En Suède, des zones limitant la pêche au chalut pour permettre le renouvellement des stocks de poisson se sont avérées fausses pendant 20 ans. Elles ont été rapprochées des terres au lieu d’en être éloignées, sans qu’aucune explication ne puisse être donnée.

La Suède est agitée par un mystère entourant sa pêche depuis le 3 mai, quand Sveriges Natur, le magazine de la Société suédoise pour la protection de la nature, alerté d’une erreur vieille de 20 ans.
La limite établie pour protéger les poissons menacés par la surpêche fut modifiée dans le mauvais sens. Plus proche du littoral, elle étend la surface de pêche plutôt que de la restreindre. Au total, 330 km2 de mer n’ont pas pu être protégés à cause de cet écart.
Cette erreur a été constatée sur la côte de Halland, dans le Kattegat, le détroit à l’ouest de la Suède qui la sépare du Danemark. Cette zone maritime faisait l’objet d’un accord entre les deux pays voisins datant de 1932 sur le partage de leur zone de pêche.
« Dans le Kattegat, les pêcheurs de chaque pays ont le droit de pêcher jusqu’à une distance de trois milles marins de la côte de l’autre pays », stipule l’accord.
Lorsque l’Agence suédoise pour la gestion de la mer et de l’eau avait décidé, en 2004, de réduire les aires de pêche en les éloignant de la côte, cette zone fut traitée différemment à cause de cet accord. Cependant, l’enquête menée par Sveriges Natur a révélé qu’il n’existait aucune documentation expliquant pourquoi la nouvelle limite concernant le Kattengat avait été établie à cet endroit.
« Le littoral ou le rivage utilisé pour tracer la limite du chalutage dans le Kattegat n’est documenté nulle part à l’Agence suédoise pour la gestion de la mer et de l’eau, à l’exception d’un projet avec des lignes de crayon et des trous de compas sur une carte marine à laquelle Sveriges Natur a eu accès » déclare le magazine.
La limite précédente, fixée en 1993, ne figurait pas non plus sur la carte, alors qu’elle devait être la référence pour cette modification.
C’est donc une décision arbitraire qui aurait délimité la zone de pêche au chalut, une méthode de pêche qui piège un maximum de poissons dans de grands filets traînés derrière un bateau. En Suède, 73% des poissons capturés en 2021 l’étaient de cette manière.
Une crise du poisson en Suède
En Suède, le hareng et le cabillaud sont mis en danger par la surpêche.
Les captures de hareng ont drastiquement baissé, passant de 45 400 tonnes pêchées en 1993 à 3 055 tonnes en 2021. Jan Isakson, le directeur du Secrétariat de la pêche, parle d’effondrement des stocks de cabillaud, après la sortie d’un rapport détaillé sur la situation en mer Baltique.
« Il n’y a pas que le cabillaud qui est en jeu. C’est un prédateur au sommet de la mer, et sa disparition aura des répercussions sur l’ensemble de l’écosystème de la mer Baltique », explique Jan Isakson.
Bien que l’installation de limites de chalutage soit un bon point, des mesures plus efficaces restent nécessaires d’après l’Université suédoise des sciences agricoles car la population de poisson ne se reconstitue pas rapidement. Au Canada, en Terre-Neuve, les stocks de cabillaud ne se sont par exemple toujours pas rétablis depuis leur effondrement en 1992 malgré les mesures qui ont été prises par le pays.
« Les quotas de pêche doivent également être réduits, en particulier en mer Baltique », explique Stina Tano de la Société suédoise pour la protection de la nature. Cette organisation préconise des mesures plus efficaces dont le respect véritable des limites de chalutage.
En effet, il reste possible de pêcher au chalut à l’intérieur de la zone protégée, sous certaines conditions. En 2021, près de 9 % de toutes les prises des chaluts suédois dans les eaux suédoises venaient de l’intérieur des zones protégées d’après les chiffres de la plus grande organisation environnementale en Suède. De quoi remettre en question l’utilité d’une telle limite.
Suite à l’enquête, une modification de la ligne de chalutage par l’Agence suédoise pour la gestion de la mer et de l’eau sera effectuée au printemps en mer Baltique et en automne dans le Kattegat. Mais cette fois-ci, la zone protégée sera définie numériquement.