Un tir de drone de l’armée nigériane aurait accidentellement tué 85 civils ce lundi. Ce drame s’inscrit sur la longue liste des bombardements perpétrés dans le cadre du conflit qui oppose le gouvernement aux groupes armés de Boko Haram.
L’attaque a eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi dans le village de Tudun Biri, dans la région de Kaduna, au nord du pays, alors que des fidèles célébraient Maulud, une célébration religieuse commémorant l’anniversaire du prophète Mahomet.
Le gouverneur de Kaduna, Uba Sani, a déclaré via le réseau social X que des civils avaient été « tués par erreur et de nombreux autres blessés » par un drone « ciblant des terroristes et des bandits ».
« Des opérations de recherche et de sauvetage sont en cours dans la région », a‑t-il ajouté, avant d’expliquer qu’une enquête était en cours et que les blessés étaient en cours d’évacuation vers l’hôpital universitaire de Barau Dikko pour y recevoir des soins médicaux d’urgence.
Le président nigérian Bola Tinubu a quant à lui qualifié « l’incident de très malheureux, inquiétant et douloureux, et exprime son indignation et son chagrin face à la perte tragique de vies nigérianes ».
L’armée de l’air nigériane a publié un communiqué indiquant qu’elle n’avait mené aucune opération à Kaduna dans la nuit de dimanche à lundi, mais qu’elle n’était pas la seule à « opérer des drones armés de combat » dans la région.
120 personnes tuées
Le bureau nigérian d’Amnesty International a quant à lui déclaré que 120 personnes avaient été tuées lors de l’attaque, citant les rapports de ses travailleurs et bénévoles dans la région. L’ONG avait, quelques jours plus tôt, publié un communiqué réclamant justice pour les victimes de disparitions forcées dans le nord-est du pays.
« En permettant à l’armée de procéder à des milliers de disparitions forcées dans le nord-est du pays et en s’abstenant par la suite d’enquêter véritablement et efficacement sur les responsables et de les poursuivre en justice, le gouvernement nigérian a violé ses obligations internationales et régionales en matière de droits humains et n’a pas répondu aux attentes des victimes », avait alors déclaré Isa Sinusi, directeur d’Amnesty international Nigeria.
De nombreux bombardements
L’incident de Tudun Biri s’inscrit sur la longue liste des récents attentats à la bombe perpétrés contre des habitants du nord du Nigeria. Depuis 2009, le conflit entre des groupes armés, dont le Groupe sunnite pour la prédication et le djihad – couramment appelé Boko Haram – et les armées du Nigeria et de la sous-région a causé la mort d’un nombre considérable de civils. Les quelque 2,9 millions de déplacés et réfugiés de la région du lac Tchad (ONU 2020), et particulièrement du nord-est du Nigeria (plus de 2 millions de déplacés), sont nombreux à vivre dans des villes, des camps ou des enclaves contrôlées par les militaires, dans des conditions extrêmement précaires, selon Médecins sans Frontières.
La guerre entre la mouvance Boko Haram et le gouvernement s’est intensifiée en 2015 avec l’offensive de l’armée nigériane et l’aide de pays frontaliers pour chasser Boko Haram des principales villes de l’État du Borno. Tandis que l’armée nigériane continue ses opérations contre les insurgés, les groupes armés affiliés à Boko Haram poursuivent leur stratégie de terreur, en multipliant les attaques et les massacres dans la région du lac Tchad.
Entre février 2014, date à laquelle un avion militaire nigérian a largué une bombe sur Daglun, dans l’État de Borno, tuant 20 civils, et septembre 2022, plus de 14 cas documentés de bombardements de ce type ont été recensés dans des zones résidentielles par différentes ONG.
Dans un communiqué publié en juin dernier, Human Rights Watch a réclamé davantage de transparence de la part des autorités nigérianes qui ont « fourni peu d’informations et n’ont pas rendu justice pour une frappe aérienne militaire qui a tué 39 civils et en a blessé au moins 6 autres le 24 janvier 2023″.