La compagnie pétrolière publique bolivienne étend ses projets à de nouvelles zones d’exploration afin de reconstituer les réserves de gaz naturel. Mais malgré la diminution de la production et des déclarations alarmistes du président bolivien, l’entreprise assure que la Bolivie ne sera pas confrontée à une pénurie de gaz. Avec en toile de fond une lutte pour le leadership politique en vue des élections générales de 2025.

Le 28 avril, le président de la Bolivie, Luis Arce, a fait des déclarations controversées sur les réserves de gaz naturel du pays, affirmant qu’elles étaient « épuisées ». Des commentaires qui ont suscité des critiques de la part de l’opposition, en particulier de l’ancien président et leader du Mouvement socialiste (MAS), Evo Morales.
Le gaz naturel est le principal produit d’exportation de la Bolivie. Et le récent déclin de sa production a créé un environnement politique confus alors que la Bolivie continue d’exporter plus de 20 millions de mètres cubes de gaz par jour vers le Brésil et 13,1 millions de mètres cubes par jour vers l’Argentine.
Cependant, le président de la société pétrolière d’État bolivienne (YPFB), Armin Dorgathen Tapia, a insisté la semaine dernière qu’il n’y aura pas de pénurie de gaz, même si la production diminue. La production reste trois fois supérieure à la demande intérieure, ce qui est suffisant pour couvrir ses engagements d’exportation.
La demande intérieure se maintient à 12–13 millions de mètres cubes par jour. Et avec une production totale de 40 millions de mètres cubes par jour, les excédents répondent aux demandes du Brésil et de l’Argentine, les principaux importateurs du gaz bolivien.
Le plan de relance de l’exploration gazière
Mais l’entreprise mène en parallèle un plan de relance de l’exploration gazière depuis 2021, qui vise à développer 36 projets exploratoires dans les départements de Santa Cruz, Tarija, Chuquisaca, Cochabamba, La Paz et Pando.
Ce plan vise à augmenter la production d’hydrocarbures et à rétablir les réserves de gaz, avec certaines zones ayant déjà donné des résultats concluants. « En 2022, nous nous sommes renforcés, nous avons commencé à forer et à mener des études. Notre PRU envisage également la réactivation de champs matures, qui sont déjà en production », a expliqué M. Dorgathen. Huit de ces installations sont entrées en production avec succès.
Mais le plan ne se limite pas à l’exploitation des gisements connus. Pour garantir un approvisionnement à long terme, des zones non traditionnelles sont également explorées, comme deux bassins à Subandino Norte et Madre de Dios, dans le nord du pays. « Nous sommes à la recherche d’un nouveau bassin d’hydrocarbures », a confirmé M. Dorgathen lors d’une conférence de presse. Bien qu’il faille attendre plusieurs années avant que l’effet de ces nouveaux bassins sur la production soit connu, il a indiqué qu’une découverte importante en matière d’hydrocarbures sera portée à la connaissance du public d’ici la fin juin.
Le gouvernement continue de développer une politique d’extraction de ses ressources naturelles avec des projets d’exploration dans d’autres domaines comme la production de carbonate de lithium et de chlorure de potassium afin de générer des revenus d’exportation. La production de ces filières a atteint des chiffres records en 2023.
La « mer de gaz » de la Bolivie
L’ex-président Evo Morales a critiqué le gouvernement d’Arce pour son « manque de sérieux » face à la situation après que le président a fait des déclarations publiques semblant exagérer les difficultés causées par la baisse de la production de gaz naturel.
Mais M. Dorgathen a défendu la position de M. Arce dans le cadre de la politique de transparence du gouvernement, affirmant qu’il était « tout à fait vrai » que la production diminuait, mais que les réserves de gaz étaient néanmoins suffisantes pour couvrir les demandes internes et externes.
En 2016, la Bolivie produisait 56,6 millions de mètres cubes par jour générant 1,8 milliard de dollars par an. Cependant, en 2023, la production avait chuté à 31,9 millions de mètres cubes par jour, avec un revenu de 2 milliards de dollars par an.
YPFB a indiqué que, bien qu’une pénurie ne soit pas attendue, des projets exploratoires auraient dû être lancés dès 2015, sous le gouvernement de Morales, car cela aurait placé la Bolivie dans une position nettement plus avantageuse.
L’actuel président a insisté sur l’utilité des prêts gouvernementaux pour entreprendre les travaux d’exploration et s’assurer que le pays puisse continuer à exporter du gaz. Mais le président Arce a reproché aux législateurs partisans de M. Morales de refuser d’approuver les prêts au gouvernement pour bénéficier des fonds nécessaires.
Le ministre de l’économie a également pointé du doigt M. Morales d’avoir agi de manière irresponsable lorsque qu’il a affirmé, à l’époque de sa présidence, que la Bolivie disposait d’une « mer de gaz » suffisante pour approvisionner toute la région, créant ainsi des attentes irréalistes.
Lutte politique à l’approche des élections générales de 2025
Mais les critiques de l’ancien président Morales à l’égard de M. Arce ne concernent pas uniquement le secteur de l’énergie.
Elle reflètent des querelles politiques plus générales au sein du mouvement socialiste qui menacent la stabilité du parti à l’approche des élections générales de 2025, pour lesquelles les deux candidats cherchent à se faire réélire président.
Lors de sa mandature, Morales a façonné la scène politique bolivienne. Il a fondé le MAS et est responsable de l’adoption d’une nouvelle constitution en 2009, ainsi que de l’expansion du contrôle de l’État sur le secteur de l’énergie. Mais sa tentative de briguer un quatrième mandat en 2019 avait été source de polémiques et il fut contraint de quitter le pays à la suite d’un mouvement qu’il qualifia de coup d’État.
L’ancien président est revenu d’un exil temporaire lorsque Luis Arce est arrivé au pouvoir en 2020.
Mais Evo Morales représentait désormais une menace pour le gouvernement, qui craignait qu’un manque de cohésion de la gauche bolivienne ne puisse bénéficier à la droite. Morales fut interdit de se présenter aux élections, ce qui a déclenché des manifestations dans tout le pays.
Mais l’interdiction ne l’a pas empêché d’annoncer sur son compte X en septembre dernier qu’il se présenterait à l’élection présidentielle, même si les souvenirs de l’instabilité de 2019 rendent à ce jour Luis Arce le favori pour 2025.