d’une arnaque à grande échelle, comme l’a rapporté le média argentin Rosario mardi dernier.
Rainbowex, une fausse plateforme de trading, promue par la Fondation Knight Consortium, une fondation composée d’un groupe d’actionnaires censé opérer en bourse et attirer des investisseurs du monde entier, auraient promis à près de 20 000 personnes de doubler leur investissement en dollars en un mois et demi. Une performance sans précédent. Le problème ? Rainbowex et Knight Consortium, ne disposent d’aucune structure juridique. En d’autres termes, ils n’existent pas.
Des acteur polonais pour incarner les dirigeants
La soi-disant fondation opérait via des promoteurs, dispersés dans la ville de San Pedro, qui encourageaient les habitants à investir leur argent sur la plateforme. Seule condition : ils devaient, à leur tour, recruter de nouveaux participants, suivant le mécanisme classique des escroqueries pyramidales.
« Un ami m’a parlé de la plateforme en mars. Il m’a promis un retour sur investissement en dollars, expliquant que je recevrai mon argent dans 45 jours. Je transférais des pesos via un portefeuille virtuel », a déclaré Mariano, victime de l’escroquerie, au média argentin TN.
Une femme connue sous le nom de « La China » (La chinoise) envoyait chaque nuit des messages aux investisseurs via le canal Telegram pour leur indiquer le « moment approprié » pour acheter et vendre des crypto-monnaies.
Le principal attrait de la supercherie était la promesse de gagner des intérêts allant jusqu’à 2% par jour en dollars par l’intermédiaire du Tether, une cryptomonnaie considérée comme « stablecoin » car indexée sur le cours du dollar. De plus, les investisseurs pouvaient retirer leurs fonds quand ils le souhaitaient. S’ils le faisaient, ils pouvaient choisir de convertir les crypto-monnaies en pesos qui seraient restitués au portefeuille virtuel d’origine, ou de les échanger auprès de certaines agences financières contre des dollars. Les agences encaissaient alors une commission de 5%.
Une économie argentine en récession
Au cœur d’une économie argentine en récession et avec une pauvreté croissante, la supercherie a séduit les personnes plus modestes comme les plus aisées, tous à la recherche des fameux dollars. Surendetté, le pays est rongé par l’inflation depuis des années : la hausse du niveau général des prix en Argentine avait atteint +211,4% en 2023.
Javier Milei, économiste ultra-libéral revendiqué, élu président de la République argentine en novembre 2023, avait basé son programme sur la proposition de « dollariser » l’économie avant de renoncer temporairement au projet, pour ne pas vider le pays de ses maigres réserves de devises. À son arrivée au pouvoir, le gouvernement Milei a lancé une myriade de réformes économiques, se répercutant sur le porte-monnaie des Argentins comme la dévaluation de plus de 50% du peso, la devise nationale. L’objectif étant la réduction drastique du déficit budgétaire chronique du pays.
Lorsque les soupçons ont commencé à circuler concernant la supercherie Rainbowex, comme rapporté par la chaîne de télévision TN, les responsables de la soi-disant fondation ont organisé une « conférence » dans un hôtel luxueux de Buenos Aires pour rassurer les investisseurs à la recherche de dollars.
La police a découvert plus tard que les supposés dirigeants à cet événement étaient, en fait, des acteurs polonais.
Il s’agit en fait de Filip Wałcerz, 44 ans, des publicités et quelques rôles de figuration dans des séries et films polonais à son actif, alias « Jeremy Jones », le prétendu directeur des opérations du Knight Consortium, et Maurycy Lyczko. Ce dernier aurait affirmé avoir été embauché par une personne d’origine asiatique qui lui a fourni un scénario et un salaire de 1 500 dollars.
Des soupçons d’une arnaque avec un système pyramidale

Les investisseurs ont commencé à se poser des questions lorsque Maximiliano Firtman, journaliste argentin, a tiré la sonnette d’alarme via une publication sur le réseau social X, désormais devenue virale. « Tout n’est que simulation, ils sont tous fous de croire que ces gens sont les loups de Wall Street », peut-on lire dans la publication.
Peu de temps après, de nombreux habitants de San Pedro ont contacté les dirigeants de la fondation via le canal Telegram pour obtenir des explications. « Le service technique m’a fait savoir qu’il y avait quelques problèmes logistiques, mais soyez patients », ont répondu les responsables de la supercherie, pour tranquilliser les investisseurs.
Dans les escroqueries basées sur ce qu’on appelle le « système de Ponzi » (d’après Carlo Ponzi, célèbre fraudeur italien), les premiers investisseurs reçoivent des intérêts supposés qui proviennent, en réalité, du capital apporté par les nouveaux investisseurs.
Lorsque les revenus diminuent, ou lorsque de nombreux investisseurs décident de retirer leur capital, la supercherie s’effondre.
Deux enquêtes sont déjà ouvertes devant les tribunaux argentins. La Justice fédérale enquête pour savoir si des délits tels que le blanchiment d’argent ou l’intermédiation financière illégale ont été commis. Dans ce contexte, deux perquisitions ont été menées mercredi, dans l’une des agences financières impliquées – Overcash – et au domicile privé de l’un des promoteurs présumés de l’entreprise.
Selon des sources judiciaires consultées par La Nación, le principal suspect serait un certain Luis Pardo, arrêté en 2019 pour violences conjugales.
Ce n’est pas le premier cas d’accusation d’arnaques liée à des crypto-monnaies et un système pyramidal en Amérique latine. Au Brésil l’année dernière, des citoyens ont dénoncé une vingtaine de sociétés brésiliennes de crypto-monnaies qui auraient arnaqué plusieurs millions de brésiliens.