Francisco Bastillo, le chancelier de l’Uruguay, a présenté sa démission à la suite de fuites suggérant qu’il a tenté de faire obstruction à la justice. Des audios révèlent que M. Bastillo a dit à la vice-chancelière de « perdre son téléphone » pour dissimuler des preuves qui impliquent des officiels dans la remise d’un passeport à un trafiquant de drogue présumé pour qu’il sorte de prison.
Francisco Bastillo, le chancelier de l’Uruguay l’équivalent du ministre des affaires étrangères, a décidé de démissionner de son poste à la suite de la diffusion d’appels téléphoniques dans lesquels il demandait à sa vice-chancelière de « perdre son téléphone portable » pour éviter que la justice ne s’en saisisse.
Le téléphone portable faisait l’objet d’une enquête judiciaire dans une affaire concernant un trafiquant de drogue uruguayen présumé, Sebastián Marset, qui a reçu un passeport uruguayen officiel alors qu’il était emprisonné à Dubaï en 2021.
M. Marset avait été arrêté aux Émirats arabes unis alors qu’il utilisait un faux passeport paraguayen qui apparaissait de mauvaise qualité selon un agent des douanes. Il a ensuite été envoyé au bureau d’inspection des documents, qui l’a jugé faux et a temporairement emprisonné le trafiquant présumé. L’ambassade du Paraguay a découvert par la suite que M. Marset n’avait pas la nationalité paraguayenne.
Mais avec l’aide de son avocat et d’un citoyen uruguayen autorisé aux Émirats arabes unis, le bureau du chancelier uruguayen fut informé de « l’urgence » de son emprisonnement et lui a donné un passeport. Faisant l’object d’un mandat d’arrêt à ce jour mais en cavale, le gouvernement bolivien a offert une récompense de 100 000 dollars en juillet 2023 pour toute information sur Sebastián Marset.
Les fichiers audio ont été publiés hier par le magazine uruguayen Búsqueda. On peut y entendre le chancelier Bustillo et la vice-chancelière Carolina Ache parler. Selon Búsqueda, les appels remontent à novembre 2022, date à laquelle plusieurs fonctionnaires ont été invités à montrer leurs messages WhatsApp dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Marset. Il s’agissait notamment du chancelier Bustillo, de la vice-chancelière Ache et du vice-ministre de l’intérieur, Guillermo Maciel.
Lors de l’appel du 14 novembre 2022, après que Mme Ache a déclaré qu’elle était prête à présenter les informations demandées aux tribunaux, Bustillo commence à parler d’un moyen d’éviter l’obligation de montrer leurs messages. Après avoir suggéré qu’il utiliserait une connaissance pour influencer la cour, il demande directement à Mme Ache de « perdre son téléphone portable » pour gagner du temps. Il dit ensuite que M. Maciel, le vice-ministre de l’Intérieur, présentera des preuves l’impliquant lui-même, ce qui l’amènera à se « tirer une balle dans le pied ».
Après cette conversation, Mme Ache, selon son témoignage, a réussi à décaler la transmission des informations en interjectant appel devant le tribunal. Cependant, à l’expiration du délai, le 24 novembre, elle aurait remis au bureau du chancelier une lettre scellée contenant des informations sur des « conversations privées entre elle et Maciel ». Toutefois, cette lettre scellée ne figurait pas dans les documents que son bureau a remis à la justice.
Le 25 novembre, l’historique de WhatsApp révélé par Búsqueda montre que Mme Ache a été invitée par le conseiller du président, Roberto Lafluf, à rencontrer le président de l’Uruguay, Lacalle Pou, le chancelier Bustillo et M. Maciel. Selon Mme Ache, lors de cette réunion, M. Lafluf lui a demandé d’effacer les messages WhatsApp, ce qu’elle a accepté de faire, et de rédiger un document pour les tribunaux qui n’inclurait pas ces messages.
Mme Ache a déclaré avoir dit à M. Lafluf un jour plus tard qu’elle ne rédigerait pas un document sans les messages, car cela constituerait un délit. Cependant, elle aurait reçu un appel de Lafluf lui informant qu’il avait détruit le document remis à la justice, sans qu’elle ne sache comment il avait pu récupérer le document. Carolina Ache a fini par remettre une copie du document aux tribunaux le 28 novembre 2022. Peu après, elle a démissionné de son poste et pense que si elle avait accepté la demande de Lafluf, elle serait encore vice-chancelière aujourd’hui.
En ce qui concerne les irrégularités dans la remise des documents demandés à la justice et les nouveaux enregistrements, Francisco Bustillo a envoyé une lettre dans laquelle il s’en prend à la description des événements faite par M. Ache. Dans une lettre publiée juste après sa démission hier, Bustillo affirme qu’il n’y avait « rien d’illégal dans le passeport remis à Sebastián Marset », et qu’il « n’a jamais menti lorsqu’il a été interrogé par les tribunaux ». Selon M. Bustillo, les affirmations de M. Ache ont été faites de « mauvaise foi » et il a promis de « faire la lumière » sur la situation.