Société

La Cour constitutionnelle de Colombie interdit la pêche sportive

La Cour constitutionnelle de Colombie considère que la pêche sportive est inconstitutionnelle en raison de la cruauté animale et du principe de précaution.

canne à pêche
© Laura Stanley

La Cour constitutionnelle de Colombie a jugé le 2 mai que la pêche sportive était inconstitutionnelle car elle constitue une forme de cruauté envers les animaux. Elle applique également un principe de précaution.

La Cour estime que la pêche sportive, même en no-kill c’est à dire en relâchant le poisson vivant, viole le principe de précaution ainsi que l’interdiction de maltraiter les animaux, et qui par conséquent fait qu’elle “doit être exclue du système juridique”. La décision a été adoptée par huit voix pour et une voix contre. L’inconstitutionnalité prendra effet dans un an.

Il existe un mandat constitutionnel pour la protection de l’environnement en Colombie. Les exceptions à l’interdiction de la souffrance animale ne sont accordées que pour des raisons religieuses, alimentaires, culturelles ou scientifiques, et la Cour considère que la pêche sportive ne fait pas partie de l’une de ces exceptions.

La décision a également été prise en excluant la question de savoir si les poissons sont des êtres sensibles ou non en appliquant le principe de précaution. Pour la Cour, il n’est pas possible de connaître avec “une certitude absolue les conséquences dommageables de la pêche sportive, en termes de protection et de bien-être des animaux, ni l’impact sur les ressources hydrobiologiques”. Toutefois, elle constate qu’il existe “des informations scientifiques pertinentes qui nécessitent d’éviter les impacts négatifs sur ces animaux et leur environnement”, concluant que “l’exclusion de l’activité doit être privilégiée”.

Cependant, ce principe de précaution appliqué sur le fait que les poissons soient des êtres sensibles a soulevé quelques commentaires de la part des juges.

En 2019, la Cour constitutionnelle a jugé que la chasse dans un cadre de loisir était inconstitutionnelle en raison de la cruauté animale. Mais il n’y avait pas de principe de précaution en jeu au sujet la sensibilité des animaux.

Pour le juge José Fernando Reyes, la décision actuelle a un défaut sur un point essentiel : elle ne prend en compte la sensibilité des poissons que dans les cas de pêche récréative, de loisir ou de tourisme. Tous les types de pêche ne sont pourtant pas interdits puisque la pêche reste autorisée à des fins commerciales, de subsistance, scientifiques, de conservation ou de contrôle.

Le juge Jorge Enrique Ibáñez, qui a voté en faveur de l’interdiction de la pêche de loisir, a par ailleurs estimé que “la vie d’un animal est plus protégée que celle de l’espèce humaine qui est sur le point de naître”. La juge Cristina Pardo, la seule à avoir voté contre l’interdiction, a avancé le même argument : elle serait en contradiction avec la position de la Cour sur la dignité humaine, en faisant référence à la dépénalisation de l’avortement.

En février, la Cour constitutionnelle de ce pays où le catholicisme est très présent a décriminalisé l’avortement jusqu’à 24 semaines de grossesse dans une décision historique mais difficilement adoptée. Mais pour les deux juges, il serait incohérent de considérer les poissons comme des êtres sensibles sur la base du principe de précaution et de ne pas appliquer le même principe pour un fœtus de 24 semaines.

La Colombie, seul pays d’Amérique du Sud avec des côtes dans les océans Pacifique et Atlantique et qui a de nombreux fleuves traversant une grande diversité d’écosystèmes, est une destination populaire pour la pêche touristique internationale.

Dans une interview accordée à El Espectador, le directeur de l’Association colombienne de la pisciculture et de la pêche estime que l’interdiction aurait des conséquences économiques, notamment pour certaines communautés rurales et indigènes qui travaillent avec le tourisme de la pêche. Il estime par ailleurs qu’interdire la pêche en no-kill serait préjudiciable à la conservation de nombreuses espèces animales. Il est probable que les personnes trouveraient un moyen de contourner l’interdiction. Dans la pêche récréative, nombreux sont ceux qui mangent encore le poisson qu’ils ont pêchés.

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Source
Writ Petition (Civil) No. 607 of 2021, Cour suprême, Mai 2022, Accès libre, PDF

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