La recrudescence de l’usage de la kétamine au Royaume-Uni

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23 avril 2024

Les médecins du Royaume-Uni alertent de l’utilisation croissante de la kétamine par les jeunes et des effets très néfastes sur la santé de ce stupéfiant remis en lumière récemment par Elon Musk et Matthew Perry.

graffiti de ketamine
Au Royaume-Uni, plus d’un jeune sur 20 a déjà testé la kétamine. | © ella stardust

La « K », pour kétamine, est une drogue entraînant un effet anesthésique. Grandement utilisée comme tranquillisant pour chevaux, elle est maintenant très présente dans les clubs anglais et chez les jeunes.

En effet, 6,6% des 16–24 ans en Angleterre et au Pays de Galles ont déclaré l’année dernière avoir déjà testé cette drogue au cours de leur vie, doublant presque les chiffres de 2016 (3,4%).

La kétamine est présente au Royaume-Uni depuis déjà vingt ans mais l’on observe une recrudescence des usages que les statistiques, basées sur du déclaratif, ont tendance à sous-estimer selon l’Office national des statistiques.

« Je pense que nous avons assisté à une explosion du nombre de jeunes qui prennent de la kétamine dans tout le pays » alerte le Dr. Mohammed Belal de l’Association britannique des chirurgiens urologues à la BBC.

Basé à Manchester, DJ Salute s’est d’ailleurs plaint sur ses réseaux sociaux de la présence grandissante de cette drogue sur le dance floor : « Il y a beaucoup trop de ket sur les pistes de danse au Royaume-Uni selon mon opinion. Tout le monde devrait s’amuser, mais ça craint de voir des gens rester debout comme des zombies et ne pas danser. »

Alors quels sont les effets de cette drogue tant plébiscitée par les jeunes ?

La substance cristalline blanche propose des effets dissociatifs, permettant un détachement de son corps et de son environnement puisqu’elle réduit les sensations. Avec une impression d’être dans un rêve, la « Ket » donne aussi parfois des hallucinations légères, rendant euphorique.

Mais le pic d’énergie s’accompagne parfois d’un inconvénient : le « K‑hole ».

« Lorsqu’une personne fait un K‑hole, elle se trouve dans un état subanesthésique. Elle se dissocie d’elle-même. Cela peut donner lieu à un sentiment d’unité avec l’univers », explique le Dr Stephen Bright, psychologue clinicien et vice-président de la Psychedelic Research In Science and Medicine (PRISM) au média Vice.

Le K‑hole peut être une bonne comme une mauvaise expérience, qui implique nécessairement une perte de contrôle et qui peut faire paraître inconscient. Habituellement fumée, inhalée, injectée ou bue en fin de soirée, depuis quelques années, la prise de kétamine se fait aussi en boîte de nuit.

Lorsqu’on s’intéresse à ce changement de tendance, il ressort un constat : le confinement a fait évoluer les usages.

« Les recherches effectuées pendant le confinement nous ont permis de constater que le nombre de personnes consommant des drogues comme l’ecstasy et la cocaïne avait diminué parce qu’elles ne sortaient pas autant pour faire la fête », explique Adam Waugh, le coordinateur des formations à l’ONG The Loop, qui s’occupe de dépistage des drogues et de réduction des risques. « Les gens cherchaient une échappatoire qui ne soit pas un stimulant, alors ils se sont tournés vers la ket. »

Un phénomène jeune

La « Special K » est un phénomène urbain puisque principalement consommé à Manchester, Bristol et Londres, et est énormément vendue via les réseaux sociaux. Sur Instagram, Snapchat, WhatsApp ou encore Telegram, le système de messagerie chiffrée privilégié par les dealers les plus professionnels, elle est représentée par un simple émoji cheval et coûte seulement 20 pounds (23 euros) le gramme, soit 3 pounds la dose.

C’est deux fois moins cher que la MDMA, une autre drogue appréciée dans la culture rave. Cette accessibilité par les prix et par les réseaux sociaux fait des jeunes la principale clientèle des revendeurs.

Une tolérance à la « donkey dust » – la poussière d’âne, un autre surnom de la kétamine – se crée rapidement. Les doses doivent alors être de plus en plus fortes pour ressentir les mêmes effets que la première fois, et la prise de kétamine à de terribles effets pour la santé sur le long terme.

Mortellement dangereuse lorsqu’elle est mélangée avec de l’alcool, la kétamine seule a un impact important sur la mémoire à long et court terme, elle fait des dommages aux reins et au foie mais surtout sur la vessie.

La « Ketamine bladder » fait référence au problème entraîné par le stupéfiant sur la vessie, dont la paroi est agressée et rétrécit jusqu’à la taille d’une bille dans les cas les plus graves. Beth, une femme dépendante à la kétamine, a confié à la BBC : « je ne peux pas marcher 50 mètres sans avoir besoin de m’asseoir ou de me précipiter aux toilettes ».

« Pour certaines personnes, la seule option est de se faire enlever la vessie, ce qui les rend infertiles. Avoir une poche de colostomie à un jeune âge est vraiment, vraiment triste », a indiqué Celia Morgan, professeur de psychopharmacologie à l’université d’Exeter, dont les recherches portent sur la kétamine en particulier.

La kétamine fut partiellement responsable de la mort de Matthew Perry, l’acteur qui jouait Chandler dans la série Friends.

L’eskétamine, un dérivé disponible sous ordonnance, est également utilisé par le propriétaire de X, Elon Musk, afin de traiter un « état d’esprit négatif » similaire à la dépression.

Des scientifiques de la Peking University First Hospital de Pékin (Chine) ont découvert récemment que l’eskétamine pouvait réduire les dépressions post-partums chez les jeunes mamans avec une dose unique.

Aude Brès

Aude est rédactrice pour Newsendip. Elle est diplômée de l'université de la Sorbonne.