L’invasion russe ne menace pas seulement la vie de 39 millions d’Ukrainiens. Une récente étude montre qu’elle bouleverse également la biodiversité, et plus particulièrement, les aigles criards. Le front et les tirs d’artillerie modifient la migration de cette espèce en danger, en plus de produire des dégâts irréversibles sur l’environnement.
Une espèce animale proche de l’extinction est affectée par les combats russo-ukrainiens. Il s’agit de l’aigle criard, qui fait halte en Ukraine tous les ans avant de pondre ses œufs en Biélorussie. Mais les combats affectent leur zone migratoire, ce qui force 15% de la population totale d’aigles criards à changer d’itinéraire.
85 kilomètres de détour en moyenne
Les oiseaux dévient de 85 km en moyenne pour éviter les dangers de la guerre comme les tirs d’artillerie ou la concentration des troupes au front, d’après une étude menée par des chercheurs britanniques et estoniens. En changeant les lieux de leurs escales lors de ces 55 heures de vols supplémentaires en moyenne, les oiseaux risquent de s’épuiser et surtout de ne pas pouvoir nourrir leurs petits en Biélorussie car leurs proies auront déjà migré autre part.
« Je pense que le conflit en Ukraine perturbe fondamentalement l’écologie migratoire de cette espèce. Pour une espèce vulnérable comme celle-ci, tout ce qui interfère avec la nidification est un gros problème », assure Jim Reynolds, professeur d’ornithologie et de conservation des animaux à l’Université de Birmingham.
Les scientifiques, qui suivent la migration de l’espèce par GPS depuis 2017, ont publié leur étude dans la revue scientifique Current Biology et expliquent que l’activité militaire perturbe le déroulement de la nidification et la reproduction des oiseaux, et « menace la population en déclin ».
Il y aurait à ce jour entre 3 900 et 10 000 aigles criards dans le monde, une espèce classée comme vulnérable sur la liste de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
« La guerre en Ukraine a un impact dévastateur sur les personnes et l’environnement. Nos résultats fournissent un aperçu rare de la façon dont les conflits affectent les animaux dans la nature », a déclaré Charlie Russell, auteur principal de l’étude et chercheur à l’Université d’East Anglia à Norwich.
L’environnement, une victime collatérale de la guerre
Les conflits armés sont des perturbations d’origine humaine extrêmes pour les espèces animales.
Une étude publiée en 2009 dans le Society for Conservation Biology montre que deux tiers des zones à risque pour la biodiversité ont connu des conflits importants entre 1950 et 2000.
Tant pour les animaux que pour les humains, les zones contenant des restes de munitions non explosées sont très dangereuses. Aujourd’hui, 30% du territoire ukrainien est dans ce cas.
Les dégâts environnementaux de la guerre en Ukraine, qui étaient évalués à 56 milliards de dollars début 2024, impactent plus de 6 millions d’Ukrainiens forcés fuir le pays mais la population qui est restée pourrait témoigner de la dégradation de la nature, notamment par les incendies.
Souvent provoqués par des bombardements, les incendies ont libéré en une seule année 17 millions de tonnes de CO2 et ont émis des particules fines et de nombreuses substances toxiques dans l’air. L’Ukraine avait d’ailleurs accusé la Russie en début de conflit d’avoir fait usage des bombes incendiaires au phosphore blanc.
Au total, l’invasion russe serait responsable depuis 2022 de l’émission d’au moins 150 millions de tonnes de CO2, plus que ce que rejette un pays industrialisé comme la Belgique en un an.