Afin de lutter contre le COVID-19, le gouvernement slovène a adopté une loi augmentant le plafond salarial des médecins et des dentistes du secteur public. Mais la Cour constitutionnelle a décidé de l’abroger considérant que ce n’est pas une mesure nécessaire pour réduire les infections au COVID-19.
La Cour constitutionnelle de Slovénie a décidé d’annuler l’article d’une loi qui augmenterait le salaire maximum des médecins et dentistes travaillant dans le secteur public. Les juges ont estimé que la mesure n’était pas nécessaire pour éliminer la pandémie de COVID-19.
La loi, adoptée comme mesure d’urgence à la fin de l’année dernière, allait relever le plafond des salaires des médecins et dentistes de sept échelons sur la grille des salaires du secteur public, du 57ème au 62ème. Elle ouvrirait également la voie à une augmentation de tous les salaires des médecins et dentistes.
Mais l’annonce d’une possible augmentation uniquement pour une partie des employés du secteur public a suscité des critiques parmi les syndicats de l’administration qui estiment que tous les fonctionnaires devraient bénéficier de la même modification.
Les syndicats veulent défendre le système unifié de rémunération des fonctionnaires mis en place en Slovénie. Une grille salariale commune à tous les employés du secteur public existe depuis un peu plus de dix ans. Elle a pour objectif de garantir des salaires plus équitables à emplois comparables à travers les différentes administrations publiques et d’être plus transparent. Mais en comparant les différents secteurs publics – la police, la justice et la santé par exemple – certaines professions considèrent qu’elles méritent des salaires plus élevés que d’autres.
Cinq syndicats du secteur public ont porté l’affaire devant la Cour constitutionnelle au motif qu’elle enfreignait les dispositions de la constitution slovène relatives au référendum législatif.
Un référendum législatif peut être organisé en Slovénie pour se prononcer sur une loi si une pétition rassemble au moins un cinquième de l’ensemble des électeurs. Certaines exceptions sont prévues pour la convocation d’un référendum, comme pour les « lois sur les mesures d’urgence visant à assurer la défense de l’État, la sécurité ou l’élimination des conséquences des catastrophes naturelles ».
Le gouvernement a alors exclu la possibilité pour la population d’appeler à un référendum car il considère la loi comme une mesure d’urgence.
Près d’un million de cas de COVID-19 ont été détectés à ce jour selon l’Organisation mondiale de la santé, dans un pays d’un peu plus de 2 millions d’habitants. Près de 3 millions de doses de vaccin ont été administrées et 7 500 décès dus au coronavirus ont été signalés.
Dans son jugement publié le 11 avril, la Cour constitutionnelle considère certes la situation comme une catastrophe naturelle et convient sur le plan juridique qu’une série de mesures urgentes étaient nécessaires pour faire face à la situation sanitaire du pays.
Cependant, le gouvernement n’aurait pas dû interdire un référendum car le relèvement du plafond salarial des médecins et des dentistes n’est pas « une mesure nécessaire pour éliminer les conséquences de l’épidémie massive d’infections au COVID-19″.
Le gouvernement a fait valoir que la situation épidémiologique difficile pousse les médecins à quitter le secteur public. Le tribunal a jugé que le taux de rotation élevé, le manque de médecins ou la faible rémunération des jeunes professionnels ne sont pas liés au COVID-19 mais sont « dus à l’insatisfaction de longue date des médecins à l’égard du système de rémunération et des conditions de travail ».
En Slovénie, les médecins qui sont partis travailler à l’étranger en 2019 représentaient un tiers des diplômés annuels de médecine du pays, selon le gouvernement citant les statistiques de l’OCDE.
De plus, le gouvernement a déjà émis des primes pour les médecins en février et les infirmières en décembre en raison du contexte difficile.
Le tribunal a également estimé que la mesure permettrait surtout de relever le plafond et d’augmenter les salaires les plus élevés, mais qu’elle ne résoudrait pas nécessairement les problèmes des jeunes médecins mal payés.
Les syndicats ont déclaré qu’ils s’attendaient à ce que la décision soit favorable à leur demande. Le tribunal avait déjà suspendu la mise en œuvre de la législation il y a deux mois le temps qu’il rende son jugement. Une éventuelle inconstitutionnalité aurait eu pour conséquence des « dommages sérieux », avec l’impossibilité de se faire rembourser rétroactivement les salaires déjà versés. Sept juges ont voté en faveur du jugement et deux contre.
« Les syndicats ont toujours averti que l’adoption de lois interventionnistes modifiant la législation systémique est constitutionnellement discutable », a déclaré l’Association des syndicats libres de Slovénie après le jugement. « Le gouvernement était parfaitement conscient, lorsqu’il a adopté la loi, qu’il abusait de l’interdiction du référendum pour réglementer les salaires d’un seul secteur ».
La décision intervient quelques jours avant les élections parlementaires qui auront lieu le 24 avril.
La Confédération des syndicats du secteur public s’attend désormais à ce que « le futur gouvernement entame immédiatement des négociations sur les salaires du secteur public » avec les syndicats, « convaincu que le dialogue social réduirait la nécessité de soumettre des demandes d’évaluation de constitutionnalité ».
Selon le ministre de l’administration publique, Boštjan Koritnik, accorder une augmentation similaire à l’ensemble des 188 000 fonctionnaires coûterait 1,5 milliard d’euros, soit environ 8 000 euros chacun, ce qu’il considère comme financièrement impossible.
La semaine dernière, les syndicats ont refusé de participer à un groupe de travail sur le système de rémunération des soins de santé avec le gouvernement actuel, qui a donc contacté directement les chambres des médecins, dentistes, pharmaciens, infirmières et sages-femmes pour discuter de la question.