Bataille politique autour d’une manifestation nationaliste lors de la fête nationale polonaise

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5 novembre 2021

La Marche de l’Indépendance se tient chaque année dans la capitale polonaise le 11 novembre, à l’occasion de la fête nationale de l’indépendance. Elle est devenue une célébration patriotique controversée de la fête nationale du pays. Le maire de Varsovie a tenté de l’empêcher pendant la pandémie de Covid-19, mais le ministre de la justice a porté l’affaire devant la Cour suprême.

La marche de la fête de l'indépendance
La marche de la fête de l’indépendance, devant le Stadion Narodowy, le stade national de Varsovie, où la manifestation a l’habitude de se terminer | © Association de la marche de l’indépendance

Le 29 octobre, la Cour d’appel de Pologne a confirmé la décision d’un tribunal de district refusant de reconnaître la « Marche de l’Indépendance » comme un événement cyclique.

Cette « Marche de l’Indépendance » est une manifestation organisée en Pologne tous les 11 novembre. Initiée par des nationalistes d’extrême droite, elle est organisée de manière officielle par l’Association de la Marche de l’Indépendance depuis 2010.

Les slogans de la marche étaient « La Pologne pour les Polonais, les Polonais pour la Pologne » en 2015, « Nous voulons Dieu » en 2017, ou encore « Notre civilisation, nos principes » en 2020. Ce mouvement conservateur est souvent sujet à controverses, et violent.

Mais un autre point en fait une manifestation sensible en Pologne. Le 11 novembre est le jour de l’indépendance nationale, l’une des deux fêtes nationales polonaises.

Et malgré un défilé militaire dans la capitale, la Marche de l’Indépendance est devenue le symbole de la célébration du patriotisme en Pologne.

De plus, la législation polonaise fait qu’aucune autre manifestation que cette marche n’a pu être autorisée le même jour dans Varsovie au cours des trois dernières années.

Mais le maire de Varsovie a essayé de l’empêcher.

La Marche de l’Indépendance avec un statut spécial

Ces dernières années, la Marche de l’Indépendance a bénéficié du statut de « rassemblement cyclique », ce qui lui confère un traitement spécial. Considéré comme plus important que les autres, un rassemblement spécial a la priorité sur d’autres manifestations publiques. Par exemple, ce statut empêche l’organisation simultanée d’une autre manifestation dans la ville.

Pour devenir un rassemblement cyclique, la même manifestation doit être organisée par la même entité au moins une fois par an au cours des trois dernières années, ou quatre fois par an, et célébrer un événement important dans l’histoire de la République de Pologne.

Pour qu’un rassemblement obtienne ce statut, supérieur à celui des manifestations habituelles, il faut l’approbation et l’autorisation du gouverneur de la province, le voïvode.

L’Association de la Marche de l’Indépendance a demandé le renouvellement de son permis en septembre dernier. Le voïvode de Masovie, la province de Varsovie, a alors accordé le statut spécial jusqu’en 2023.

Mais le maire de Varsovie a fait appel de la décision du voïvode. Le tribunal de district de Varsovie a annulé le renouvellement du permis. La cour d’appel a ensuite confirmé la décision du tribunal.

« Si les nationalistes se rassemblent le 11/11, ce sera illégal », a écrit le maire de Varsovie, Rafał Trzaskowski, sur Twitter.

En effet, en raison de la pandémie de Covid-19 et ce jusqu’au 30 novembre, la Pologne limite actuellement les rassemblements à un maximum de 150 personnes.

« Il n’y a pas de place pour les excès des nationalistes », a aussi justifié l’édile membre de la Plate-forme civique, un parti politique de centre-droit.

Il a également reproché au parti populiste de droite du président polonais de laisser « les forces nationalistes extrêmes s’approprier notre fête nationale commune ».

Le ministre de la justice porte l’affaire devant la Cour suprême

Pour Konstanty Radziwiłł, voïvode de Masovie nommé par le Premier ministre en 2019, pouvoir manifester fait partie des droits fondamentaux des citoyens, même si d’autres citoyens peuvent être en désaccord avec les motifs de la manifestation.

Le tribunal de Varsovie a justifié sa décision en considérant que la marche n’a pas eu lieu en 2020. En effet, les rassemblements publics de plus de cinq personnes étaient interdits à cause de la pandémie de Covid-19. Le maire de Varsovie avait donc interdit l’organisation de la marche.

Mais pour contourner l’interdiction, l’association avait décidé de manifester dans leurs voitures et sur leurs motos. Bien que ce fut illégal, plusieurs milliers de manifestants avaient également marché dans les rues. Des incidents ce jour-là ont conduit à l’arrestation de 306 personnes.

Le 5 novembre, le ministre de la justice a porté l’affaire devant la Cour suprême de Pologne et a demandé à la Cour d’appel de Varsovie de suspendre sa décision, rejetant la compétence du maire pour l’appel. Par ailleurs, pour le procureur général, le fait que la manifestation ait été interdite – en raison de circonstances exceptionnelles – ne signifie pas qu’elle n’a pas eu lieu.

Les nationalistes comptent toujours manifester. L’organisation a enregistré la marche comme une assemblée ordinaire. Le slogan pour 2021 est « L’indépendance n’est pas à vendre ».

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.