La Malaisie souhaite empêcher les élus de changer de parti, dans l’espoir de réduire l’instabilité politique. Mais les débats du parlement sur la législation ont été une nouvelle fois reportés à une date ultérieure.
Les politiques malaisiens peinent à faire passer une loi qui les concernent. Elle pourrait pourtant mettre fin à un crise politique dans le pays qui dure depuis deux ans. La loi contre le changement de parti est sur la table depuis septembre, mais les partis politiques ont à nouveau reporté les débats au parlement pour modifier la teneur de la législation.
En Malaisie, les politiques passent d’un parti à l’autre depuis de nombreuses années, pouvant parfois aller jusqu’à la chute de majorités et de gouvernements. En 1992, la Cour fédérale a même déclaré que l’interdiction de changer de parti portait atteinte à la liberté d’association d’une personne. Mais cette pratique a atteint son paroxysme en février 2020, lorsque des parlementaires ont changé de parti et provoqué la chute du gouvernement dirigé par le Pakatan Harapan, l’Alliance de l’espoir en malais.
Ce moment a été surnommé le Sheraton move, car il résulte d’une discussion animée au sein de la coalition de centre-gauche pour la nomination d’un nouveau premier ministre dans l’hôtel. Mahathir Mohamad a été contraint de démissionner du poste de premier ministre après 22 mois au pouvoir parce que les « grenouilles », les politiques qui sautent dans l’autre camp, lui ont fait perdre la majorité.
Deux années d’instabilité politique s’en sont suivies. Le Yang di-Pertuan Agong, le roi de Malaisie, a nommé Muhyiddin Yassin au poste de Premier ministre, qui a démissionné en août 2021. L’Organisation nationale des Malais unis (UNMO) a retiré son soutien au gouvernement en raison de la façon dont la coalition a géré la pandémie de COVID-19. L’UMNO est un parti qui fut au pouvoir sans discontinuer depuis l’indépendance de la Malaisie en 1957 jusqu’à sa défaite en 2018 face au Pakatan Harapan.
Le vice-président de l’UMNO, Ismail Sabri Yaakob, est devenu Premier ministre et a signé un protocole d’accord avec le Pakatan Harapan en septembre. La loi anti-changement de parti était l’une des réformes essentielles pour que le Pakatan Harapan accepte une coopération politique et s’abstienne d’émettre une motion de censure.
Depuis les élections générales de 2018, 39 membres du Parlement ont changé de camp. Le Dewan Rakyat, la Chambre des représentants de Malaisie, compte 222 sièges.
Avec l’interdiction, les sièges deviendraient vacants et des élections seraient à nouveau organisées si les parlementaires élus changent de parti. Ce changement est censé apporter une plus grande stabilité politique et restaurer la confiance des citoyens dans le système électoral.
Mais les contours de l’interdiction prennent du temps à se dessiner alors que de nombreux politiciens vont voter sur une technique qu’ils ont déjà utilisé.
Le projet de loi devait être déposé le 24 mars. Il a ensuite été reporté au 11 avril. Mais les partis ont à nouveau repoussé la date des débats parlementaires sur les changements constitutionnels qui doivent restreindre la liberté d’association, avant de débattre d’un projet de loi.
L’opposition a accusé le gouvernement d’essayer d’éviter de présenter le projet de loi quand il a annoncé la semaine dernière qu’un amendement constitutionnel devait être adopté avant de voter la loi. Le Premier ministre Ismail Sabri Yaakob a déclaré dimanche que la proposition de loi serait probablement débattue en juillet.
Une majorité des deux tiers est nécessaire pour amender la constitution.
La Coalition pour des élections transparentes et équitables (BERSIH), une coalition d’organisations non gouvernementales qui milite pour des réformes électorales, a déclaré le 10 avril qu’avec le rythme actuel, la Malaisie « pourrait ne jamais voir un mécanisme légal pour traiter la menace du changement de parti » avant les prochaines élections générales qui renouvelleront les membres du Parlement en 2023.
Le Pakatan Harapan a publié une déclaration le 11 avril après une réunion avec le gouvernement au cours de laquelle ils ont convenu de retravailler les changements dans la constitution. Les définitions sur ce qui constitue un changement de parti seront revues. Ils se sont également mis d’accord pour supprimer de la constitution une clause qui empêchait les membres du parlement ayant démissionné de leur poste d’être réélus pendant une période de cinq ans pour ne pas porter atteinte à la liberté d’association.
Une commission parlementaire trans-partisane travaillera à affiner les changements constitutionnels. Les deux parties ont dit qu’elles voteront et approuveront les amendements de la constitution avant la fin du mois de mai 2022.