Le gouvernement danois a dévoilé des plans visant à mettre en œuvre la conscription obligatoire des femmes dans l’armée. Dans un contexte de pénurie de personnel masculin, cette initiative, la troisième en Europe, vise aussi à renforcer la stratégie de défense du pays.
Le 13 mars, le gouvernement a décidé d’étendre la conscription aux femmes, afin de faire passer le nombre de jeunes gens participant à la formation militaire de base de 4 700 en 2023, dont 25 % de femmes, à 5 000 dans un contexte de pénurie de personnel masculin.
Lors d’une conférence de presse, le ministre de la défense, Troels Lund Poulsen, a souligné qu” »une conscription plus robuste, incluant une égalité totale des sexes, doit contribuer à résoudre les défis de la défense, à la mobilisation nationale et à la dotation en personnel de nos forces armées. »
En outre, la durée du service militaire passera de 4 à 11 mois. Ce système révisé nécessite des modifications de la loi et prendra effet en 2026.
Le pays a été confronté à un certain nombre de défis dans sa stratégie de défense, notamment un stock d’armes et d’équipements en baisse et un taux de démission élevé dans l’armée.
Un nombre record de démissions dans l’armée danoise
Tous les hommes jugés physiquement aptes et âgés d’au moins 18 ans sont tenus de servir dans l’armée danoise, qui compte entre 7 000 et 9 000 soldats professionnels.
En 2010, le Danemark a mis fin au service militaire obligatoire pour les hommes en raison d’un nombre suffisant de volontaires. Auparavant, dans les années 1990, le pays avait déjà considérablement réduit son niveau de militarisation après la fin de la guerre froide.
Mais dans son nouveau plan de défense, le Danemark souhaite augmenter ses dépenses de défense de 40,5 milliards couronnes danoises (5,4 millions d’euros) au cours des cinq prochaines années afin de remédier à des « lacunes majeures ». Le Premier ministre a souligné que les dépenses de défense atteindraient 2,4 % du produit intérieur brut cette année et en 2025, dépassant ainsi l’objectif fixé par l’OTAN pour les États membres.
Mais ce changement récent n’a pas été exempte de critiques, Jesper K. Hansen, président du syndicat militaire « Association centrale du personnel de défense permanent » du Danemark, ayant exprimé son scepticisme. Selon la Danish Broadcasting Corporation, il a qualifié cette décision de « pas du tout réaliste », citant des préoccupations concernant la capacité de l’armée à accueillir 300 conscrits supplémentaires pour une période de formation de 11 mois.
M. Hansen a souligné les insuffisances en matière de disponibilité du personnel pour la formation, ainsi que les insuffisances en matière d’équipement et d’installations.
Pourquoi introduire la conscription féminine ?
L’adoption de cette nouvelle mesure fera du Danemark le troisième pays européen à imposer une conscription féminine, après la Norvège en 2015 et la Suède en 2017.
Mais la décision va au-delà de la promotion de l’égalité des sexes. En effet, la principale raison de cette décision réside dans la pénurie de personnel masculin.
Des années de réduction des dépenses de défense, en deçà des 2 % du PIB exigés par l’OTAN, ont conduit à une baisse de l’achat d’équipements et à une augmentation record du nombre de démissions.
Rien qu’en 2022, quelque 2 000 personnes ont démissionné de l’armée, soit le nombre le plus élevé enregistré depuis 2010.
Mais il s’agit également d’une réponse à l’escalade des tensions alimentée par les incertitudes géopolitiques entourant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Nous ne nous réarmons pas parce que nous voulons la guerre, la destruction ou la souffrance. Nous nous réarmons pour éviter la guerre dans un monde où l’ordre international est remis en question » affirme le Premier ministre danois sur le contexte sécuritaire en Europe.
M. Poulsend a fait écho à cette position, déclarant que la situation « devient de plus en plus sérieuse, et nous devons en tenir compte lorsque nous envisageons l’avenir de la défense ». Il a ajouté qu’une « base de recrutement plus large incluant tous les genres est nécessaire » pour créer une « défense plus polyvalente et plus complète ».
Le Danemark est l’un des plus fervents partisans de l’Ukraine, à qui elle fournit des armes de pointe et des dons. Selon le ministère danois des affaires étrangères, le soutien danois à l’Ukraine s’est élevé à environ 4,5 milliards d’euros en soutien militaire et 411 millions d’euros en contributions civiles.
Un voisin russe qui inquiète
À la lumière de ces préoccupations, la récente décision de la Finlande et de la Suède de s’aligner sur l’OTAN a suscité des critiques de la part de Vladimir Poutine.
Le Premier ministre finlandais, Petteri Orpo, a toutefois appelé à une augmentation des dépenses de défense et à une coordination de la défense européenne devant le Parlement européen, déclarant que « la Russie n’est pas invincible ». Le pays partageant une frontière près de 1 400 kilomètres avec la Russie, il a été poussé à mettre fin à des décennies de neutralité suite à l’invasion de l’Ukraine.
Malgré 75 ans de non-alignement pacifique sur l’OTAN, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson a aussi exhorté ses concitoyens à se défendre « les armes à la main et nos vies en première ligne ».
Cependant, bien que la militarisation ait été renforcée dans de nombreux pays européens en réponse à l’agression russe en Ukraine, la conscription obligatoire des femmes reste une mesure rare, la Suède et la Norvège étant les deux seuls autres pays d’Europe à l’avoir adoptée.