Un accord de partenariat entre l’Union européenne et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique signé en novembre dernier est accusé de vouloir « promouvoir l’homosexualité » en Éthiopie. Près de 30 pays refusent encore de ratifier l’accord.
Le 20 juillet 2023, le Conseil européen a donné le feu vert à la signature et à l’application provisoire d’un accord de partenariat entre l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) et l’Union européenne (UE).
L’accord de Samoa, nouveau cadre juridique pour les relations de l’UE avec 79 pays (48 pays d’Afrique, 16 pays des Caraïbes et 15 pays du Pacifique) et officiellement signé le 15 novembre 2023 au Samoa, succède à l’accord de Cotonou, signé en 2000, qui a pris fin le 31 décembre 2023.
Le texte vise à renforcer la capacité de l’UE et des pays de l’OEACP à relever ensemble les défis mondiaux, incluant la démocratie et les droits de l’Homme, la croissance et le développement économiques durables, le changement climatique, le développement humain et social, la paix et la sécurité, les migrations et la mobilité.
Grâce à l’accord précédent, de nombreux pays ont bénéficié de manière significative de leur coopération avec l’UE dans divers domaines, notamment le commerce, l’investissement et le tourisme.
La Tanzanie par exemple, a reçu une aide de plus de 2,3 milliards d’euros depuis la signature du précédent accord. Cette aide a été destinée à l’exécution de divers projets de développement, liés notamment à la lutte contre les changements climatiques ou le développement du tourisme dans le pays. Les ventes de produits tanzaniens sur le marché de l’UE ont continué de croître chaque année, atteignant 891,5 millions de dollars américains en 2021.
L’Éthiopie, qui fait partie des pays signataires, a rapporté samedi dernier que l’accord devrait être approuvé par la Chambre des représentants du peuple en janvier 2024. Cependant, de nombreuses associations à travers le pays ont exprimé leur opposition au texte et lancé une pétition en ligne, expliquant que « des questions liées à l’homosexualité, au transsexualisme, à l’avortement ou encore à l’éducation sexuelle universelle seraient cachées sous couvert des droits de l’homme et d’autres expressions trompeuses contenues dans le document signé », rapporte le site d’informations éthiopien Borkena.
Selon Dereje Negash, président d’une association anti-homosexualité établie en Éthiopie et leader du mouvement d’opposition à l’accord, les termes « inclusif » et « non discrimination » utilisé dans le texte désignerait « l’incorporation de l’homosexualité, du transsexualisme, de l’adultère dans la société éthiopienne ». L’activiste anti-LGBT avait déjà fait les gros titres en 2019 lors d’une interview accordée à l’AFP concernant des thérapies de conversion visant à changer l’orientation sexuelle des homosexuels en Éthiopie.
Un accord sur le lesbianisme pour le Nigeria
L’accord de Samoa fait également beaucoup parler au Nigeria, également membre de l’OEACP, où des controverses font rage. En novembre dernier, le ministère des Affaires étrangères avait réfuté les affirmations selon lesquelles le Nigeria aurait signé l’accord.
Dans une déclaration, la porte-parole du ministère, Mme Francisca Omayuli, avait déclaré via un communiqué de presse publié sur le réseau social X que le Nigeria n’était pas présent à la signature de l’accord, expliquant que : « Les parties prenantes nigérianes étudient l’accord en vue de garantir que ses dispositions ne contreviennent pas à la législation nationale du Nigeria après que l’attention du gouvernement a été attirée sur diverses déclarations et publications sur les implications de la signature du Nigeria. »
Une coalition d’organisations de la société civile (OSC) s’était à l’époque opposée à la signature de l’accord de Samoa, avait rapporté le média nigérian The Guardian. Comme l’explique leur porte-parole dans une vidéo diffusée par la chaîne nigériane Arise News, « si les gouvernements succombent à l’intimidation de l’UE et signent l’accord sur le lesbianisme, le mariage gay, les bisexuels, transgenres et bisexuels (LGBT), cela mènerait à une catastrophe, concluant que l’accord visait à une homosexualisation » des nations.
30 pays ont refusé de signer l’accord
Près de 30 pays membres de l’OEACP ont, à ce jour, refusé de signer l’accord. La Pologne s’était au départ, elle aussi, opposée à sa signature pour protester contre certaines dispositions en faveur de la non-discrimination, des droits LGBTQ+ et de l’égalité de genre. Plusieurs autres pays africains ont également fait part de leur réticence à ratifier l’accord en raison de ses clauses relatives à la non-discrimination qui, selon eux, encouragent l’homosexualité.
L’un des passages controversés concernerait l’article 9 consacré aux droits de l’Homme : « Les parties s’engagent à promouvoir le respect universel pour les droits humains et les libertés fondamentales pour tous, sans discrimination fondée sur aucun motif y compris le sexe, l’origine social ou ethnique, la religion ou les croyances, les opinions politiques, les handicapes, l’âge ou autres statuts ».
Comme rapporté dans la présentation du texte officiel par l’UE, « certains leaders auraient expliqué qu’ils souhaitaient vérifier si l’accord était compatible avec les lois de leurs pays respectifs, notamment concernant les relations de même sexe, la santé et les droits sexuels avant de signer l’accord. Cependant, le langage utilisé concernant ces sujets ne diffère pas des autres accords internationaux déjà en vigueur. »
69 % des Éthiopiens ne veulent pas vivre à côté de personnes LGBTQ+
Les attitudes à l’égard du mariage homosexuel varient considérablement à travers le monde, selon plusieurs enquêtes du Pew Research Center menées dans 32 pays au cours des deux dernières années. Parmi les publics interrogés, le soutien au mariage homosexuel légal est le plus élevé en Suède, où 92 % des adultes y sont favorables, et le plus faible au Nigeria, où seulement 2 % le soutiennent.
L’homosexualité est criminalisée au Nigeria et en Ethiopie. La peine maximale dans les 12 États du nord du Nigeria est la mort par lapidation. Dans le sud, la peine maximale pour les relations sexuelles entre personnes de même sexe est de 16 ans d’emprisonnement. Les données publiées l’année dernière par Equaldex, une publication en ligne sur les droits LGBTQ+, révèlent également la prévalence des attitudes homophobes dans une grande partie de la société éthiopienne. Selon le rapport, 69 % des Éthiopiens ne veulent pas vivre à côté de personnes LGBTQ+ et 80 % s’opposent à l’acceptation de l’homosexualité.