Au Mexique, la réforme de l’Amparo suscite des craintes de régression démocratique

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22 avril 2024

La réforme de la loi Amparo au Mexique interdirait aux juges de protéger les droits de communautés entières contre d’éventuelles lois fédérales arbitraires, ne faisant ainsi bénéficier uniquement les plaignants des décisions judiciaires. Les critiques soutiennent que cette disposition constitue un abus de pouvoir.

AMLO fait un coup de pouce pour une photo.
AMLO a remporté une victoire écrasante aux élections présidentielles mexicaines de 2018, promettant de mettre en œuvre une « quatrième transformation » du pays. | © Eneas De Troya

Avec 69 voix pour et 42 contre, le Sénat mexicain a voté le 17 avril pour la réforme de la loi Amparo, une action judiciaire qui garantit la protection des individus contre les actes des autorités qui portent atteinte à leurs droits fondamentaux. Cette réforme vise à empêcher les juges d’accorder de larges protections sociales à des communautés entières car les décisions judiciaires ne s’appliqueraient uniquement aux plaignants qui se présentent devant les tribunaux.

Un outil essentiel pour la protection des droits de l’homme

En 2015, sous le précédent gouvernement d’Enrique Peña Nieto, la loi Amparo avait par exemple été utilisée pour protéger les intérêts de dix enfants qui avaient saisi le juge d’une affaire de destruction de la faune naturelle à Tajamar, au sud de Cancún. Le Fonds national pour la promotion du tourisme avait tenté de défricher 20 hectares de mangrove et de jungle pour les utiliser à des fins commerciales, mais le juge a réussi à l’en empêcher.

Le juge a accordé une protection aux enfants qui protestaient, mais il a également étendu sa décision à la protection de l’ensemble de la communauté contre les abus de pouvoir des autorités locales.

Mais si la nouvelle réforme du Recurso de amparo (« recours en protection ») est adoptée, ce type d’activisme judiciaire ne sera plus possible. Les juges ne pourront pas étendre les décisions judiciaires à d’autres personnes que les plaignants, ce qui signifie que seuls ceux qui ont les moyens de s’offrir les services d’un avocat pour lutter contre les actes anticonstitutionnels de l’autorité seront protégés.

Incapable de contester les autorités supérieures, le reste d’une communauté pourrait, à l’avenir, être automatiquement privée de ses droits.

Qu’est-ce que cela signifie pour les droits de l’Homme au Mexique ?

Le recours en amparo a un double objectif : il sert à protéger la constitution ainsi que les droits des citoyens au Mexique, le pays qui a inspiré l’amparo dans de nombreux autres pays hispanophones.

Les organisations de défense des droits de l’Homme et les partis d’opposition décrivent la décision de limiter son utilisation comme un recul au Mexique, arguant qu’elle déséquilibrera davantage la répartition du pouvoir dans le pays et restreindra la capacité des individus à contester les abus.

La sénatrice Gina Andrea Cruz Blackledge, du Parti d’action nationale (PAN) a déclaré que l’opposition présenterait un recours en inconstitutionnalité contre cette réforme. « Cette action laisse les secteurs les plus vulnérables dans une situation d’absence totale de défense », a‑t-elle déclaré.

Le recours en amparo permet non seulement d’éviter les abus de pouvoir de la part du gouvernement fédéral, mais il garantit également une protection contre les autorités municipales et étatiques. Mais la réforme a toutefois ouvert la porte à l’impunité et à de l’abus de pouvoir, selon la sénatrice.

Une « quatrième transformation » dans quelle direction ?

Le président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador – connu simplement par ses initiales, AMLO – a remporté une victoire écrasante aux élections de 2018, attirant les électeurs avec des positions sociales-démocrates et progressistes. Il s’était engagé à redistribuer les richesses et à éradiquer la corruption.

Mais au lieu d’être une avancée progressive, la décision de réformer l’Amparo, un instrument crucial pour la protection des droits de l’homme individuels, a été critiquée comme étant une « vengeance » personnelle d’AMLO contre les juges qui ont entravé la mise en œuvre de ses grands travaux publics et de ses réformes juridiques.

Selon les législateurs de la majorité, l’objectif de la réforme est de garantir « le respect absolu de la séparation des pouvoirs ». Les partisans de ce changement juridique, issus du parti MORENA d’AMLO, ont cité des cas où des juges se sont opposés à des travaux controversés tels que le Train maya, une ligne ferroviaire interurbaine de 1 554 kilomètres qui traverse la jungle du sud-est du Mexique, ou à des réformes telles que la Loi sur l’industrie électrique.

En fait, de nombreuses politiques mises en œuvre par le président dans sa tentative de réaliser sa « quatrième transformation » – un engagement à éradiquer les abus de privilèges et à transformer radicalement le pays – ont été controversées.

Mais malgré des transformations parfois confuses et contradictoires entreprises par le président, sa popularité reste indéniable. Avec un taux d’approbation de 69 %, AMLO reste plus populaire que ses quatre prédécesseurs.

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.