De récents sondages indiquent qu’une majorité d’Américains n’est pas favorable à la réélection de Joe Biden en novembre. Etant donné son âge et la baisse de sa cote de popularité, l’occasion semblait idéale pour un candidat plus jeune de briguer la présidence. Pourquoi aucune figure politique n’a-t-elle émergé ces dernières années au sein du parti démocrate pour se présenter à la place de Biden ?

À l’approche des prochaines élections américaines en novembre prochain, les présidents Joe Biden et Donald Trump sont tous deux confrontés à des inquiétudes liés à leur âge, à des problèmes juridiques pour M. Trump et à une baisse notable de sa cote de popularité pour M. Biden. Malgré ces difficultés, il y a eu une résurgence entre les deux rivaux lors des primaires, soulignant ainsi un manque de renouvellement qui laisse de nombreux électeurs peu inspirés.
Le président Biden, avec seulement 39 % d’opinions favorables et une augmentation des inquiétudes liées à l’âge, a vu la confiance de son électorat s’effriter, ce qui a permis à Trump de prendre la tête des sondages. Néanmoins, il a réussi à obtenir des centaines de délégués lors des primaires, révélant que son parti est déterminé à soutenir sa candidature.
Après avoir remporté les quatre États de New York, Rhode Island, Connecticut et le Wisconsin le 12 mars dernier lors du « Super Tuesday », l’une des dates les plus importantes du calendrier politique américain, les deux candidats ont accumulé suffisamment de délégués pour sécuriser leurs candidatures de manière très rapide.
Les démocrates ont ainsi souhaité jouer la prudence dans leur quête d’un candidat pour vaincre Trump une deuxième fois.
Un processus de nomination compliqué
Dans une interview accordée à Newsendip, la consultante en stratégie politique démocrate Na’ilah Amaru explique qu’il est courant que les membres de son parti soutiennent le président en raison de son statut de sortant, surtout s’ils estiment qu’il fait un bon travail durant son mandat.
En tout état de cause, il serait de toute manière impossible d’un point de vue logistique de présenter un autre candidat à ce jour.
Le président Biden a remporté suffisamment de délégués pour décrocher l’investiture démocrate, et il est le seul à pouvoir décider s’il se retire. Étant convaincu qu’il représente la meilleure chance pour les démocrates de vaincre Donald Trump, la probabilité qu’il se retire volontairement est très faible. Et en ayant gagné plus de 3 300 délégués, il y a peu de raisons de penser le contraire.
Le processus des primaires lui-même comporte de nombreux obstacles qui seraient insurmontables pour de nouveaux candidats. Dans deux États, les dates limites pour figurer sur le bulletin de vote sont déjà dépassées, et le processus exige des formalités administratives, des frais élevés et des centaines, voire des milliers, de signatures.
À la fin du mois de mars, la campagne de réélection de Joe Biden avait recueilli 128,7 millions de dollars, dépassant celle de M. Trump, ce que les analystes considèrent comme une preuve de soutien au sein de son parti.
Mme Amaru a également indiqué que si M. Biden devait se retirer, « ce serait le chaos absolu à la convention nationale démocrate » en août, car les candidats en lice essaieraient de faire valoir leurs arguments pour obtenir les 4 000 délégués restants qui ne seraient plus engagés en faveur de M. Biden. Toutefois, ce scénario reste très improbable.
Le pouvoir du président sortant
La complexité du processus des primaires a donc dissuadé les candidats potentiels de se mesurer à M. Biden. Mais si un autre candidat s’était présenté plus tôt, leurs perspectives n’auraient pas été beaucoup plus ouvertes.
L’histoire récente des États-Unis a montré que se présenter contre un président sortant au sein de son parti politique était de l’ordre de l’impossible. Aucun président en exercice n’a perdu l’investiture de son parti face à un candidat aux primaires, et une telle tentative a généralement des conséquences désastreuses pour le parti. Le duel acharné de Ted Kennedy contre Jimmy Carter lors des primaires a contribué à la défaite du parti démocrate lors de l’élection présidentielle de 1980.
Se présenter contre un président en exercice diviserait et affaiblirait également le parti. « Le parti démocrate privilégie l’unité », explique l’analyste politique. D’autres candidats potentiels « choisissent donc de ne pas défier Joe Biden afin de maintenir la cohésion du parti et de se concentrer sur le soutien de son programme », ajoute-t-elle, soulignant l’importance de l’alignement des politiques.
Les nouvelles figures du parti ont donc les yeux rivés sur les élections de 2028 pour maximiser leurs chances de remporter une candidature. Selon Mme Amaru, un soutien public se fait toujours avec un objectif et à ce jour, il est « plus facile de travailler au sein de l’administration ou de se positionner dans d’autres rôles de leadership ».
Les membres du parti démocrate comme Pete Buttigieg, Gavin Newsom, Josh Shapiro et Gretchen Whitmer, ont tous démontré leur loyauté envers M. Biden.
Gavin Newsom, en particulier, profite de cette élection pour se faire connaître en tant que fidèle partisan de Biden, en lançant des attaques très médiatisées contre le gouverneur de Floride Ron DeSantis en lieu et place du président, en lui rappelant qu’il avait perdu 41 points dans son propre État après avoir participé à un débat télévisé. Il se positionne et se fait ainsi connaître des électeurs démocrates en vue d’une campagne 2028.
L’impact de l’hyperpolarisation
Bien que la cote de popularité de Joe Biden soit faible, il est important de la replacer dans le contexte d’une période d’hyperpolarisation, qui affecte les campagnes des deux camps.
Mme Amaru, qui fut conseillère politique de l’ancien maire d’Atlanta, Kasim Reed, et assistante législative du député démocrate John Lewis, estime que les candidats doivent s’aligner sur la position de leur base électorale sur l’échiquier politique. Bien que les positions les plus radicales aux sein des deux partis puissent être souvent amplifiées, la majorité des États-Unis se situe au centre de l’échiquier politique.
Et Isabella Brown, directrice de Qualify Candidates, une organisation qui assiste les candidats lors d’élections locales, suggère que M. Biden, en tant que démocrate plus modéré doté d’une grande expérience, est susceptible d’attirer une plus grande part d’électeurs démocrates.
Dans ce climat politique, Mme Amaru affirme qu’il existe une « perception selon laquelle la seule personne capable de battre un vieil homme blanc est un autre vieil homme blanc ». Elle affirme pourtant que, sur la base de son expérience sur le terrain et de directrice exécutive du groupe de représentation des populations noir, latino et asiatique du conseil municipal de New York, cette conception est erronée.
Elle souligne que la prochaine élection présidentielle met en évidence une incapacité systémique des deux partis à assurer un renouvellement et à faire ressortir des talents émergents. Mais elle scrutera les actions du Parti démocrate après l’élection pour qu’il « construise un banc politique qui reflète davantage la société américaine ».