La coalition d’opposition a décidé de participer aux élections locales le 21 novembre surveillées par des observateurs internationaux. Mais les derniers mois montrent que la réconciliation et le processus démocratique, enchevêtrés à la politique internationale, sont encore un long chemin au Venezuela.

Le 14 novembre, le gouvernement du Venezuela a affirmé avoir neutralisé « des attaques terroristes contre les installations du Conseil national électoral qui visaient à empêcher les élections du 21 novembre ».
Le ministère de l’intérieur a ensuite déclaré que quatre individus ont été appréhendés le 12 novembre avec des engins explosifs artisanaux et des jerricans d’essence avant qu’ils ne parviennent à saboter les élections.
Le groupe aurait également été à l’origine d’une autre tentative de sabotage lors des élections législatives de 2020. Ils étaient tous liés à un certain William Ricardo Sánchez Ramos, le financier et coordinateur présumé de l’opération tout en vivant en Espagne.
Les autorités ont également mentionné que William Ramos serait lié à Ivan Simonovis et Leopoldo López, deux opposants politiques à la dictature vénézuélienne qui « financent ces cellules terroristes ».
Ivan Simonovis est un ancien prisonnier politique qui s’est échappé du Venezuela et qui vit désormais aux États-Unis. Leopoldo López est l’un des opposants politiques du régime de Maduro les plus influents, réfugié en Espagne depuis 2020. Leopoldo López est proche de Juan Guaidó, le chef de la Plateforme unitaire, une coalition d’opposition soutenue par les États-Unis.
Des appels à l’Espagne pour extrader les opposants
Nicolás Maduro a déclaré qu’il demanderait à l’Espagne d’arrêter et d’extrader le responsable de l” »attaque terroriste » présumé et le « leader du groupe terroriste ».
Si la véracité du complot démantelé reste incertaine, les accusations de terrorisme à l’encontre des opposants politiques interviennent une semaine seulement avant les élections locales auxquelles la coalition d’opposition participe après avoir été absente des deux précédents scrutins.
Mais elles interviennent également deux jours seulement après que l’Espagne a accepté l’extradition d’Adrián Velásquez, l’ancien chef de la sécurité d’Hugo Chavez, vers les États-Unis.
Et les récentes extraditions vers les États-Unis mettent le Venezuela en colère.
Un système de corruption d’un milliard de dollars impliquant le gouvernement du Venezuela
Le 14 octobre, l’Espagne a également autorisé l’extradition de la femme d’Adrián Velásquez, Claudia Diaz, vers les États-Unis. Ancienne infirmière d’Hugo Chávez de 2003 à 2011, elle a également été trésorière nationale du Venezuela entre 2011 et 2013.
Le couple a été arrêté en décembre 2020 à la demande des États-Unis mais ils avaient déjà été arrêtés en 2018 pour des accusations de corruption et de blanchiment d’argent à la demande du Venezuela après que leurs noms soient apparus dans le scandale des Panama Papers. L’Espagne avait refusé leur extradition en raison d’inquiétudes au sujet de leur sécurité et une « possible violation des droits fondamentaux » s’ils étaient renvoyés au Venezuela.
Les deux Vénézuéliens sont accusés d’avoir participé à un système de corruption et de blanchiment d’argent impliquant l’homme d’affaires Raúl Gorrín Belisario.
Ils sont soupçonnés d’avoir profité d’un taux de change préférentiel avec le dollar géré par le gouvernement vénézuélien.
Selon l’acte d’accusation du tribunal de district de la Floride du sud, Raúl Gorrín Belisario aurait « versé des centaines de millions de dollars en pots-de-vin pour s’assurer le droit de réaliser des opérations de change pour une valeur de plus d’un milliard de dollars et qui ont généré des centaines de millions de dollars de bénéfices » entre 2008 et 2017.
Par l’intermédiaire de son mari, M. Belisario aurait soudoyé Claudia Diaz pour environ 65 millions de dollars entre 2011 et 2013 avec des virements sur des comptes bancaires suisses, des yachts, des montres de luxe, des manoirs et une marque de vêtements aux États-Unis.
L’Espagne enquête également sur l’achat d’une propriété de 1,8 million d’euros dans le centre de Madrid provenant de fonds suisses.
Le prédécesseur de Claudia Diaz au Trésor national du Venezuela, Alejandro Andrade, a plaidé coupable de trafic de devises et de blanchiment d’argent. Il a été condamné à 10 ans de prison et à la confiscation de tous ses biens impliqués dans ce système de corruption. Il avait reçu plus d’un milliard de dollars en pots-de-vin.
Mais à la mi-octobre, une autre extradition a rendu le régime Maduro furieux.
Alex Saab extradé vers les États-Unis
Le 16 octobre, Alex Saab, un homme d’affaires d’origine colombienne accusé d’avoir eu recours à un système de corruption similaire, a été extradé vers les États-Unis. Il avait été arrêté au Cap-Vert en juin 2020 lors d’une escale entre l’Iran et le Venezuela.
Alex Saab est accusé avec un autre homme d’affaires colombien, Alvaro Pulido Vargas alias German Enrique Rubio Salas, d’avoir obtenu un contrat avec le gouvernement vénézuélien en novembre 2011 pour construire des logements à loyers modérés.
Il aurait ensuite profité du programme de taux de change préférentiel du gouvernement et aurait corrompu des hauts fonctionnaires pour qu’ils approuvent des documents d’importation de biens et de matériaux qu’il n’importera jamais.
Le ministère américain de la Justice affirme que MM. Saab et Pulido ont transféré environ 350 millions de dollars du Venezuela sur des comptes bancaires américains.
Il y a deux semaines, 7 des 8 chefs accusations contre Alex Saab ont été rejetées dans le cadre d’un accord entre les États-Unis et le Cap-Vert. Le 15 novembre, Alex Saab a plaidé non coupable des accusations de blanchiment d’argent pendant que son avocat le présentait comme un « diplomate de la République bolivarienne du Venezuela ».
Le 21 octobre, Alvaro Pulido Varga a également été inculpé avec 4 autres personnes pour avoir obtenu des contrats d’importation et de distribution de caisses de nourriture et de médicaments surévalués et pour avoir payé des pots-de-vin dans le but de s’enrichir. Environ 1,6 milliard de dollars ont été reçus de la République du Venezuela, et 180 millions de dollars ont été transférés sur des comptes bancaires américains.
Fin des discussions avec l’opposition après l’extradition d’Alex Saab
Alors que les États-Unis minimisaient l’impact politique de l’extradition, justifiant que leur système judiciaire était totalement indépendant de toute considération politique, le Venezuela a rapidement réagi à l’extradition.
Le régime de Maduro affirme qu’Alex Saab a été arrêté et détenu illégalement parce qu’il est un représentant du Venezuela.
Quelques heures après l’extradition d’Alex Saab, le Venezuela emprisonné 5 Américains et un cadre local d’une compagnie pétrolière jusqu’alors assignés à résidence.
De plus, le Venezuela a décidé d’arrêter les négociations avec la coalition d’opposition.
En août, le gouvernement vénézuélien et la Plateforme unitaire du Venezuela, une coalition d’opposition récemment formée et dirigée par Juan Guaidó, avaient décidé d’entamer des négociations en vue d’un accord sur une solution conjointe à la crise dans le pays.
Avec plus de 5,4 millions de Vénézuéliens qui ont fui leur pays depuis 2015, ils représentent la deuxième plus grande migration humaine forcée au monde après celle causée par la guerre civile syrienne.
Et les discussions supervisées par la Norvège qui se déroulent à Mexico ont apporté quelques espoirs de progrès avant les élections provinciales, municipales et des conseils locaux.
La participation d’une coalition d’opposition aux élections locales 2021
En avril, le Conseil national électoral a réhabilité la Table de l’unité démocratique en tant que parti politique national.
Et fin août, avec le soutien de la Plateforme unitaire, la coalition de la Table de l’unité démocratique a pu annoncer son intention de participer aux élections du 21 novembre.
La coalition des partis politiques d’opposition n’avait pas participé aux élections législatives de 2020 ni aux élections présidentielles de 2018.
L’opposition souhaitait avoir des observateurs internationaux pour les élections.
Ainsi, l’Union européenne enverra jusqu’à 100 observateurs au Venezuela pour la première fois depuis 2006 afin d’évaluer le déroulement des élections. Le Carter Center a également envoyé une mission internationale restreinte d’experts électoraux à Caracas pour superviser les principaux aspects du processus électoral.
L’équipe d’observation de l’Union européenne et le Carter Center publieront leurs rapports et recommandations quelques semaines après les élections.
Alors que les discussions progressaient, le Pérou avait salué « l’appel à des élections justes, libres et démocratiques » au Venezuela en septembre.
Et l’avenir du Groupe de Lima, un consortium de pays américains formé dans la capitale péruvienne et destiné à surmonter la crise institutionnelle au Venezuela, a commencé à être remis en question après le départ de l’Argentine ou la reconnaissance par le Mexique de la légitimité du régime de Maduro.
Mais le Venezuela a décidé de mettre fin aux discussions après l’extradition d’Alex Saab. « Nous accusons le gouvernement [de Colombie] d’Iván Duque, les États-Unis et l’extrême droite vénézuélienne irrationnelle comme Leopoldo López, Juan Guaidó, Carlos Paparoni pour la fin des discussions », a déclaré le chef de l’équipe de négociation du côté de M. Maduro.
Une équipe de surveillance en ligne pendant la campagne électorale
Lorsque la campagne électorale a commencé, le ministre des Communications du Venezuela a annoncé vouloir créer une « équipe de surveillance » sur les réseaux sociaux.
Sans fournir de détails opérationnels, il a « invité les entreprises de réseaux sociaux à maintenir un équilibre dans l’information, afin d’offrir une couverture égale et un traitement similaire des messages provenant des candidats et de leurs organisations », ce qui pourrait être perçu comme une manière de vouloir contrôler la liberté d’expression dans un pays qui n’obtient que 28⁄100 dans le rapport Freedom on the Net.
Le 11 novembre, un jour avant le démantèlement des attaques terroristes présumées, le secrétaire d’État Anthony Blinken a estimé que « le régime Maduro continue de nier le droit des personnes à choisir leurs propres dirigeants ».
En septembre, le président de la Colombie, et opposant notoire de Nicolás Maduro, est resté sceptique quant aux discussions tant qu’il n’y aurait pas d’élections présidentielles « libres et transparentes ».
Les prochaines élections présidentielles au Venezuela se tiendront en 2024, avec encore un long chemin à parcourir en vue d’une réconciliation et la démocratie.