De nombreux pays africains devraient enregistrer une augmentation du nombre de touristes en 2024 alors que de plus en plus de pays continuent d’ouvrir leurs frontières en assouplissant l’obligation de visas.
Selon les prédictions de L’Economist Intelligence Unit – la division de recherche et d’analyse de The Economist Group – certaines zones d’Afrique devraient figurer parmi les zones touristiques connaissant la croissance la plus rapide au monde en 2024.
Cette croissance résulterait de nombreux investissements dans le secteur, d’une forte demande pour les destinations africaines sur les marchés établis et émergents et d’un assouplissement des restrictions en matière de visas.
L’Indice d’ouverture des visas en Afrique 2023 de la Banque africaine de développement indique que 50 pays ont désormais amélioré ou maintenu leurs scores d’ouverture.
Cette augmentation a été attribuée à la multiplication des accords entre pays et, dans certains cas, entre plusieurs pays visant à supprimer ou à assouplir complètement les restrictions en matière de visa. Le Rwanda et le Kenya étant les derniers en date à supprimer complètement l’obligation de visa pour tous les voyageurs africains, rejoignant ainsi la Gambie, le Bénin et les Seychelles.
« Les Africains sont l’avenir du tourisme »
Le président rwandais Paul Kagame avait annoncé la mesure lors du 23ème sommet du conseil mondial du tourisme à Kigali, le 2 novembre 2023, déclarant que « les Africains sont l’avenir du tourisme mondial et que le Rwanda est prêt à les accueillir à bras ouverts ».
S’exprimant le 9 décembre 2023 lors du Sommet Youth Connect Africa, le président du Kenya William Ruto avait alors soutenu que l’Afrique devait abolir l’obligation de visa pour sa population, expliquant que les exigences en matière de visa avaient été imposées par les pays européens, qui les ont depuis abandonnées.
En octobre 2023, l’Angola a étendu son régime d’exemption de visa à plusieurs pays africains. En mars de la même année, le Botswana et la Namibie ont convenu d’autoriser leurs citoyens respectifs à traverser leurs frontières en utilisant simplement une carte d’identité nationale au lieu d’un passeport.
Plus tard en décembre, le Zimbabwe et le Botswana ont signé un accord autorisant leurs citoyens à séjourner jusqu’à 90 jours par an dans l’un ou l’autre pays sans avoir besoin d’un passeport, d’un visa ou d’un permis de travail. L’Ouganda et la République Démocratique du Congo ont également convenu de supprimer l’obligation de visa pour leurs citoyens respectifs. Le Soudan du Sud est passé à un régime de visa à l’arrivée pour les citoyens du Burundi et du Rwanda.
« Maintenir l’élan en faveur de la libéralisation des visas est crucial pour concrétiser la vision de l’Afrique que nous voulons. L’adoption de politiques libérales en matière de visas facilitera non seulement les voyages fluides, mais contribuera également de manière significative à l’amélioration du commerce des biens et des services, des investissements transfrontaliers et des échanges partagés », a récemment déclaré Marie-Laure Akin-Olugbade, vice-présidente du groupe de la Banque africaine de développement (BAD), chargée du développement régional, de l’intégration et de la prestation de services au quotidien kényan The Star.
Près de 10,000 demandes d’ETA au Kenya
La transition du Kenya vers un régime sans visa a vu le ministère de l’Immigration du pays recevoir près de dix mille demandes de nouvelle autorisation de voyage électronique (ETA) permettant aux ressortissants étrangers de visiter ou de transiter par le pays par voie aérienne, au cours de la seule première semaine de janvier 2024.
Une enquête de l’Institut de recherche sur le tourisme du pays montre que les ressortissants africains visitant le Kenya en 2023 ont représenté une part de 42% en 2023, contre 34% pour les Européens, 11% pour l’Amérique du Nord et 9% pour les ressortissants asiatiques, respectivement.
Les données 2023 du Bureau national des statistiques de Tanzanie indiquent que la majorité des arrivées africaines provenaient du Kenya avec 128 753 visiteurs, suivi du Burundi (69 505), de la Zambie (38 394), du Rwanda (37 269) et de l’Ouganda (28 594) – entre janvier et août 2023.
Au cours de cette période, les arrivées du Kenya ont été supérieures à celles des États-Unis d’Amérique avec 84 541 et de France, avec 72 009. Les arrivées en provenance du Burundi ont été supérieures à celles en provenance d’Allemagne (57 798), du Royaume-Uni (51 505) ou d’Italie (51 056).
Une tendance similaire a été observée en Afrique du Sud, avec des données de Statistics South Africa montrant que les touristes du reste de l’Afrique représentaient 75,8 % de toutes les arrivées, ce qui équivaut à 3,6 millions de touristes entre janvier et juillet 2023.
Supprimer les restrictions de visa ne suffit pas
Il existe cependant de nombreux autres obstacles aux échanges intra-africains au-delà des restrictions de visa. Le coût des voyages intérieurs a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années, les professionnels du tourisme suggérant qu’il freine l’immense potentiel de l’Afrique en tant que destination touristique.
Les vols intra-africains coûteraient en effet 45 % plus chers que les vols à travers le monde, selon l’Association internationale du trafic aérien (IATA).
Pour David Frost, PDG de Satsa, l’association de tourisme pour l’Afrique australe, interrogé par Travel Weekly, « des vols intra-africains abordables contribueraient à terme à la compétitivité de l’Afrique sur le marché du tourisme, renforçant ainsi sa position sur la scène mondiale. Les voyageurs seraient alors plus susceptibles de réserver des itinéraires de voyage combinés couvrant plusieurs destinations. Le maintien de notre avantage concurrentiel dépend du renforcement de la capacité aérienne du continent. »
De plus, les climats politiques rythment souvent l’agenda de l’ouverture (ou non) des frontières africaines. On peut notamment citer la récente décision du Burundi de fermer sa frontière avec le Rwanda, accusé de soutenir des groupes rebelles armés. Ce différend intervient pile deux ans après que l’Ouganda et le Rwanda ont rouvert leurs postes frontières suite à une fermeture de trois ans, provoquée par les affirmations de Kigali selon lesquelles Kampala soutenait les dissidences visant à renverser le gouvernement rwandais.
Cette semaine, l’Autorité de l’aviation civile de Tanzanie a suspendu tous les vols de passagers de Kenya Airways entre Nairobi et Dar es Salaam : une réponse au récent rejet par le Kenya de la demande de la Tanzanie d’autoriser sa compagnie aérienne, Air Tanzania Company Limited (ATCL), à opérer des vols cargo entre Nairobi et des pays tiers.
Un rapport publié en Novembre par le World Travel & Tourism Council, un forum pour l’industrie du voyage et du tourisme dont le siège se trouve à Londres, indique que les voyages et le tourisme pourraient ajouter 168 milliards de dollars à l’économie du continent et créer plus de 18 millions d’emplois au cours des 10 prochaines années. Cet objectif serait atteignable en améliorant les infrastructures de transport aérien, en facilitant la délivrance de visas et en renforçant le marketing touristique, conclut le rapport.