L’annonce de la restauration de la pyramide de Mykérinos suscite la colère des archéologues qui dénoncent un projet « absurde ».
Rendre aux antiquités leur aspect d’origine : « projet du siècle » ou « absurdité » ? C’est le débat qui agite les communautés scientifique et archéologique égyptiennes depuis la récente annonce de la restauration de la pyramide de Mykérinos, la plus petite des trois pyramides du plateau de Gizeh.
La nouvelle a été publiée samedi dernier par le Dr Mustafa Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des antiquités égyptiennes, via une vidéo postée sur Instagram. L’archéologue parle de « projet du siècle » sous la vidéo sur laquelle on peut apercevoir des équipes recouvrant les parois extérieures de la pyramide avec des blocs de granite.
À l’origine, la pyramide de Mykérinos était recouverte d’un parement de granite sur plus de vingt mètres de hauteur – la seule à arborer ce revêtement extérieur parmi plus de 124 pyramides.
Le projet en cours, mené par une mission archéologique conjointe égypto-japonaise, vise à restaurer cette couche de granite que le monument a perdu avec le temps, afin de lui restituer son aspect d’origine. Cette « rénovation va durer trois ans » et sera « un cadeau de l’Égypte au monde au XXIe siècle », s’est félicité Mostafa Waziri, assurant que celui-ci « permettra de voir, pour la première fois, la pyramide de Mykérinos telle qu’elle a été construite par les anciens Égyptiens ».
« Un gaspillage d’argent public »
Les images de la rénovation, qui se sont rapidement répandues sur les réseaux sociaux, n’ont pas manqué de faire l’objet de controverses et de diverses moqueries.
L’égyptologue Monica Hanna, qui a estimé que le projet était inutile d’un point de vue archéologique, a déclaré via le réseau social X que « tous les principes internationaux en matière de rénovation interdisent de telles interventions ».
« Quand allons-nous arrêter l’absurdité dans la gestion du patrimoine égyptien ? » a‑t-elle ajouté.
Plusieurs internautes ont ironisé sur le projet : « À quand le redressement de la Tour de Pise ? » a écrit l’un d’entre eux, faisant allusion à l’iconique monument italien. D’autres ont déclaré que la restauration était un gaspillage d’argent public, compte tenu de la crise économique persistante dans le pays.
Les pyramides de Gizeh avaient déjà subi une série de rénovation en 2020, avec pour objectif principal de booster le secteur du tourisme, qui représente 10% du produit intérieur brut (PIB) du pays dans lequel la protection et l’entretien du patrimoine font souvent l’objet de vifs débats.
En octobre dernier, le ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités, Ahmed Issa, avait annoncé des investissements de plusieurs millions de dollars dans les infrastructures et les réseaux de transports, dans le but d’attirer 30 millions de touristes par an d’ici 2028.
Le pays tente notamment d’accroître la participation du secteur privé pour gérer les services sur les sites touristiques et les aéroports. « Plusieurs groupes du secteur privé, locaux et internationaux, ont exprimé leur intérêt pour un partenariat avec le gouvernement égyptien dans la gestion des aéroports », avait déclaré le ministre du tourisme et des antiquités en marge du World Travel Market 2023.
Une baisse du tourisme due au conflit israélo-palestinien
L’agence de notation S&P Global avait averti en novembre qu’une baisse du tourisme, due aux récents développements liés au conflit israélo-palestinien, pourrait causer des problèmes importants en Égypte, en Jordanie et au Liban, alors que de nombreux voyageurs annulent ou reportent leurs vacances au Moyen-Orient.
« L’Égypte compte sur un coup de pouce du Grand Musée égyptien », avait souligné le ministre. Situé à côté de la pyramide de Mykérinos et de son futur nouveau look, ce projet « pharaonique » à un milliard de dollars dont la construction a débuté il y a vingt ans, s’étendra sur 45 000 mètres carrés et contiendra près de 100 000 objets. Son ouverture officielle est prévue entre février et mai 2024.