En Croatie, l’annonce choc du président Zoran Milanović qui veut devenir premier ministre

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20 mars 2024

Le président de la Croatie a annoncé publiquement son intention de se présenter comme candidat du SDP au poste de premier ministre afin de contester la mainmise de Andrej Plenković au pouvoir. Malgré les avertissements de sanctions de la Cour constitutionnelle, Zoran Milanović persiste dans sa candidature, risquant ainsi de provoquer un chaos politique en Croatie.

Zoran Milanović prononce un discours lorsqu'il était Premier ministre en 2015.
Zoran Milanović a été Premier ministre de 2011 à 2016 | © SDP Hrvatske

Le président croate Zoran Milanović a pris une décision controversée et sans précédent dimanche en annonçant sa candidature au poste de premier ministre sans démissionner de son poste présidentiel, une décision jugée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle.

Mais il a également déclaré que l’élection législative auraient lieu le mercredi 17 avril, déviant ainsi de la procédure habituelle d’un vote le dimanche, ce qui ne manque pas d’appuyer les nombreuses interrogations que ce scrutin soulève.

Milanović, homme politique nationaliste populiste, a déjà occupé le poste de premier ministre de 2011 à 2016. Son mandat présidentiel doit se terminer en 2025 mais il répète qu’il ne démissionnera qu’après avoir remporté l’élection.

Le Premier ministre actuel, Andrej Plenković, au pouvoir depuis huit ans, a approuvé la décision du tribunal de déclarer inconstitutionnelles les actions de son adversaire, les dénonçant comme un « mini-coup d’État ». Il a également décrit le passé de Milanović comme le « pire gouvernement de l’histoire de la Croatie ». Néanmoins, il n’est pas resté insensible au choc qui a saisi la nation à la suite de la décision de Milanović.

Une violation constitutionnelle ?

Il n’est pas explicitement interdit au président de participer aux élections législatives, mais de telles actions sont considérées comme une violation de la Constitution qui stipule que le rôle du président reste strictement non partisan et cérémoniel, contrairement à celui du premier ministre, qui exerce la majeure partie du pouvoir politique dans le pays.

À l’issue d’un débat de deux heures lundi, neuf des onze juges de la Cour constitutionnelle ont conclu que la participation de Milanović à l’élection, compte tenu de son impossibilité de s’affilier à un parti politique, constituerait une violation de la Constitution.

Bien que les Sociaux-démocrates croates (SDP) aient respecté la décision et s’abstiennent désormais d’investir Milanović en tant que candidat, ce dernier a personnellement qualifié la décision de la Cour de « coup d’État constitutionnel ».

Le tribunal a ordonné qu’il démissionne avant de participer à l’élection, mais Milanović a jusqu’à présent ignoré la décision, ne souhaitant pas céder la présidence à l’Union démocratique croate (HDZ).

Dans la période entre l’élection et la prise de fonction, le président du Parlement croate, Gordan Jandroković, du HDZ prendrait en effet sa place en tant que président. Mais Milanović s’y est opposé : « Je ne pense pas qu’il soit un gangster, mais c’est se rendre au HDZ ».

La Cour a averti que s’écarter de sa décision entraînerait des sanctions et a suggéré que l’élection pourrait être annulée.

Les partis politiques en Croatie :

Le SDP est le plus grand parti d’opposition en Croatie, mais il n’a pas réussi récemment à galvaniser ses partisans et à convaincre les électeurs. Le HDZ est au pouvoir sans interruption depuis 2014. Sa domination n’a été interrompue que deux fois par le SDP depuis la création du pays en 1991.

L’ancienne première ministre, Jadranka Kosor du HDZ, a souligné le défi sur la mainmise de Plenković sur le pouvoir, en déclarant : « Plenković sait très bien que la seule personne qui pourrait le surpasser est Zoran Milanović. »

Cependant, se présenter sans le soutien du SDP conduirait à moins de visibilité à la télévision et à peu de chances d’un débat public avec Plenković. Mobiliser les électeurs sans ces formes traditionnelles de campagne serait nettement plus difficile. Ainsi, Milanović a déclaré son intention de défier la décision de la cour et de maintenir son rôle en tant que figure de proue du parti SDP.

La stratégie de Milanović a été un « choc universel » selon Kosor. Ignorer la décision de la Cour constitutionnelle risque d’entraîner un scénario chaotique pour l’élection, qui pourraient ainsi être annulées.

Normes antidémocratiques sous le HDZ

Mais le parti au pouvoir est également accusé de violer les normes démocratiques.

En nommant Turudić au poste de procureur général de l’État, le HDZ a ignoré ses liens avec des personnes faisant l’objet de poursuites pénales pour corruption. Stipe Mesiç, l’ancien président de la Croatie de 2000 à 2010, considère le climat politique comme une « tragédie croate » et a salué la désobéissance de Milanović comme un acte héroïque « qui remet la Croatie sur la voie de la démocratie. »

Milanović a fait écho lui-même à ce point de vue dans une déclaration publique, qualifiant l’administration de Plenković comme étant la « plus corrompue de l’histoire de la Croatie », et déclarant de manière alarmante que le pays « est en danger. »

Bien que le SDP ait publiquement déclaré qu’il respectait la décision du tribunal, refusant de soutenir Milanović en tant que candidat jusqu’à la fin de l’élection, Milanović refuse toujours de renoncer à la présidence.

Kosor a souligné les profondes implications pour la politique croate, affirmant qu’on « parlera pendant des décennies d’un mouvement politique sans précédent » et que le retrait potentiel du candidat du SDP du scrutin est le pire des scénarios, susceptible de provoquer le chaos.

Il est certain en revanche que la campagne sera houleuse. Milanović a donné le ton en comparant ses adversaires à des « voyous et des ivrognes » qui doivent être « chassés du pouvoir avec un balai. »

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.