Alors que le Salvador sera le premier pays au monde à faire de Bitcoin une monnaie légale, chaque Salvadorien pourra télécharger un portefeuille numérique contenant l’équivalent de 30 dollars en bitcoins.

Le 7 juin, le Congrès du Salvador a adopté une loi faisant du Bitcoin une monnaie légale dans le pays. Elle entrera en vigueur seulement 90 jours plus tard, le 7 septembre.
Les Salvadoriens pourront alors acheter n’importe quel bien ou service avec la monnaie numérique en utilisant une application sur leur téléphone.
Ce portefeuille numérique s’appelle « Chivo », ce qui désigne en espagnol une jeune chèvre mâle mais qui signifie aussi « cool » ou « génial » dans le langage familier salvadorien. Il devrait être disponible en septembre. Le président Nayib Bukele, 39 ans, a déclaré que les personnes qui téléchargeraient l’application recevraient 30 dollars en bitcoin sur leur compte, à titre d’incitation.
L’objectif de la nouvelle monnaie officielle est de connecter le pays au reste du monde, de réduire les frais de conversion pour les touristes et de dynamiser l’économie, a déclaré le président lors d’une présentation le 24 juin à l’aide d’un powerpoint.
Bitcoin était déjà autorisé dans le pays, mais désormais, tous les magasins ou entreprises devront l’accepter.
En effet, la loi stipule que « tout agent économique doit accepter les bitcoins comme moyen de paiement lorsqu’ils sont proposés par quiconque acquiert un bien ou un service ». Toutefois, le président a expliqué que les bitcoins seraient facultatifs et qu’il serait possible de les « accepter sans les recevoir », car les personnes pourront convertir immédiatement les bitcoins en dollars avec Chivos s’ils le souhaitent.
Le gouvernement garantira la convertibilité avec le dollar américain par l’intermédiaire d’un fonds public doté de 130 millions de dollars. Mais beaucoup de choses doivent encore être clarifiées d’ici le 7 septembre. Le président a reconnu que la loi, qui tient en deux pages et dont les 16 articles n’ont même pas été discutés à l’Assemblée, est effectivement « concise ».
De nombreux défis pour l’adoption du Bitcoin
Seuls 2 distributeurs automatiques à Bitcoin sont installés dans le pays et il est prévu d’en avoir 14 d’ici le 7 septembre, un seul dans chaque département pour que la population commence à s’y habituer. Le président estime que l’adoption complète de la monnaie numérique pourrait prendre entre 5 et 10 ans.
La forte volatilité du Bitcoin, qui peut perdre 30 % de sa valeur en quelques jours, est une source d’inquiétude. Des fluctuations aussi rapides peuvent affecter la consommation quotidienne, car les prix de la nourriture pourraient bondir en quelques heures seulement, par exemple. En outre, les commissions sur les transactions peuvent atteindre 10 %.
Il soulève également des interrogations pour la lutte contre de blanchiment d’argent. Le bitcoin est connu pour être utilisé par les criminels, qui pourraient y voir un moyen de payer avec cette monnaie et de convertir facilement de l’argent sale en dollars grâce au fonds soutenu par l’État.
Le portefeuille numérique est censé être facile à utiliser. Néanmoins, seuls 45 % des 6,8 millions de Salvadoriens ont accès à internet. Le président estime toutefois que le pays peut adopter la monnaie numérique comme l’a fait El Zonte.
El Zonte est un village de pêcheurs de 3 000 habitants situé sur la côte pacifique du Salvador, apprécié des touristes pour ses spots de surf. Depuis un an, la ville utilise l’application Bitcoin Beach pour acheter des produits alimentaires ou des services publics.

Le FMI a refusé d’offrir une assistance technique
En 2019, un mystérieux surfeur californien a commencé à envoyer des bitcoins à une association locale à but non lucratif qui visait à créer un écosystème de crypto-monnaies. Ils ont alors développé l’application Bitcoin Beach et aidé les entreprises à mettre en place des systèmes pour accepter les paiements dans la monnaie numérique. Le donateur anonyme a ensuite subventionné la mise en œuvre en envoyant trois fois 40 dollars en bitcoins à chacune des 500 familles de la communauté. L’adoption de la crypto-monnaie à El Zonte a véritablement pris son essor pendant la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement.
Dans un pays où 70 % de la population n’a pas de compte bancaire, le gouvernement voit dans les portefeuilles numériques comme une étape vers une meilleure gestion de l’argent. Il espère ainsi attirer davantage d’investissements, d’entreprises, de touristes et d’envois de fonds de l’étranger.
En effet, les envois d’argent de la population de l’étranger, qui vit principalement aux États-Unis, représentent une grande partie de l’économie du Salvador. Selon la Banque mondiale, le Salvador a reçu près de 6 milliards de dollars d’envois de fonds en 2019, soit environ 20 % du produit intérieur brut du pays. « L’une des raisons pour lesquelles nous avons adopté la loi sur le bitcoin est précisément d’aider les personnes qui envoient des fonds », a déclaré le président Bukele. Avec moins d’intermédiaires, la monnaie numérique pourrait en effet s’avérer plus facile, et moins chère, que le transfert de dollars.
En 2001, le Salvador a abandonné le colón salvadorien pour faire du dollar américain sa monnaie légale. Dans les faits, le Salvador a déjà perdu le contrôle de toute politique monétaire depuis 20 ans. Mais il a facilité l’importation d’argent grâce aux envois de fonds et au tourisme.
Les retraites et les salaires seront toujours payés en dollars, qui restent la monnaie de référence.
Le Salvador a demandé une assistance technique au FMI pour mettre en œuvre la nouvelle loi, mais ce dernier a refusé en raison des « lacunes en matière d’environnement et de transparence » qui entourent le Bitcoin.
Dans le même temps, le Salvador souhaite également 1,3 milliard de dollars auprès du FMI pour stabiliser ses finances qui se dégradent.