Une nouvelle théorie sur qui a trahi Anne Frank qui ne convainc pas tout le monde

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18 janvier 2022

Des recherches ont conduit à un nouveau suspect qui aurait trahi la cache d’Anne Frank, mais certains experts restent prudents sur les conclusions car les preuves concrètes manquent pour prouver sa véracité.

Anne Frank
Un livre expose une nouvelle théorie sur la personne qui aurait trahi la cachette d’Anne Frank. Mais d’autres experts restent sceptiques | Photo non datée, avec l’aimable autorisation de la Maison d’Anne Frank via Reuters

Une équipe d’historiens, de criminologues et de spécialistes de la data a consacré six années de recherche au mystère de la découverte par les nazis de la cachette d’Anne Frank, la célèbre jeune écrivaine décédée en 1944.

Et les conclusions de ces recherches soutiennent une théorie à peu considérée jusqu’à présent.

Anne Frank aurait été trahie par un éminent notaire juif, Arnold van den Bergh. Il aurait donné l’adresse d’Anne, entre autres, pour sauver sa propre famille.

Anne et sept autres Juifs furent découverts par les nazis le 4 août 1944, après s’être cachés pendant près de deux ans dans une annexe secrète située au-dessus d’un entrepôt au bord d’un canal à Amsterdam. Tous ont été déportés. Anne est morte dans un camp à l’âge de 15 ans.

« Ce n’était pas un cold case. Le sujet était gelé », a déclaré Vince Pankoke, ancien agent du FBI qui a participé à l’enquête.

Une lettre anonyme, pièce maîtresse de la théorie

Les chercheurs ont utilisé de nouvelles techniques comme l’intelligence artificielle pour analyser 66 gigaoctets d’informations. Ils ont compilé des listes de collaborateurs néerlandais, d’informateurs, de documents historiques, de dossiers de police et ont visualisé des dizaines de scénarios à partir de cartes en essayant de trouver des liens entre les raids, les cachettes ou les motivations.

Ils ont d’abord testé 32 théories différentes, pour se limiter à 4 noms, avec Van Den Bergh comme principal suspect.

Une lettre anonyme envoyée au père d’Anne est la pièce maîtresse de leur théorie. La lettre, découverte lors d’une enquête de police dans les années 1960, indique qu’Arnold van den Bergh a donné une liste d’adresses de cachettes aux nazis. C’est le seul document relatif à la trahison dans lequel un nom est mentionné.

Arnold van den Bergh était membre du Conseil juif et l’équipe suppose que, en tant que personnalité locale de premier plan, il aurait eu accès aux adresses de ces cachettes. De plus, le raid ordonné par un nazi de haut rang n’aurait pas pu être renseigné par un Néerlandais ordinaire.

Le Conseil juif était une organisation juive créée par les nazis en 1941 pour gouverner et assurer la liaison avec la communauté juive des Pays-Bas. Toute l’équipe de direction fut transférée dans un camp de concentration en 1943.

La théorie autour d’Arnold van den Bergh avait été écartée par le passé parce qu’il aurait été déporté un an avant l’arrestation d’Anne Frank. Mais les enquêteurs ont découvert que ce n’était pas le cas.

Les chercheurs pensent même que le père d’Anne était au courant de la trahison mais qu’il voulait éviter toute conclusion antisémite. M. Van den Bergh a été réintégré comme notaire après la Seconde Guerre mondiale et est mort d’un cancer de la gorge en 1950.

Pas de preuve, mais des spéculations et un biais de confirmation ?

D’autres experts saluent le volume de documents obtenus et analysés mais restent beaucoup plus sceptiques quant aux conclusions. Plusieurs éléments de la théorie avancée par les enquêteurs sont remis en question et pourraient être expliqués différemment.

L’équipe elle-même a reconnu qu’elle n’avait pas de « smoking gun », de preuve irréfutable de leurthéorie. Cependant, M. Pankoke estime que la probabilité d’être correct est supérieure à 85%.

Ronald Leopold, directeur de la Maison d’Anne Frank, qui n’a pas participé à l’enquête mais a fourni certains documents, pense que des recherches supplémentaires seraient nécessaires avant de tirer une conclusion aussi importante, étant donné que « d’importantes pièces du puzzle manquent encore ».

Pour Bart van der Boom, un professeur d’université qui travaille à un livre sur le Conseil juif, la théorie est d’une « absurdité diffamatoire », rapporte NOS.

Pour Johannes Houwink ten Cate, professeur spécialisé sur l’holocauste et le génocide à l’Université d’Amsterdam, le Conseil juif a été très sévèrement jugé dans la communauté juive : « S’il y avait eu des preuves de l’existence de listes de Juifs cachés, elles auraient été présentées après la guerre ».

L’historien Erik Somers, de l’institut néerlandais NIOD pour les études sur la guerre, l’holocauste et les génocides, a déclaré que les hypothèses concernant le Conseil juif n’étaient pas étayées par d’autres recherches historiques. De nombreuses autres raisons pourraient également expliquer pourquoi M. Van den Bergh, un personnage influent, n’a jamais été déporté.

Les motivations et le moment où la lettre a été envoyée manquent également de clarté.

Les conclusions de cette nouvelle recherche ont été publiées dans un livre écrit par l’auteure canadienne Rosemary Sullivan, The Betrayal of Anne Frank, le 17 janvier aux Pays-Bas et sera distribuées dans 23 pays.

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Newsendip avec Reuters

Articles écrits par la rédaction de Newsendip avec l'aide de l'agence de presse Reuters