Des nombreux jeunes Portugais quittent le Portugal chaque année si bien qu’aujourd’hui environ 30% des Portugais entre 15 et 39 ans vivent à l’étranger. Un phénomène en rebond après plusieurs années de baisse qui participe aussi au vieillissement de la population dans le pays.
Une étude démographique a apporté de nouvelles informations sur les défis migratoires du Portugal. L’Observatoire de l’émigration, une institution de recherche dont le siège se trouve à l’Institut universitaire de Lisbonne, a constaté que la population portugaise voyait sa jeunesse partir vers d’autres pays.
L’étude, intitulée Atlas de l’émigration portugaise, indique que 70 % des émigrants du Portugal ont entre 15 et 39 ans, des chiffres similaires à ceux du gouvernement. Mais l’étude va plus loin et estime que près d’un tiers (30 %) des jeunes Portugais vivent à l’étranger de manière permanente.
Entre 2011 et 2016, le nombre d’émigrants de longue durée en provenance du Portugal était particulièrement élevé chez les jeunes (15−39 ans). Il a atteint son maximum en 2013, avec environ 10 000 émigrants, qui se sont rendus principalement dans d’autres parties de l’Europe. Mais il a progressivement diminué pour atteindre environ 5 000 par an.
Cependant, en 2022, le nombre de jeunes émigrants a de nouveau augmenté pour dépasser les 6 000 pour l’année.
Et cet exode des jeunes Portugais coïncide avec l’augmentation du prix de l’immobilier, qui n’a eu de cesse de croître depuis 2008, qui a presque doublé entre 2016 et 2022, et qui est lui en partie due à un afflux important de résidents étrangers au Portugal.
Causes de l’exode des jeunes
La capitale du pays, Lisbonne, a accueilli des vagues de travailleurs étrangers, dont beaucoup sont des « nomades numériques ». Soucieux d’attirer davantage de travailleurs étrangers, les Portugais ont mis en place une exonération fiscale pour les nouveaux résidents du Portugal en 2009, ce qui a eu des conséquences inattendues.
En effet, le travail à distance a été particulièrement populaire à Lisbonne et à Porto, où un acheteur d’un bien immobilier sur trois est étranger. En conséquence, les prix des logements ont augmenté de manière significative.
Depuis 2021, un Portugais sur 10 est considéré comme vivant dans un logement trop petit. Et dans le même temps, la plus forte augmentation du prix des logements au Portugal fut enregistrée en 2022, avec une hausse de 12,8 %.
Par ailleurs, les salaires sont bien inférieurs au revenu nécessaire à s’émanciper puisque dans la tranche d’âge 15–39 ans, le salaire moyen est d’environ 1 000 euros par mois en 2021.
Pour aider les résidents nationaux du Portugal, l’ancien premier ministre du Portugal, António Costa, avait annoncé la suppression de l’exonération fiscale pour les nouveaux résidents étrangers du Portugal, avec effet en 2024. Il avait déclaré en 2023 que ces mesures d’aide aux immigrants non permanents « n’avaient plus de sens » et qu’elles entraînaient une « injustice fiscale » pour les ressortissants portugais.
Cette décision n’était pas sans fondement, car une étude menée par la Banque du Portugal en 2017 a conclu que les investissements étrangers dans les logements, conduisant à une augmentation du produit intérieur brut, étaient en liés à l’augmentation des prix des logements.
Cependant, elle a également admis que d’autres facteurs avaient affecté les prix du logement, tels que la modification des taux d’intérêt entraînant des comportements financiers différents.
La plupart des investissements directs étrangers dans les logements portugais proviennent de l’extérieur de l’UE. En 2022, 7 immigrants permanents sur 10 entrés au Portugal venaient de pays extérieurs à l’UE, selon l’Institut national des statistiques (INE). Le nombre d’immigrants permanents accueillis a atteint son maximum en 2022, avec 117 843 nouveaux immigrants permanents. Les groupes d’âge de 25 à 44 ans et de 65 ans et plus ont accueilli le plus grand nombre d’immigrants permanents ; le premier groupe peut être attribué aux nomades numériques, le second aux retraités étrangers qui s’établissent dans ce pays côtier.
Conséquences possibles
Une étude de la revue Envelhecimento, ciclo de vida e desafios societais réalisée par Liliana Azevedo, titulaire d’un doctorat en sociologie, s’est penchée sur le vieillissement de la population portugaise et l’a attribué aux conditions favorables à l’accueil des retraités au Portugal.
L’afflux de retraités étrangers et portugais dans les régions côtières comme l’Algarve, au Portugal, a fait passer la proportion de retraités dans le pays de 1,9 % en 2009 à 5,5 % en 2020, selon l’étude.
Ce phénomène, combiné à l’expatriation des jeunes, contribue à une population vieillissante au Portugal.
Bien que le Portugal conserve un excédent migratoire (plus de personnes qui entrent que de personnes qui sortent), le pays est toujours considéré comme un « pays d’émigration » par l’Observatoire de l’émigration. En effet, les fonds envoyés par les expatriés vers les Portugais, notamment leur famille, restent quatre fois plus important que les transferts d’argent des étrangers vivant au Portugal vers leur pays d’origine. Le Portugal est l’un des pays d’où les immigrants envoient le moins de fonds à l’étranger au monde.
Cependant, les démographes ont déjà affirmé que le Portugal était un « pays d’immigration ». En 2011, Jorge Arroteia, titulaire d’un doctorat en sciences sociales et ayant étudié l’émigration portugaise, a prédit que le Portugal devrait devenir un « pays d’immigration », comme cela s’est produit avec l’arrivée des nomades numériques.
« Je pense que le Portugal doit être et accepter d’être un pays d’immigration dans les années à venir, a déclaré Arroteia dans un entretien avec l’Observatoire de l’émigration. Mais une population immigrée qui n’est pas d’un âge avancé, mais une population qui garantit, comme cela s’est produit au Luxembourg ou en France, un rajeunissement de la population. »