Seattle est devenue la première ville des États-Unis à interdire explicitement la discrimination basée sur la caste d’un individu. Seattle est l’un des plus grands pôles d’entreprises technologiques des États-Unis, qui emploient un grand nombre d’immigrants sud-asiatiques.

Le 21 février, le conseil municipal de Seattle a approuvé une ordonnance qui fait de Seattle la première ville des États-Unis à interdire explicitement la discrimination fondée sur la caste d’un individu.
Avec 6 voix pour et une voix contre, l’ordonnance modifie les caractéristiques protégées dans le code municipal et ajoute la caste aux autres catégories légalement protégées telles que l’origine ethnique, la religion et le sexe. L’ordonnance était proposée par Kshama Sawant, une femme politique indienne-américaine élue au conseil municipal de Seattle et membre du parti politique marxiste Socialist Alternative.
Les personnes victimes de discriminations dans la ville dans le domaine de l’emploi, l’éducation ou le logement fondées sur la caste peuvent désormais saisir la justice et demander réparation.
Bien qu’elle ne soit pas aussi répandue qu’en Inde, la discrimination fondée sur la caste existe aux États-Unis, notamment sur le lieu de travail. « La discrimination fondée sur la caste contribue largement et de plus en plus gravement à la discrimination et aux préjugés sur le lieu de travail auxquels sont confrontés les Américains d’origine sud-asiatique et d’autres immigrants – pas seulement dans d’autres pays, mais ici à Seattle et dans tous les États-Unis », peut-on lire dans une pétition diffusée par Mme Sawant avant le vote.
Un sondage mené en 2018 auprès des Sud-Asiatiques aux États-Unis révélait que 67 % des Dalits, les personnes autrefois qualifiées « d’intouchables » dans le système de castes séculaire de l’Inde, ont déclaré être traités injustement sur leur lieu de travail.
Seattle est également l’un des plus grands pôles technologiques des États-Unis. Google, par exemple, compte actuellement plus de 4 000 travailleurs à Seattle et plus de 7 200 travailleurs dans l’État de Washington. Et le secteur emploie un grand nombre d’immigrants d’Asie du sud.
Le syndicat américain Alphabet Workers Union, qui représente plus de 1 100 travailleurs d’Alphabet, la société mère de Google, a partagé une note soutenant l’ordonnance visant à interdire la discrimination de caste à Seattle. En 2022, le syndicat avait déjà dénoncé le fait que « les travailleurs opprimés par la caste se heurtent à de nombreux obstacles dans l’industrie technologique, y compris chez Alphabet », après que Google eut annulé la conférence d’un militant des droits civiques dalit, et ajouta que la caste est un « système d’oppression analogue à la discrimination raciale ». Elle a déjà demandé à Google d’ajouter la caste comme caractéristique protégée dans son code de conduite à l’échelle mondiale.
En 2016, le rapporteur spécial des Nations unies sur les questions relatives aux minorités déclarait qu’au moins 250 millions de personnes dans le monde étaient toujours confrontées à « une discrimination effroyable et déshumanisante fondée sur la caste et des systèmes similaires de statut héréditaire ».
Le terme de caste fait référence à un système social hiérarchique souvent fondé sur les notions de pureté et de pollution, selon le rapporteur, avec des places aux plus bas échelons d’une échelle sociale stricte pour certains individus. Le concept du système de castes est principalement associé à la région de l’Asie du Sud, notamment l’Inde, le Népal, le Sri Lanka, le Bangladesh, le Pakistan, le Myanmar, les Maldives, et à l’hindouisme qui a reconnaissait quatre origines, ou castes, appelées varnas.
Dalit signifie « ceux qui ont été brisés mais qui sont résistants ».
Mais aujourd’hui, la notion de caste s’est élargie. Elle peut être fondée sur une origine religieuse mais aussi laïque et se retrouve au sein de plusieurs groupes religieux et ethniques dans toutes les régions du monde, y compris dans les communautés issues de l’immigration selon les Nations Unies.
L’Inde interdit la discrimination fondée sur la caste, bien que cela reste un problème important dans le pays.
En 2020, le département californien de l’emploi équitable et du logement (DFEH), une agence d’État chargée de faire appliquer les lois californiennes sur les droits civils, a intenté une action en justice fédérale contre Cisco Systems et deux cadres de l’entreprise pour discrimination, harcèlement et représailles. Il accusait des responsables du au siège de Cisco à San Jose, qui emploie une main-d’œuvre majoritairement sud-asiatique, ont harcelé, discriminé et exercé des représailles à l’encontre d’un ingénieur parce qu’il est indien dalit. C’était la première fois qu’une institution américaine était tenue responsable d’une discrimination fondée sur la caste. Trois mois plus tard, le DFEH a cependant volontairement mis fin à l’affaire.
Malgré un large soutien en faveur de l’ordonnance, la Coalition of Hindus of North America s’y est cependant opposée parce qu’elle « colporte la bigoterie et singularise la communauté sud-asiatique en utilisant des tropismes racistes et coloniaux de “caste” et fait en sorte que notre communauté soit soumise à une surveillance spéciale, niant ainsi nos droits à la liberté de religion et à l’égalité de protection ». D’autres groupes de défense représentant la communauté hindoue d’Amérique du Nord, tels que la Hindu American Foundation et le Vishva Hindu Parishad of America, ont également affirmé que l’ordonnance pointait du doigt la communauté hindoue.
Pour Hindus for Human Rights, en revanche, l’ordonnance est « une victoire pour tous ceux qui sont impliqués dans la lutte pour éliminer les castes et autres formes de sectarisme de notre monde ». Mme Sawant a tweeté que « notre mouvement a remporté une victoire historique, la première dans la nation, en interdisant la discrimination de caste à Seattle ! Maintenant, nous devons construire un mouvement pour étendre cette victoire à tout le pays. »
Quelques universités américaines, dont le California State University System, le Colby College, la Brown University et la Brandeis University, ont déjà ajouté la caste comme caractéristique protégée dans leurs politiques anti-discrimination ces dernières années.