Aux Pays-Bas, une mère perd près de la moitié de ses revenus sept ans après la naissance de son premier enfant par rapport aux femmes qui n’en ont pas. Dans un pays où la culture du travail à temps partiel est très répandue, le fait que les mères travaillent moins d’heures après la naissance de leur enfant est le principal facteur de ce qui est surnommée la pénalité de la maternité.

Le Bureau néerlandais d’analyse de la politique économique a calculé ce que l’on appelle la « pénalité d’un enfant » ou « pénalité de maternité » (motherhood penalty), c’est-à-dire la perte de revenu que subissent les femmes du fait de leur maternité. En utilisant des données administratives nationales, il a prédit la perte potentielle de revenus des parents lors de la naissance d’un enfant entre 2005 et 2009 et en a évalué les causes.
Et les revenus des mères sont inférieurs de 46 % à ce que suggérait l’évolution de leurs revenus avant la naissance d’un enfant. En revanche, les revenus des pères ne sont pas affectés par la naissance d’un enfant. L’étude suggère que la pénalité de la maternité est principalement due au fait que les femmes réduisent leur temps de travail alors que les hommes ne le font pas, dans un pays où la culture du travail à temps partiel est très présente.
Aux Pays-Bas, les hommes gagnent 13 % de plus que les femmes en 2018.
L’écart global entre les sexes est proche de la moyenne de l’OCDE, plus que les 4,9 % du Danemark, mais moins que les 18,5 % des États-Unis. Mais l’étude montre que, même s’il existe un écart entre les hommes et les femmes avant l’accouchement, l’évolution des revenus suit la même tendance. Cependant, l’écart se creuse après la naissance d’un enfant. Les pères continuent sur leur lancée, tandis que les mères voient d’abord leurs revenus diminuer, puis ont une évolution plus lente de leurs revenus après la naissance d’un enfant.
La culture du travail à temps partiel, qui améliorait autrefois l’égalité des sexes, accroît aujourd’hui les inégalités
Après sept ans, les mères gagneraient ainsi 46 % moins que prévu si elles n’avaient pas eu d’enfant. Les pères gagnent un peu moins après la naissance d’un enfant, mais la réduction globale des revenus s’estompe sept ans plus tard. Après deux ans, cette pénalité est déjà de 35 % par rapport à une femme sans enfant. La raison réside dans le fait que les femmes réduisent leur temps de travail après la naissance.
Aux Pays-Bas, le travail à temps partiel est largement répandu avec le modèle d’un foyer qui a 1,5 revenu. Avec 20 % des hommes travaillant à temps partiel, les Néerlandais sont deux fois plus susceptibles d’adopter ce mode de travail que la moyenne de l’OCDE.
Mais cette norme est encore plus répandue chez les femmes. Par conséquent, la proportion de personnes travaillant à temps partiel est de 38 points de pourcentage plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans le pays. Il s’agit de l’écart le plus élevé entre les sexes en termes de travail à temps partiel parmi les membres de l’OCDE.
Pourtant, le travail à temps partiel fut mis en place dans les années 1960 aux Pays-Bas pour permettre aux femmes d’entrer sur le marché du travail dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Mais ce qui a autrefois contribué à réduire les inégalités entre les sexes serait aujourd’hui un frein à l’égalité, suggère l’étude. En effet, près d’un tiers des femmes adultes ne sont pas indépendantes financièrement, alors que seulement 20 % des hommes ne peuvent pas vivre s’assumer seuls financièrement.
L’accès aux services de garde d’enfants présente de maigres avantages à court terme
En 2005, les initiatives gouvernementales ont unifié les subventions et augmenté l’accès aux services de garde d’enfants. Néanmoins, l’augmentation de l’accès à la garde d’enfants s’est avérée avoir de faibles effets à court terme pour réduire la perte de revenu des mères. Les femmes ont perdu 6,5 % de revenu prévu en moins grâce à l’accès accru aux services de garde d’enfants, ce qui représente un gain de 750 euros par an. Mais si les avantages immédiats sont modestes, le rapport suggère qu’il existe des relations plus complexes avec des impacts à long terme qui sont difficiles à saisir dans la forte corrélation entre l’accessibilité des services de garde d’enfants et une baisse de la pénalité de la maternité.
La pénalité de la maternité est relativement élevée dans le pays, mais elle est très répandue parmi les États. Au Danemark et en Norvège, la perte de revenu est d’environ 20 %. En Espagne, en Suède, en Finlande ou en France, elle est d’environ 30 %. En Autriche et au Royaume-Uni, la pénalité financière pour la mère d’avoir un enfant est plutôt de 45–50 %, tandis qu’elle atteint même 60 % en Allemagne (les chiffres sont issus de différentes années de naissance).
Contrairement à une étude menée en Espagne, les résultats montrent que les « déterminants socio-économiques tels que le niveau d’éducation » ne sont pas à l’origine de la pénalité infantile, mais suggèrent plutôt que les normes culturelles sont susceptibles d’être un facteur important aux Pays-Bas. L’étude a également révélé que plus une famille est religieuse, plus la pénalité infantile est élevée.
La réduction du temps de travail aux Pays-Bas étant fortement genrée, les données prouvent également que la pénalité financière chez les mères homosexuelles est inférieure d’un tiers à celle des couples hétérosexuels.