Un réseau de trafic de médicaments impliquant la vente illégale d’Ozempic, ce médicament sur ordonnance destiné aux diabétiques détourné pour une perte de poids rapide, a été découvert par les autorités roumaines. Une infirmière aurait falsifié plus de 700 ordonnances en un an.
Le bureau du procureur de Bucarest a annoncé mercredi dernier que 13 personnes, dont l’administrateur d’une clinique privée, une infirmière et huit pharmaciens, avaient été arrêtées pour trafic de médicaments contre le diabète. L’enquête a eu lieu après que des fonctionnaires ont été informés que de fausses informations avaient été introduites dans le système de prescription électronique d’une clinique privée, ce qui aurait permis aux pharmaciens de retirer gratuitement de l’Ozempic, du Rybelsus, du Victoza et du Trulicity dans 140 pharmacies de Bucarest et du comté d’Ilfov.
Au cœur de l’opération, plusieurs employés de cliniques, dont des infirmières, auraient falsifié des ordonnances pour obtenir ces médicaments. Entre janvier 2023 et janvier 2024, une seule infirmière aurait falsifié plus de 700 ordonnances. Après avoir perquisitionné les domiciles de 17 personnes le 28 mai, 13 d’entre elles ont été placées en garde à vue.
Les employés d’une clinique privée et de plusieurs pharmacies auraient exploité les faiblesses du système médical du pays, en utilisant les signatures numériques et les données de patients auxquelles ils avaient accès pour générer de fausses ordonnances entièrement remboursées par l’assurance maladie nationale dans le cadre du programme national de lutte contre le diabète.
Le préjudice financier est estimé à un million de lei (environ 217 000 euros) pour le budget de la santé de la Roumanie. Dans le même temps, la vente au marché noir de ces médicaments, essentiels pour réguler le taux de sucre dans le sang des diabétiques, a créé des pénuries dans les pharmacies.
Dans une interview accordée à Adevărul, un quotidien roumain basé à Bucarest, le docteur Eduard Adamescu, spécialiste du diabète et des maladies nutritionnelles, a déclaré que pendant que certaines personnes ont pu acheter ces médicaments en ligne simplement pour perdre du poids, des diabétiques ont été contraints d” »interrompre temporairement leur traitement ».
« Chaque pharmacien a l’obligation, lorsqu’il délivre un médicament, de vérifier la spécialité du médecin prescripteur et l’identité de la personne qui vient chercher le médicament. Ces obligations ont été grossièrement ignorées par les pharmaciens. Ces vulnérabilités étaient connues et exploitées en conséquence par les accusés, » explique la procureure Simona Anghel.
Un « phénomène totalement hors de contrôle »
Cette affaire fait écho à un phénomène plus large qui touche désormais l’Europe après les États-Unis, où la demande de ces médicaments a conduit à des activités illégales qui ont laissé des patients diabétiques sans traitement. Le Dr. Adamescu a souligné que le trafic d’Ozempic est une « véritable tendance, une pratique presque courante » qui est « totalement hors de contrôle. »
D’autres cas concernent la vente de faux médicaments contre le diabète prétendant contenir le principe actif d’Ozempic, ce qui a conduit des patients au Royaume-Uni et en Autriche à être hospitalisés et à signaler des effets secondaires tels que des chocs hypoglycémiques, des vomissements et même des cas de coma.
Mais la découverte de ce réseau de trafiquants en Roumanie, impliquant des individus de plusieurs pharmacies, est un exemple rare d’un système qui va au-delà de la vente de contrefaçons d’Ozempic sur les médias sociaux.
« Un ou deux pharmaciens isolés, c’est inadmissible mais cela peut arriver. Mais un groupe de pharmaciens impliqués dans un trafic, je n’ai encore jamais vu ça » analyse Massy Bouhadoun, pharmacien et co-fondateur d’Ordosafe, une application qui lutte contre les fausses ordonnances en France.
Effets secondaires du sémaglutide
Le principe actif d’Ozempic, le sémaglutide, réduit le taux de sucre dans le sang et ralentit la digestion, ce qui permet aux utilisateurs de prolonger la sensation de satiété. Sa popularité fulgurante, alors qu’il est présenté comme le médicament secret des célébrités pour perdre du poids, a entraîné des pénuries à l’échelle mondiale.
Toutefois, s’il est pris par des non-diabétiques et sans surveillance médicale appropriée, ce médicament peut avoir des effets secondaires. Le Dr Adamescu a averti que les médicaments comme Ozempic peuvent provoquer des « troubles gastro-intestinaux, des nausées, des vomissements et des ballonnements » .Il a ajouté que les personnes ayant certains antécédents médicaux, comme une pancréatite aiguë, ne devraient pas prendre ces médicaments sans ordonnance.
En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a émis une mise en garde sur les risques liés à l’utilisation d’Ozempic pour les non-diabétiques. L’autorité britannique de réglementation de la sécurité des médicaments a également invité le public à ne pas acheter de médicaments sans ordonnance.
Interrogée par POLITICO sur une manque de coordination entre les autorités de réglementation des médicaments qui permet au marché noir de prospérer, l’Agence européenne des médicaments a déclaré qu’elle n’était pas responsable des fausses injections et que « la lutte contre les médicaments falsifiés ou contrefaits relevait de la compétence des autorités chargées de l’application de la loi ».