Amnesty International a accusé les autorités éthiopiennes d’utiliser l’état d’urgence dans la région d’Amhara « pour réduire au silence les dissidents pacifiques en détenant arbitrairement des personnalités politiques critiques à l’égard du gouvernement et des journalistes » et a demandé la fin de cette pratique.

Dans un nouveau rapport publié hier, l’organisation mondiale de surveillance des droits de l’homme, Amnesty International, a demandé au gouvernement éthiopien de « cesser de recourir aux vieilles tactiques consistant à nier les droits fondamentaux sous prétexte de lois d’urgence ».
Le 2 février dernier, les législateurs éthiopiens ont voté pour prolonger de quatre mois l’état d’urgence de six mois, décrété en août dernier dans la région d’Amhara, au Nord du pays. Cette décision a été présentée par le ministre de la Justice, Gedion Timothios, alors que la région continue d’être aux prises avec un conflit militaire impliquant les forces fédérales et régionales d’une part et la milice Fano d’autre part.
Le gouvernement éthiopien a initialement annoncé l’imposition d’un état d’urgence de six mois en août 2023, déclarant que cette décision était « essentielle pour mettre en œuvre des mesures d’urgence visant à préserver la paix et la sécurité publiques et à faire respecter la loi et l’ordre ».
Une série d’instabilités
Cette décision a été précédée d’une série d’instabilités dans le pays qui ont commencé par des manifestations de masse dans plusieurs grandes villes contre la décision du gouvernement de réorganiser les forces spéciales régionales en police régulière et en armée nationale.
En outre, peu avant la prorogation de l’état d’urgence, « les forces de sécurité fédérales ont arrêté Desalegn Chane, un membre du parti d’opposition du Parlement fédéral également connu pour ses critiques à l’égard du Premier ministre », a confirmé Amnesty en se référant à des rapports de presse antérieurs. L’organisation a également cité des informations selon lesquelles, depuis la proclamation de l’état d’urgence en août 2023, « des arrestations massives ont eu lieu dans la capitale Addis-Abeba et dans la région d’Amhara ».
« Les autorités éthiopiennes doivent cesser de détenir des personnes en masse au mépris des procédures régulières prévues par la loi sur l’état d’urgence. Elles doivent respecter la législation nationale et les obligations internationales en matière de droits humains en inculpant ou en libérant toutes les personnes détenues dans le cadre de l’état d’urgence, y compris les personnalités politiques et les journalistes », peut-on lire dans le communiqué d’Amnesty International.
De nombreux civils tués
De nombreux civils ont été tués par les troupes de l’État éthiopien dans la région d’Amhara le mois dernier comme rapporté par The Guardian. Les troupes gouvernementales éthiopiennes sont accusées d’avoir fait du porte-à-porte dans la ville de Merawi pour tuer des dizaines de civils, selon les habitants qui ont déclaré que l’effusion de sang avait eu lieu à la suite d’affrontements avec des milices locales.
Les Fano ont combattu aux côtés de l’armée fédérale éthiopienne dans la guerre civile de deux ans contre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui s’est achevée en novembre 2022. Cependant, le gouvernement en est venu à considérer ce groupe et d’autres forces régionales comme une menace pour son autorité.
Les forces régionales Amhara, dont les Fano, sont également accusées de mener une campagne sanglante de nettoyage ethnique depuis novembre 2020 dans l’ouest du Tigré, une région qu’elles revendiquent comme leur appartenant et qu’elles se sont efforcées d’annexer pendant la guerre contre le TPLF.
Pas de journalistes, ni d’accès à internet
Les milices locales Amhara ont brièvement contrôlé un grand aéroport et ont pris le contrôle de la plupart des grandes villes de la région. L’armée a depuis repris le contrôle des plus grandes villes, mais des combats continuent d’être signalés dans les villages ruraux et les petites villes comme Merawi.
Le gouvernement éthiopien a interdit aux journalistes de se rendre dans la région d’Amhara et coupé l’accès à Internet.
La commission éthiopienne des droits de l’homme, la plus ancienne organisation de la société civile du pays, a quant à elle estimé le nombre total de victimes à plus de 80 civils, publiant une déclaration appelant à un complément d’enquête et appelant le gouvernement à « faire en sorte que les parties responsables répondent légalement de leurs actes ».
Au début du mois, le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, avait appelé les « extrémistes opérant dans la région Amhara et les rebelles de l’État voisin d’Oromia à déposer les armes et à prendre part à une lutte politique pacifique ». Des milliers de personnes arrêtées dans le cadre de l’état d’urgence « ont été libérées », avait-il ajouté.