Une salle de sport sud-coréenne a déclenché une polémique nationale en affichant un panneau interdisant aux « ajummas » d’utiliser ses installations. L’absence de lois contre la discrimination en Corée du Sud permet aux organisations de mettre en œuvre de telles politiques d’exclusion.
![Un "ajumma" marchant dans un champ avec une visière.](https://www.newsendip.com/wp-content/uploads/2024/06/ajumma-south-korea.webp)
Le 7 juin, une salle de sport d’Incheon, près de la capitale Séoul, a affiché un panneau indiquant « Seules les femmes cultivées et élégantes sont admises », interdisant ainsi aux femmes d’âge moyen, souvent appelées « ajummas », d’accéder à ses locaux.
Le terme « ajumma », qui désigne traditionnellement les femmes mariées âgées entre 45 et 55 ans environ, est de plus en plus souvent considéré comme une étiquette péjorative en Corée du Sud, imprégnée de connotations sexistes et âgistes.
De plus, le panneau énumère huit critères permettant de distinguer les « ajummas » des autres femmes.
La direction de la salle de sport a défendu l’interdiction en alléguant que ces femmes, qui portent selon les stéréotypes des vêtements aux couleurs vives, ont les cheveux permanentés et sont souvent perçues comme bruyantes et autocentrées, ont causé des perturbations importants.
Elles auraient notamment volé des objets, fait leur lessive dans le gymnase, bavardé et fait des commentaires intempestifs sur le corps d’autres membres. Selon la salle de sport, ces comportements ont conduit des femmes plus jeunes à renoncer à leur abonnement.
Pour tenter de justifier l’interdiction, la salle de sport a établi une distinction entre les « ajummas » et les autres femmes, déclarant que les ajummas « aiment les choses gratuites quel que soit leur âge » et qu’elles sont « avares de leur propre argent mais pas de celui des autres ».
Le terme « ajumma » est souvent utilisé de manière péjorative pour décrire un comportement jugé grossier ou odieux, mais qui témoigne d’une intolérance à l’égard des femmes plus âgées. D’autres entreprises ont déjà été critiquées pour avoir exclu les enfants ou les personnes âgées, ainsi que les étrangers, de certains espaces publics.
Si la Loi sur l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi et sur la promotion de l’emploi des personnes âgées interdise aux employeurs d’exercer une discrimination fondée sur l’âge sans motif valable, la pratique consistant à refuser l’accès des cafés, des restaurants et des maisons d’hôtes aux personnes âgées est bel et bien présente.
Sur l’île de Jeju, par exemple, le propriétaire d’une maison d’hôtes a interdit l’accès aux visiteurs de plus de 39 ans, préférant s’adresser à la jeune génération. Pour contourner la loi, les employeurs et les propriétaires font souvent valoir que les personnes âgées sont mal élevées et bruyantes, ce qui constitue un motif justifiable de discrimination.
Les dynamiques de genre de l’âgisme en Corée
Mais l’absence de lois antidiscriminatoires a des conséquences qui vont bien au-delà de l’accès aux espaces publics.
Le pays présente l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes le plus important des pays de l’OCDE et se classe au dernier rang de l’indice du plafond de verre établi par The Economist.
Malgré de nombreuses propositions, Amnesty International et Human Rights Watch ont signalé que la Corée du Sud reste l’un des seuls pays de l’OCDE à ne pas disposer d’une « législation complète » protégeant contre toutes les formes de discrimination de manière unifiée.
L’administration du président Yoon Suk Yeol a été particulièrement critiquée en ce qui concerne les questions de genre. En promettant d’abolir le Ministère de l’Égalité des genres et de la Famille et en éliminant les quotas de genre du gouvernement, Yoon a été accusé d’inciter au « conflit de genre ».
Se proclamant « anti-féministe », il a imputé le faible taux de natalité du pays au féminisme et a affirmé que « la discrimination structurelle systémique basée sur le genre n’existe pas en Corée du Sud ». Il a éliminé les quotas de genre du gouvernement et n’a nommé que 3 femmes dans son cabinet de 19 membres.
Une société fragmentée
La société sud-coréenne est traditionnellement confucéenne et doit respecter les aînés, mais elle est de plus en plus fragmentée avec une division marquée entre les jeunes, orientés vers l’Occident, et la génération plus traditionnelle des aînés.
Cette fragmentation de la société est aggravée par des problèmes tels que le taux de natalité le plus bas du monde, les longues heures de travail, l’augmentation du coût de la vie et l’inégalité entre les hommes et les femmes.
La violence à l’encontre des personnes âgées de plus de 65 ans est elle en augmentation, le nombre de cas de maltraitance des personnes âgées étant passé de 5 188 en 2018 à 6 259 en 2020.
Human Rights Watch rapporte que des lois anti-discrimination ont été proposées 11 fois depuis 2007, mais qu’aucune n’a été adoptée. Avec 40 % des Sud-Coréens de plus de 65 ans vivant sous le seuil de pauvreté de l’OCDE, le pays possède le taux le plus élevé parmi les pays de l’OCDE.