Le gouvernement néerlandais a officiellement présenté ses excuses au peuple indonésien pour « l’utilisation systématique et généralisée de la violence extrême », prenant ses distances par rapport à la précédent version officielle qui faisait état d’actes violents sporadiques entre 1945 et 1949.
Les Pays-Bas ont « utilisé la violence extrême de manière fréquente et structurelle » entre 1945 et 1949 pendant la guerre d’indépendance dans les Indes orientales néerlandaises, l’ancienne Indonésie, selon les conclusions d’un projet de recherche publié le 17 février. Les hauts gradés de l’armée et le gouvernement étaient au courant mais ont ignoré ces excès.
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte s’est profondément excusé jeudi au peuple indonésien : « Cette recherche m’incite à réitérer ces excuses ici et maintenant : pour le recours systématique et généralisé à la violence extrême du côté néerlandais au cours de ces années et pour les gouvernements précédents qui ont constamment détourné le regard, je voudrais profondément m’excuser aujourd’hui au nom du gouvernement néerlandais au peuple indonésien. »
Le Premier ministre rejette la responsabilité individuelle de soldats « mal préparés » et reconnaît la nature systémique de la violence, qu’il décrit comme un « échec collectif ». La « responsabilité incombe avant tout à ceux qui détenaient l’autorité à l’époque : le gouvernement néerlandais, le parlement, les forces armées en tant qu’institution et les autorités judiciaires. »
Trois instituts de recherche historique ont enquêté sur la question de la violence des forces armées néerlandaises en Indonésie pendant quatre ans et demi. Le projet de recherche « Indépendance, décolonisation, violence et guerre en Indonésie, 1945–1950″ a été partiellement financé par le gouvernement néerlandais. Les premiers résultats ont été divulgués mercredi.
Dans un communiqué, les chercheurs ont déclaré que les informations qu’ils ont trouvées « montrent que l’utilisation de la violence extrême par les forces armées néerlandaises était non seulement répandue, mais aussi souvent délibérée. Il était toléré à tous les niveaux : politique, militaire et juridique ».
Le combat de l’Indonésie pour l’indépendance
Dirigée comme une colonie néerlandaise, l’Indonésie a déclaré son indépendance en 1945 et s’est battue contre les troupes néerlandaises jusqu’à ce que les Pays-Bas reconnaissent officiellement l’Indonésie à la fin de 1949.
Selon les recherches, les dirigeants de l’armée conservaient une attitude coloniale de supériorité et considéraient que les nationalistes ne seraient jamais capables de diriger un pays. Le désir d’indépendance des Indonésiens a également été sous-estimé.
Les militaires critiquent le rapport. « Les résultats de l’enquête suscitent en moi un sentiment de malaise et d’inquiétude, car les anciens combattants ayant servi dans les anciennes Indes orientales néerlandaises sont collectivement placés sur le banc des suspects grâce à des conclusions infondées », a déclaré le directeur de l’Institut néerlandais des anciens combattants, Paul Hoefsloot, dans une déclaration écrite.
Hans van Griensven, président d’une autre organisation d’anciens combattants néerlandais, a déclaré à la chaîne de télévision NOS que la violence n’était « pas aussi répandue qu’on le laisse entendre ».
« Bien sûr, certaines choses ont mal tourné, comme c’est le cas dans chaque guerre », a ajouté M. Van Griensven. « Mais, en général, il y a aussi eu de l’aide humanitaire, de la nourriture a été distribuée, des infrastructures ont été construites. Cela n’est pas abordé » dans les conclusions de la recherche.
L’Indonésie a déclaré son indépendance juste après la Seconde Guerre mondiale. Incapables de défendre la colonie, les Néerlandais ont rapidement perdu Java et Sumatra au profit du Japon pendant la guerre, ce qui a attisé les aspirations nationalistes de la population locale.
La violence s’est matérialisée « sous la forme d’exécutions extrajudiciaires, de mauvais traitements et de tortures, de détentions dans des conditions inhumaines, d’incendies de maisons et de villages, de vols et de destructions de biens et de vivres, de raids aériens et de tirs d’artillerie disproportionnés, ainsi que d’arrestations et d’internements massifs souvent aléatoires », les résultats du projet de recherche indiquent dans un communiqué. Ces crimes sont restés impunis dans la plupart des cas.
La version officielle défendait un écart de conduite isolé des forces armées néerlandaises
Mark Rutte a estimé jeudi que « cette étude décrit une fois de plus la tragédie de cette période dans son intégralité […]. Les principales conclusions du rapport sont dures mais inévitables. Le gouvernement accepte ces conclusions. Nous devons faire face à ces faits honteux. »
Le gouvernement néerlandais a présenté ses excuses en 2013 pour certaines atrocités commises par ses forces. Mark Rutte s’est officiellement rendu en Indonésie en 2020 et a présenté des excuses officielles pour l’agression passée de son pays.
Mais le gouvernement néerlandais prend aujourd’hui des distances avec la version officielle défendue jusqu’à présent. Elle affirmait que les troupes ne s’étaient livrées qu’à des violences extrêmes de manière sporadique.
Les conclusions se fondaient sur un rapport de 1969 qui reconnaissait des « excès de violence » en Indonésie. Il a toutefois affirmé que les troupes néerlandaises menaient une « action policière » souvent motivée par la guérilla et les attaques terroristes visant les opposants présumés à l’indépendance. M. Rutte estime que l’expression « acte de police » ne devrait plus être utilisée et que la période devrait plutôt être qualifiée de « guerre coloniale ».
Un rapport précédent avait été produit en 1949 mais n’avait jamais été rendu public. Le document apparaîtra pour la première fois sur papier avec la publication officielle de l’étude aujourd’hui.
Il est cependant impossible de quantifier exactement le nombre de crimes et de victimes selon les chercheurs. Le rapport estime cependant grossièrement les pertes en vies humaines : 5 000 soldats néerlandais auraient été tués tandis que 100 000 Indonésiens indigènes seraient morts pendant la guerre.