La violence frappe le Parlement tunisien à propos d’un fonds qatari

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1 juillet 2021

Deux hommes ont frappé dans l’hémicycle une députée tunisienne qui s’opposait à un partenariat avec le Fonds d’investissement du Qatar. Les tensions montrent deux positions politiques totalement opposées.

Parlement tunisien
Parlement tunisien

Abir Moussi, députée depuis 2019 et présidente du parti Destourien libre, a été frappée à deux reprises au Parlement. Elle a reçu un coup de poing de Sobhi Samara et un coup de pied de Seifeddine Makhlouf à deux moments différents.

Les vidéos, filmées par plusieurs téléphones, montrent Sobhi Samara donnant plusieurs coups de poing à Abir Moussi qui tente d’éviter le contact physique alors qu’elle porte une bombe (le casque d’équitation) et un gilet de protection. Elle porte un casque depuis un mois, pour dénoncer que le Parlement n’est pas un endroit sûr.

On peut voir M. Makhlouf sur des vidéos, plus tôt en janvier, prendre le téléphone de Mme Moussi et l’insulter. En octobre 2020, il l’avait déjà agressée.

Le vote d’un partenariat avec le Fonds du Qatar pour le développemen au milieu des tensions

Les séances plénières du Parlement ont été perturbées par Abir Moussi et son parti. Femme politique exubérante, elle a eu l’habitude d’organiser des sit-in en 2019 et 2020 au Parlement pour se faire entendre. Cette fois, elle proteste contre le vote d’un accord entre la Tunisie et le Fonds du Qatar pour le développement. Le Fonds devrait ouvrir un bureau en Tunisie.

Dans une période de difficultés économiques, le fonds du Qatar promet d’offrir 100 000 opportunités d’emploi aux jeunes Tunisiens d’ici la fin de l’année 2021. Le partenariat a finalement été approuvé par 122 voix pour, 12 contre et une abstention.

Cette violence en plein Parlement est la preuve la plus récente d’une période politique et économique tendue en Tunisie. Cependant, le différend entre ces députés peut également s’expliquer par leurs positions politiques opposées.

Parti pro-dictature favorisé par l’Arabie Saoudite d’un côté, parti islamiste favorisé par le Qatar de l’autre

M. Makhlouf et Mme Moussi se sont tous deux présentés à l’élection présidentielle de 2019 et ont recueilli environ 4 % des voix.

Sobhi Samara est une homme politique indépendant qui appartenait auparavant à Al Karama, également appelé Coalition pour la dignité, un parti dirigé par Seifeddine Makhlouf. Il fut créé en 2019 comme une sécession du mouvement Ennahdha qui voulait devenir un mouvement plus démocratique en séparant l’islam de la politique.

Ennahda est le parti qui dispose du plus grand nombre de sièges dans l’hémicycle, dont le président, Rached Ghannouchi, est également le président du Parlement. Abir Moussi considère Ennahda comme un parti terroriste qui veut supprimer la laïcité en Tunisie.

Autorisé seulement en 2011 après le Printemps arabe, le mouvement Ennahda, aussi appelé Parti de la Renaissance, est un parti islamiste conservateur inspiré des Frères musulmans, proche de la Turquie et… du Qatar.

Mais d’un autre côté, Abir Moussi peut difficilement être considérée comme la présidente d’un parti progressiste. Elle a les faveurs de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, qui considèrent que le Qatar finance le terrorisme. L’Arabie saoudite et les Émirats sont contre les révolutions du printemps arabe et préfèrent les régimes autoritaires aux démocraties. Et Abir Moussi est une ancienne partisane de Ben Ali, le dictateur chassé par la révolution en 2011. Le parti destourien a d’ailleurs été formé par des membres du régime avant la révolution de jasmin en Tunisie.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.