Une étude publiée par le UK Musicians Census révèle que l’inégalité entre les sexes reste un problème majeur dans l’industrie de la musique britannique, où 51 % des musiciennes ont subi des discriminations liées au genre. Les femmes noires sont confrontées à l’obstacle supplémentaire des stéréotypes raciaux.

Une étude publiée par le Musician’s Union le 27 mars a mis en évidence un problème persistant de discrimination liée au genre dans l’industrie musicale britannique.
D’après les réponses de 2 526 musiciennes, 51 % d’entre elles ont déclaré avoir subi des discriminations liées au genre. Plus alarmant encore, un tiers des femmes ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail.
En outre, l’écart de rémunération entre les sexes dans l’industrie persiste, les femmes gagnant en moyenne annuelle 19 850 livres (23 200 euros), contre 21 750 livres (25 400 euros) pour les hommes. Les femmes ne représentent que 19 % de la tranche de revenus la plus élevée du secteur (70 000 livres sterling ou plus par an).
Ces statistiques sont particulièrement marquantes sachant que les femmes de l’industrie musicale possèdent plus de diplômes que les hommes : près de la moitié (46 %) des femmes interrogées ont fait des études de niveau master ou supérieur, contre 30 % des autres personnes interrogées.
Le rapport met également en lumière les obstacles structurels auxquels sont confrontées les musiciennes dans leur progression de carrière.
Non seulement les femmes sont plus susceptibles de s’occuper des tâches au sein du foyer, mais elles sont également plus susceptibles de rencontrer des difficultés financières que les hommes dans le domaine musical. En effet, 27 % des musiciennes déclarent ne pas gagner assez pour subvenir aux besoins de leur famille, et 29 % affirment que la famille est un obstacle à leur carrière.
Une misogynie « endémique » dans l’industrie
Dans le cadre des efforts déployés par la Commission des femmes et de l’égalité de la Chambre des communes pour prévenir la violence à l’égard des femmes, une enquête parlementaire a été lancée sur la discrimination dans l’industrie musicale. Ce rapport, publié fin janvier, indique que peu de femmes signalent les incidents de misogynie et que, même dans les cas où elles le font, peu de mesures sont prises à l’encontre des personnes accusées.
La commission d’enquête a entendu des « témoignages bouleversants » de femmes de l’industrie, dont Annie Mac, ancienne DJ de la BBC, qui a indiqué qu’il y avait une « vague de révélations » en attente et que l’industrie était un « système truqué contre les femmes ». Elle y décrit l’industrie comme un « club de garçons », piégeant les femmes dans une culture où « les femmes, en particulier les jeunes femmes dans l’industrie musicale, sont constamment sous-estimées et dévalorisées, et où les femmes indépendantes sont constamment placées dans des situations où elles ne sont pas en sécurité ».
Cassandra Jones, professeure de criminologie à l’université de Northumbria, a souligné dans le rapport que le mouvement « Me Too », tout en réalisant des progrès substantiels dans la lutte contre le harcèlement sexuel dans l’industrie cinématographique, n’avait pas réussi à pénétrer l’industrie musicale dans la même mesure.
Le groupe transpartisan de députés a déclaré que la question de la misogynie et du harcèlement était « endémique » et a appelé le gouvernement à prendre des mesures urgentes.
Une « culture du silence »
Le rapport de la commission des femmes et de l’égalité a conclu qu’une « culture du silence » empêchait les femmes de s’exprimer par crainte pour leur carrière, en particulier lorsqu’elles travaillent en tant qu’indépendantes sans sécurité d’un emploi stable. La dynamique de pouvoir entre les hommes au sommet de l’industrie et les musiciennes a conduit des femmes a voir leurs carrières détruites pour avoir parlé, plutôt que les hommes à subir les conséquences de leurs actes selon le rapport.
En 2020, une enquête sur la Royal Academy of Music de Londres, l’une des plus anciennes écoles de musique du Royaume-Uni, a révélé que les étudiants « craignaient de dénoncer des comportements sexuels répréhensibles » en raison de la « conviction que des personnes puissantes peuvent avoir une influence néfaste sur les opportunités ».
Les comportements discriminatoires ne se limitent pas au harcèlement sexuel, les femmes devant endurer une culture de harcèlement tel que l’humiliation en public, l’isolement et le dénigrement devant leurs collègues.
Inégalité intersectionnelle
La commission parlementaire a signalé que les problèmes sont « intensifiés pour les femmes confrontées à des barrières intersectionnelles ». En plus de la discrimination liée au genre, les musiciennes noires font face à des barrières supplémentaires pour les personnes de couleur.
Un rapport publié en septembre 2021 par Black Lives in Music (BLiM), une organisation engagée dans la lutte contre le racisme dans le secteur, a souligné que le racisme dans l’industrie musicale britannique était « sérieux, direct et personnel ». Au total, 1 718 personnes ont répondu, ce qui en fait la plus grande enquête menée auprès de musiciens noirs au Royaume-Uni.
L’étude a révélé que 86 % des créateurs de musique noirs étaient confrontés à des obstacles à la progression de leur carrière en raison de leur couleur de peau. Ce chiffre s’élève à 89 % pour les femmes noires.
Le rapport fait référence à un témoignage d’Alexandra Burke, ancienne vedette de X Factor, qui a été encouragée à se blanchir la peau et à ne pas porter de tresses pour répondre aux attentes d’un public plus blanc.
Le rapport conclut en recommandant le lancement d’un code de conduite et d’un manifeste contre le racisme à l’échelle de l’industrie musicale.
Le chemin de Jess OG vers le succès contre vents et marées
Dans une interview exclusive avec Forbes, Jess Ogunjemilusi, connue professionnellement sous le nom de Jess OG, a partagé ses expériences en tant qu’artiste musicale noire à succès et comment elle a surmonté les obstacles de sa carrière.
Le témoignage révèle qu’une passion et un engagement inébranlables pour la musique et le rap lui ont permis de persévérer malgré le fait qu’elle ait souvent été écartée et négligée, révélant une détermination particulièrement nécessaire aux femmes noires pour naviguer et réussir dans le milieu, car elles sont « souvent ignorées ou sous-évaluées ».
Jess explique qu’elle doit affirmer son autorité dans des espaces dominés par les hommes, sous peine d’être utilisée et de ne pas être prise au sérieux : « Je suis la seule femme noire ici… si je ne m’affirme pas dans cette pièce, je ne serai pas respectée ».
Pour atténuer ces cas de discrimination, de racisme et d’abus sexuels, la commission des femmes et de l’égalité a demandé aux ministres de modifier la loi sur l’égalité afin que les travailleurs indépendants bénéficient des mêmes protections que les salariés, et que la législation gouvernementale impose aux employeurs l’obligation de protéger les travailleurs contre le harcèlement sexuel et interdise l’utilisation d’accords de non-divulgation dans de tels cas.