Les plans d’un nouvelle école maternelle municipale à Porsanger, en Norvège, révèlent l’intention d’utiliser une clôture pour séparer les enfants en fonction de la langue qu’ils parlent. Ce projet, qui vise à protéger les langues minoritaires, est rejeté par les élus locaux.
En Norvège, le projet d’une école maternelle municipale qui cherche à ce que les enfants conservent la maîtrise de leur langue maternelle issue de minorités crée la polémique. Selon NRK, l’école sera équipée de barrières empêchant les enfants de différentes langues d’interagir les uns avec les autres.
Les langues en question sont le norvégien, le kvène et le sâme, ces deux dernières étant considérées comme des langues minoritaires dans le pays.
La crèche fait partie de Porsanger, une municipalité de 4 000 habitants dans le comté de Finnmark, l’une des régions les plus au nord du pays.
L’initiative de construire un jardin d’enfants municipal ouvert aux trois cultures a été prise en grande partie par le parti travailliste de Porsanger lorsqu’il administrait la ville. Maintenant que le projet est connu, Mona Skanke, membre du parti travailliste et ancienne maire de Porsanger de 2007 à 2011, y est opposée.
Par ailleurs directrice d’une crèche à Porsanger qui accueille les trois cultures, Mona Skanke estime que tous les enfants devraient pouvoir se connaître au sein de la structure. Malgré l’initiative visant à protéger les langues sâme et kvène, Mme Skanke se refuse à soutenir le projet.
Des populations comme les Kven ont émigré dans le nord de la Norvège et ont leur propre culture et leur propre langue. La population samie est plus étendue en Scandinavie, mais parle toujours une langue minoritaire en Norvège. Et depuis 2021 la loi norvégienne stipule que ces deux langues, ainsi que d’autres langues minoritaires, ont la même valeur que le norvégien.
En Norvège, les enfants fréquentent des établissements qui font à la fois crèche et école maternelle, dits les Barnehage en norvégien, généralement à partir de l’âge d’un an jusqu’à ce qu’ils entrent à l’école primaire à l’âge de 6 ans.
Le maire conservateur de Porsanger, Jo Inge Hesjevik, a décidé de ne pas soutenir la construction du jardin d’enfants, mais pas pour des raisons qui relèvent de l’éthique.
Il estime que la municipalité n’a pas les moyens de financer le bâtiment et qu’il n’y avait de toute façon pas de besoin urgent.
Selon lui, la crèche privée trilingue de Bærtua, est déjà suffisante. Il a suggéré que des crèches exclusivement samis soient construites dans les municipalités samies au lieu de construire une crèche commune.
Les données du gouvernement montrent que le Barnehage Bærtua fonctionne avec un employé pour cinq enfants. Ce ratio est légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la municipalité : Un employé pour 4,8 enfants. Il compte également une dizaine d’enfants pour chaque éducateur. En revanche, pour l’une des écoles samies de la municipalité, il n’y a qu’un seul éducateur pour 37,5 élèves.
Le Conseil de l’Europe, une organisation intergouvernementale de défense des droits de l’Homme, avait déclaré en février 2022 que « devraient notamment faire l’inventaire de la demande d’enseignement des langues sâmes à chacun des niveaux d’enseignement, de la maternelle à l’enseignement supérieur ». Ils ont constaté que le kvène et le sâme était menacé d’extinction, en partie à cause du manque d’outils pédagogiques et d’enseignants pour conserver ces langues.
Kristine Bentzen, linguiste à l’université de Tromsø, a déclaré à NRK que séparer les enfants en fonction de leur langue était une arme à double tranchant. D’une part, le norvégien semble prendre l’ascendant lorsqu’il est présent avec les minorités de langue. De l’autre, séparer les enfants par langue peut stigmatiser l’usage de langues comme le kvène et le sâme.