Le 25 avril, la Cour Suprême polonaise a rendu sa décision suite à l’affaire des emprunts en francs suisses, qui touchait un emprunt immobilier sur cinq en 2021. Cependant, un risque subsiste quant à l’annulation de cette résolution.
Après 3 ans à repousser la décision, 5 opinions d’autres institutions demandées et un changement de juges, la Cour Suprême polonaise a adopté une résolution au sujet des emprunts en francs suisses. Cette décision servira à établir une jurisprudence pour les emprunteurs et les banques, chacun réclamant une somme d’argent à l’autre partie.
La Cour Suprême a déclaré que les clauses des contrats d’emprunt bancaire, stipulant que le remboursement du prêt se ferait en fonction du taux de change du franc suisse, étaient abusives. Cette décision impacte les 700 000 polonais qui, entre 2000 et 2012, ont souscrit à un prêt au taux d’intérêts avantageux mais dont le montant à rembourser, dans la monnaie nationale, était indexé ou libellé en francs suisses.
La décision de la Cour Suprême polonais de ce 25 avril permettra de faciliter les litiges des emprunteurs contre les banques, eux qui se sont senti lésés après la crise des subprimes en 2008, quand le cours du franc suisse s’est envolé et que le zloty, la monnaie polonaise, a été dévalué.
Ils sont 130 000 détenteurs de crédits en francs suisses à s’être engagés dans des poursuites judiciaires, après que le nombre de mensualités de remboursement a doublé suite à la crise, les engageant dans une dette sans fin.
Un processus juridique complexe
La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE), saisie par des polonais endettés, fut la première entité juridique à rendre une opinion sur le sujet, elle a déclaré en 2021 que l’indexation de prêt sur la monnaie helvétique était abusif, les détenteurs du prêt ayant peu de compréhension et surtout peu de moyens d’anticipation de la volatilité du taux de change et des taux d’intérêt.
Cependant, elle a aussi déclaré qu’il appartenait à la juridiction nationale d’établir ce fait, le problème étant aussi présent en France, en Croatie, en Grèce, en Hongrie, en Slovénie et dans les pays des Balkans. Les banques de chaque pays ayant assuré à ses emprunteurs que le cours du franc suisse était stable et qu’il s’agissait d’une affaire en or.
Ceux qu’on appelle désormais les « Frankowitzes » en Pologne gardent probablement des souvenirs amers de ces promesses, eux dont la valeur de leur bien immobilier est désormais inférieure au montant de leur dette. L’Autorité de surveillance financière (KNF) déclarait en 2020 qu’environ 430 000 prêts polonais n’ont pas encore pu être remboursés.
Les procès risquent donc de se multiplier maintenant que la Cour Suprême a levé les dernières inquiétudes. En effet, elle a confirmé la décision européenne rendant impossible le maintien ou la modification du contrat bancaire et mettant fin au remboursement des emprunteurs. Ils ont également la possibilité de demander un dédommagement à la banque sous certaines circonstances.
L’avocat ayant déposé les premières plaintes des emprunteurs devant la CJUE, Radoslaw Gorski, a confié que « les banques espéraient des milliards et ils n’obtiendront très probablement rien des consommateurs ».
Les banques, lésées, gardent un dernier espoir
D’après le cabinet d’avocats et de conseillers juridiques Bochenek, Ciesielski & Partners, l’année dernière, 97% des procédures de cette énorme affaire judiciaire sont remportées par les emprunteurs, au grand malheur des banques dont l’interdiction de la CJUE, en juin 2023, de demander un dédommagement pour les mensualités jamais versées, est restée en travers de leur gorge.
Tadeusz Bialek, président de l’association des banques polonaises, a déclaré lors d’une conférence de presse que « ce jugement conduit à une situation où certains clients de banques (…) peuvent obtenir des prêts gratuits » alors que les banques continuent d’affirmer que les emprunteurs étaient parfaitement au courant des conditions de remboursement.
Pour ces banques, un espoir subsiste : celui de l’annulation de la décision de justice. La validité de la composition du tribunal pose effectivement question, après que les juges de la Cour Suprême ont été remplacés par des “néo-juges”.
Les “néo-juges”, qui représentent deux tiers de la composition de la Cour, ont été affectés à leur poste par le pouvoir en place, dans un contexte de crise du système judiciaire en Pologne.
Ces nouveaux juges ne font pas l’unanimité, en tout cas pas dans le cœur du procureur général, Adam Bodnar, qui a demandé à la Cour Suprême d’exclure ces nouveaux juges de cette décision. Cette requête, rejetée, est très proche de l’opinion des anciens juges, qui refusent de reconnaître le statut de leurs collègues et de statuer sur cette affaire avec eux.
Radosław Górski, a déclaré douter de la légitimité de ce jugement. « La résolution est bénéfique pour les consommateurs. Cependant, sa légalité est une autre question – des doutes doivent être soulevés à la fois par la composition du tribunal et par la manière dont la Cour suprême a ignoré la demande du procureur général d’exclure des juges ».