La Cour suprême de l’Inde a demandé aux autorités de veiller à ce que les tests de virginité soient interdits dans les affaires de viol et d’agression sexuelle. Elle a également noté que le fait de suggérer qu’une femme sexuellement active ne peut pas être violée est « patriarcal et sexiste ».
Le 31 octobre, la Cour suprême indienne a de nouveau déclaré que l’examen médical per vaginum, un prétendu test de virginité (two-finger test, le test des deux doigts en anglais), dans les affaires de viols et d’agressions sexuelles, devait être poursuivi pour faute.
La plus haute juridiction de l’Inde a annulé une décision de 2018 de la Haute Cour de Jharkhand qui avait acquitté un homme condamné pour viol et meurtre. La Cour suprême a maintenu la décision d’un tribunal de première instance qui l’avait jugé coupable. L’affaire, dans laquelle une médecin a considéré que la victime d’environ 16 ans était « habituée aux rapports sexuels » après un test de virginité, remonte à 2004 mais la Cour a noté le « fait regrettable qu’il continue d’être mené encore aujourd’hui. »
Dans son arrêt, la Cour a souligné qu’elle « a maintes fois désapprouvé l’utilisation du “test des deux doigts” dans les affaires de viol et d’agression sexuelle. Ce prétendu test n’a aucune base scientifique et ne permet ni de prouver ni de réfuter les allégations de viol. »
La Cour suprême avait déjà considéré ce type de test comme inconstitutionnel en 2013 car il portait atteinte à la dignité et à la vie privée d’une femme, et avait demandé au gouvernement de l’Union de supprimer cette pratique.
En Inde, le test de virginité dit « des deux doigts » consiste, lors d’un examen médical, à insérer deux doigts dans le vagin d’une personne pour évaluer la souplesse des muscles vaginaux. Cet examen permettrait également de vérifier la présence de l’hymen pour y déterminer la virginité de la personne.
Ce test ne prouve ni la virginité d’une personne, ni son activité sexuelle. L’Organisation mondiale de la santé, dans un guide sur Les soins de santé pour les femmes soumises à la violence d’un partenaire intime ou à la violence sexuelle en 2013, a par exemple écrit en gras que « le test de virginité (ou des « deux doigts ») n’y a pas sa place ; il n’a aucune validité scientifique. »
Ce test est pourtant encore pratiqué de nos jours en Inde sur les victimes présumées d’agressions sexuelles et de viol « basé sur l’idée fausse qu’une femme sexuellement active ne peut pas être violée », a rappelé la Cour. La Cour a souligné « qu’il est patriarcal et sexiste de suggérer qu’une femme ne peut être crue lorsqu’elle déclare avoir été violée simplement parce qu’elle est sexuellement active. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité – l’histoire sexuelle d’une femme est totalement immatériel lorsqu’il s’agit de déterminer si l’accusé l’a violée ». La valeur du témoignage d’une femme « ne dépend pas de son histoire sexuelle ». De plus, ce test « re-victimise et re-traumatise les femmes qui ont pu être agressées sexuellement, et constitue un affront à leur dignité. »
En avril dernier, la Haute Cour de Madras a également ordonné au gouvernement de l’État de Tamil Nadu d’interdire aux médecins d’effectuer le test des deux doigts sur les survivantes d’agressions sexuelles lors d’une décision d’appel d’une condamnation de 2021. Le banc a noté que « les médecins ont l’habitude d’effectuer le test des deux doigts sur les victimes qui ont subi un viol, en particulier sur les victimes mineures, » selon l’India Times.
Pourtant, l’Union indienne en 2013 a explicitement modifié la loi sur la preuve (Evidence Act) lors de la promulgation d’amendements de la loi sur le droit pénal qui a ajouté de nouvelles infractions après l’affaire d’un viol collectif en 2012 à Delhi. La loi stipule que « les preuves de la moralité d’une victime ou de son expérience sexuelle antérieure avec une personne ne doivent pas être pertinentes pour la question du consentement ou de la qualité du consentement, dans le cadre de poursuites pour des délits sexuels », selon le jugement de la Cour suprême.
En 2014, le ministère de la Santé et de la Famille a également publié des directives à l’intention des professionnels de santé en cas de violences sexuelles et a proscrit le test de virginité. « L’examen per vaginum communément appelé le « test des deux doigts », ne doit pas être réalisé pour établir un viol/une violence sexuelle et la taille de l’orifice vaginal n’a aucune incidence sur un cas de violence sexuelle. » Il a également indiqué qu” »un hymen intact n’exclut pas la violence sexuelle, et un hymen déchiré ne prouve pas l’existence de rapports sexuels antérieurs. »
Dans son arrêt, la Cour suprême a ordonné au gouvernement de l’Union et aux gouvernements des États de veiller à ce que ces directives soient diffusées dans tous les hôpitaux publics et privés, d’organiser des ateliers à l’intention du personnel de santé afin de communiquer la procédure appropriée lors de l’examen des victimes d’agressions sexuelles et de viols, et de revoir le programme des écoles de médecine pour s’assurer que l’examen per vaginum n’est pas enseigné comme une procédure lors de l’examen des victimes présumées de crimes et d’agressions sexuels.
Toute personne qui effectue ce test de virginité des deux doigts devrait être coupable d’une faute, a rappelé la Cour. La loi sur le droit pénal stipule toutefois qu” »une procédure ou une intervention médicale ne doit pas constituer un viol. »
La décision de la Cour suprême était liée à une affaire de 2004 dans laquelle l’accusé était entré dans la maison de la victime et l’avait violée avant de verser du kérosène sur elle et d’y mettre le feu. La victime, qui avait environ 16 ans, est décédée un mois plus tard des suites de ses brûlures, mais avait relaté les évènements à l’hôpital.
Le défendeur a été acquitté en 2018 notamment parce que la déclaration de la victime avait été jugée non recevable parce qu’elle était mourante et parce que la médecin n’avait trouvé aucun signe de rapport sexuel lorsqu’elle avait examiné la victime. À ce titre, la Haute Cour a estimé que « l’accusation n’avait pas réussi à prouver les charges contre le défendeur au-delà du doute raisonnable. »
La commission médicale de l’hôpital avait effectué un examen vaginal qui « a révélé que deux doigts avaient été inséré facilement », selon les documents de la Cour. La médecin avait alors déclaré que « la défunte avait peut-être eu des rapports sexuels avant la date du crime présumé, et que l’admission de deux doigts dans son vagin signifiait qu’elle était habituée aux rapports sexuels ».
La Cour suprême a rejeté les conclusions de la Haute Cour et a annulé l’acquittement.