Au Maroc, il est désormais possible pour les couples non-mariés de dormir ensemble à l’hôtel selon une mesure annoncée par le ministre de la justice. Le code pénal marocain en revanche interdit toujours les relations sexuelles hors-mariage.
Au Maroc, les couples non-mariés de nationalité marocaine peuvent désormais louer une chambre d’hôtel sans devoir présenter leur certificat de mariage. En outre, l’interdiction pour les femmes seules de louer une chambre d’hôtel dans leur ville de résidence est également levée. Ces deux restrictions étaient appliquées depuis des décennies par les hôteliers.
L’instigateur de ce changement est Abdellatif Ouahbi, le ministre marocain de la justice, qui a déclaré le 21 mai 2024 lors d’une session à la chambre haute du Parlement que l’obligation de présenter un certificat de mariage pour les couples était une atteinte à la vie privée, en plus d’être illégale.
“N’est-ce pas une violation de leur vie privée ? Quelle est la base légale de cette demande ?, s’est écrié Ouahbi. Si la loi ne l’exige pas explicitement, alors le demander aux couples est illégal !”
Effectivement, la règle imposée aux hôteliers et appliquée par ces derniers n’avait aucune base juridique, il s’agissait d’une disposition transmise uniquement de manière orale. La règle a donc été annulée de la même manière qu’elle a été transmise, certains hôteliers rapportent avoir reçu un appel des autorités marocaines pour les informer du changement de réglementation. À Agadir, les renseignements généraux se sont rendus dans chaque hôtel pour en informer le personnel.
« Ceux qui demandent ces documents doivent être poursuivis en justice », a ajouté le ministre pour convaincre les hôteliers les plus réticents ou plus conservateurs.
Ces interdictions avaient pour objectif d’empêcher les relations sexuelles hors mariage, qui sont sanctionnées d’emprisonnement au Maroc, d’après le décrié article 490 du code pénal.
La décision d’Abdellatif Ouahbi a suscité une polémique, selon le média Hespress, si bien que le ministre de la justice a été appelé, par des groupes parlementaires de la majorité, à s’expliquer de toute urgence lors d’une commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme dont la date est encore inconnue.
La dualité conservateur / progressiste
Sur les réseaux sociaux, l’opinion publique marocaine semble divisée. La partie la plus conservatrice déplore que cette levée d’interdiction menace l’ordre moral public en permettant aux jeunes d’avoir des rapports sexuels hors mariage et en facilitant la prostitution.
« Il est donc pour la débauche, qu’il démissionne » déclare un internaute sur X à propos du ministre. De nombreux internautes considèrent que le ministre cherche à moderniser le pays en l’occidentalisant sans respecter la tradition du pays.
Pourtant, les relations hors-mariage sont de plus en plus répandues dans cette société conservatrice musulmane. Une étude du centre de recherche Menassat révèle que 60 % des Marocains connaissent personnellement des personnes célibataires qui ont déjà eu des relations sexuelles.
Les progressistes estiment que l’obligation de présenter un certificat de mariage était une règle appliquée seulement aux marocains et rarement aux touristes et qu’il existait déjà plusieurs stratagèmes pour parvenir à dormir à deux dans la même chambre de toute façon.
Les AirBnB et les autres sites de location de logement ne vérifient pas systématiquement les contrats de mariage par exemple.
Au-delà de leurs convictions personnelles et culturelles, les patrons d’hôtel avaient aussi un intérêt financier à imposer cette règle tacite. En effet, un autre stratagème utilisé par les couples non-mariés est simplement d’entrer séparément dans l’hôtel et de louer deux chambres différentes, puis de se rejoindre discrètement dans une chambre.
Là où les conservateurs crient à la dépravation, le ministre Ouahbi souhaite de plus grandes libertés individuelles. Selon lui, les conditions seraient réunies pour faire évoluer la législation, mais aussi la mentalité de la société marocaine.
« Nous avons une opportunité historique parce que nous avons un Roi qui comprend l’évolution des choses et un gouvernement qui se dirige dans ce sens. Et nous devons aller de l’avant », a déclaré Ouahbi.
La pleine égalité homme-femme a été déclarée par le roi du Maroc, Mohammed VI, au pouvoir depuis 1999 mais son application laisse encore à désirer selon le média Discovery Morocco.
Le code de la famille, la Moudawana, a été revu en 2004 avec l’ajout, entre autres, du droit des femmes à demander le divorce. Une nouvelle révision de ce texte est actuellement en cours et son contenu, encore inconnu, devrait être voté au Parlement au mois de juillet.