Des chercheurs suédois jugent « irréalistes » les directives sur le temps passé devant un écran par les enfants

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21 février 2024

Les lignes directrices publiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandent de limiter fortement le temps d’écran des enfants afin de promouvoir leur santé. Mais des chercheurs suédois spécialisés dans les médias qualifient toutefois ces directives d”  »irréalistes » et ont contribué au débat en réalisant une étude au quotidien sur le rapport au numérique des familles ayant de jeunes enfants.

Un enfant suédois dans une poussette avec une tablette dans les mains.
Un enfant suédois avec une tablette | © Kristina Alexanderson

En 2019, l’OMS a publié des lignes directrices suggérant que les enfants de moins de 2 ans ne devraient pas du tout être exposés à des activités sur écran, et que le temps passé devant un écran ne devrait pas dépasser une heure par jour pour les enfants âgés de 2 à 5 ans. L’Association suédoise de pédiatrie a fait écho à cette opinion avec ses propres recommandations générales en octobre 2023. Et l’Agence de santé publique, chargée par le gouvernement d’enquêter sur la santé des enfants, devrait également publier des lignes directrices d’ici à 2025.

Mais dans un rapport publié ce mois-ci, des professeurs de médias et de communication des universités de Lund, Malmö et Ebba qualifient cette politique de tolérance zéro d’irréaliste et de déconnectée de la réalité quotidienne.

Une vision « alarmiste » du temps passé devant les écrans

L’étude, nommée DIGIKIDS Suède, a consisté à observer et à interroger 16 familles avec des enfants en bas âge afin de comprendre les effets de la consommation de médias numériques et des restrictions sur les enfants âgés de 0 à 3 ans. Lors des visites aux familles, un enfant était filmé pendant toute une journée, de son réveil à son coucher.

Helena Sanberg, qui a dirigé l’étude, a affirmé que les conseils de l’OMS et des médecins suédois manquent de preuves et exagèrent les dommages causés par l’exposition numérique à un jeune âge, ce qui entraîne une « panique morale et un alarmisme » qui n’aide pas les parents à la recherche des conseils.

Par exemple, l’avertissement du pédiatre suédois Hugo Lagercrantz selon lequel le temps passé devant l’écran est lié à l’obésité, au développement inhibé du langage et aux problèmes de concentration, est critiqué par Mme Sandberg comme étant du langage incendiaire alimenté par des preuves peu convaincantes.

D’après DIGIKIDS, les lignes directrices de l’OMS ne tiennent pas compte du contexte social et culturel. Mme Sandberg souligne qu’il n’est pas utile de comparer la Suède aux États-Unis, un pays dont le taux d’obésité est l’un des plus élevés au monde et qui a donc plus de raisons de s’inquiéter d’un mode de vie sédentaire qu’entraîne une consommation excessive de médias numériques.

Le retour des manuels dans les écoles

La Suède a des comportements sociaux et culturels différents à l’égard de l’éducation des enfants, ce qui doit être pris en compte lors du contrôle de l’utilisation des médias numériques selon les professeurs. L’étude montre que de nombreux enfants sont déjà exposés aux médias numériques dans les écoles maternelles, que les parents introduisent ou non la technologie à la maison.

Cependant, des mesures ont été prises récemment pour réduire le temps passé devant un écran dans ces environnements réglementés. Le gouvernement de centre-droit a en effet réintroduit les manuels scolaires depuis août 2023, un retour en arrière après des tentatives de numérisation depuis octobre 2022.

L’étude observe que de nombreux parents, conscients des dangers de la surexposition et de l’inactivité liés à la consommation de médias, supervisent déjà l’utilisation des médias numériques. La technologie des médias numériques apparait désormais comme un élément fondamental de la vie familiale moderne. Mme Sanberg souligne que l’OMS ne fait pas la distinction entre les différents médias que les enfants consomment et leurs avantages potentiels pour le développement des enfants.

Les professeurs ont également constaté que les enfants utilisent des applications éducatives ainsi que des jeux. Imposer des recommandations strictes « suscite des sentiments de culpabilité et de honte » au lieu de favoriser le soutien nécessaire aux parents qui s’efforcent de gérer le rôle de la technologie en tant qu’outil éducatif précieux selon eux. Ils prônent donc des lignes directrices plus nuancées ainsi que des conseils aux parents qui introduisent la technologie, ce pourrait améliorer l’impact positif sur les expériences d’apprentissage des enfants.

Néanmoins, des rapports récents sur la santé physique des enfants en Suède soulignent la nécessité d’agir pour prévenir l’augmentation des modes de vie sédentaires.

En 2022, un rapport a constaté un manque de progrès dans les niveaux d’activité physique des enfants suédois, avec seulement 12 à 32 % des 11–17 ans respectant la limite recommandée de moins de deux heures par jour de temps passé devant un écran. Cette constatation suggère que bien que l’étude DIGIKIDS démontre les capacités des parents à surveiller la consommation de médias numériques chez les enfants de 0 à 3 ans, des mesures plus importantes sont nécessaires pour réduire le temps excessif passé devant un écran chez les enfants plus âgés.

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.