En 1978, la loi 194 a légalisé l’avortement en Italie. Mais 46 ans plus tard, le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni a introduit des lois visant à dissuader les femmes de recourir à l’avortement. Un positionnement qui a déclenché des désaccords avec d’autres dirigeants européens récemment.
Jeudi, les dirigeants du groupe des sept pays industrialisés se sont réunis dans le sud de l’Italie pour discuter des récents problèmes économiques et de sécurité, en concentrant leurs discussion sur la guerre en Ukraine et à Gaza, ainsi que sur l’évolution de l’intelligence artificielle et les investissements en Afrique.
Mais des désaccords sont apparus entre Giorgia Meloni et d’autres pays sur un autre sujet : l’avortement.
La responsable du parti d’extrême droite Frères d’Italie a été accusée d’avoir demandé à ce que la référence à un « avortement sûr et légal » soit supprimée de la déclaration finale du sommet, qui a été rendue publique vendredi dernier.
Depuis son entrée en fonction en octobre 2022, la dirigeante italienne a ravivé les tensions sur la question de l’avortement dans le pays, 46 ans après sa légalisation.
En avril, son gouvernement a approuvé une loi autorisant les groupes de « soutien à la maternité » dans les cliniques qui effectuent des avortements, ce qui a d’ailleurs déclenché une querelle avec le gouvernement socialiste espagnol qui a récemment criminalisé le harcèlement ou l’intimidation des femmes qui se font avorter.
De l’argent pour éviter l’avortement
Bien qu’elle ait promis de ne pas toucher à la loi historique sur l’interruption volontaire de grossesse, la conviction personnelle de Mme Meloni contre l’avortement et les politiques de son parti créent un environnement défavorable pour les femmes d’y avoir recours.
En 2022, Maurizio Marrone a proposé un plan dans la région du Piémont visant à offrir aux femmes 4 000 euros pour qu’elles n’aient pas recours à l’avortement. Ce conseiller régional d’extrême droite a également proposé un financement de la région de 400 000 euros aux associations de lutte contre l’avortement, ce qui a été approuvé. Ce programme a été critiqué pour avoir déguisé la propagande anti-avortement en aide aux femmes en difficulté économique.
En mai, l’agence de presse nationale italienne a rapporté le cas d’une jeune femme de Gênes qui, alors qu’elle cherchait à se faire avorter d’urgence après s’être vu refuser la procédure dans un hôpital public, a été abordée par deux militants anti-avortement qui lui ont proposé 100 euros pour ne pas avorter.
Le sénateur génois Luca Porindini, du parti populiste Mouvement 5 étoiles, a qualifié l’incident de « très grave, honteux et tout simplement inacceptable ».
Bien que la première ministre Meloni et son gouvernement insistent sur la protection du droit à l’avortement, des incidents de ce type ont suscité des inquiétudes quant à la protection du droit constitutionnel à l’avortement, le conseiller régional de Ligurie, Roberto Arboscello, avertissant que « nous sommes en présence d’un affaiblissement manifeste de la loi 194 ».
En effet, le gouvernement n’a fait que renforcer les valeurs conservatrices d’un pays fortement influencé par le catholicisme avec 80 % des Italiens se déclarant catholiques.
Le ministère italien de la santé liste les médecins opposés à pratiquer l’avortement. Près de 65% des gynécologues s’y refusent en invoquant des raisons morales, un chiffre qui grimpe à 90% dans certaines zones dans le sud du pays, selon des données de 2020.
Dans la région des Marches, où les Frères d’Italie sont au pouvoir depuis 2020, l’accès à l’avortement est sévèrement limité. Alors que la limite nationale pour les avortements médicaux est de neuf semaines de grossesse, les Marches imposent une limite plus stricte de sept semaines. Une fois qu’elles ont reçu l’autorisation médicale, les femmes doivent ensuite réfléchir pendant une semaine à leur décision avant que la procédure ne soit effectuée. Les délais sont donc souvent dépassés, car les grossesses ne sont souvent découvertes qu’à la cinquième ou sixième semaine.
En dépit des politiques actuelles, l’Italie est généralement favorable à la légalisation de l’avortement à environ 70 %. Toute modification significative du cadre juridique actuel se heurterait à une opposition considérable de la part du public et des groupes de défense des droits.
Influence des groupes anti-avortement
POLITICO Europe a également rapporté que les autorités sanitaires dans les régions contrôlées par la majorité de Meloni imposent des séjours à l’hôpital pour les personnes qui prennent une pilule abortive, malgré un changement de directives en 2020 qui a permis aux femmes de rentrer chez elles plutôt que de passer la nuit à l’hôpital.
Des groupes anti-avortement ont également essayé de forcer les femmes à écouter les battements de cœur du fœtus.
En 2023, ces organisations anti-avortement ont recueilli 106 000 signatures pour modifier la loi du pays sur l’avortement, soit le double du minimum requis pour qu’un référendum soit envisagé. L’objectif de Pro-Vita e Famiglia (Pro-Vie et Famille) est d’introduire deux étapes supplémentaires, dont l’écoute des battements de cœur du fœtus, avant que les patientes puissent recevoir le traitement.
Aux États-Unis, les organisations chrétiennes anti-avortement sont particulièrement influentes et se sont étendues au-delà du pays, avec des antennes dans le monde entier. Heartbeat International, le plus grand groupe anti-avortement du pays, s’est associé à Movimento per la Vita (« Mouvement pour la vie ») en Italie pour fournir des « alternatives à l’avortement » et l’a financé à hauteur de 92 800 euros depuis 2014.
Le cadre juridique sur l’avortement en Italie
La loi 194 a légalisé l’avortement mais a également inclus des dispositions visant à prévenir la procédure et à soutenir la maternité. Et c’est sur ce dernier point que le gouvernement actuel met l’accent. Frères d’Italie affirme qu’il améliore le soutien à la maternité en garantissant des alternatives à l’avortement.
Meloni a fait du soutien au faible taux de natalité de l’Italie une priorité, avertissant que la « nation italienne » était « destinée à disparaître », alimentant les valeurs sociales conservatrices en promouvant les familles traditionnelles et en limitant l’avortement.
Toutefois, des sources au sein du cabinet de Mme Meloni ont nié que la référence à l’avortement ait été supprimée de la déclaration du G7. Le mot « avortement » n’apparaît pas, mais les engagements pris à Hiroshima lors du G7 de l’année dernière en matière de « services de santé pour les femmes, y compris les droits reproductifs » ont été réitérés. « Il n’y a pas de retour en arrière » et « rien n’a été supprimé » dans la déclaration a souligné Mme Meloni.
Ayant obtenu 29 % des voix lors des dernières élections européennes, Meloni a présidé la réunion du G7 de la semaine dernière en position de force.