En Norvège, les craintes d’une invasion de saumons roses à bosse en 2023

4 minutes de lecture
7 février 2022

La population de saumons roses à bosse en Norvège a augmenté de façon considérable ces dernières années, au point qu’il pourrait y avoir dix fois plus de poissons en deux ans, menaçant ainsi l’existence du saumon atlantique local.

Saumon rose à bosse
Un saumon rose avec une bosse lors de la période de reproduction

Le saumon rose est considéré comme une espèce envahissante en Norvège. Le pays tente de limiter sa population au plus bas niveau possible. Pourtant, ce poisson est prisé dans d’autres d’autres régions du monde.

Saumon du Pacifique, saumon russe, saumon rose, saumon à bosse, l’espèce porte de nombreux noms.

Ils sont originaires de l’océan Pacifique mais ont été introduits de 1956 à 1998 dans la péninsule de Kola en Russie. Puis ils ont commencé à apparaître dans les eaux norvégiennes dans les années 1960.

Le saumon rose n’est pas très doué pour retrouver son chemin pour frayer, mais seules quelques centaines de saumons à bosse avaient été recensées dans les eaux douces norvégiennes jusqu’en 2015. Ensuite, la population a commencé à augmenter de façon spectaculaire.

Une espèce exotique envahissante qui menace le saumon de l’Atlantique

Selon les statistiques officielles de la Norvège, 111 700 saumons roses à bosse, ce qui représente environ 191 tonnes, ont été capturés et tués dans les rivières norvégiennes en 2021. Seuls 13 900 saumons avaient été signalés en 2019, année où les prises de l’espèce ont commencé à être officiellement comptées.

La capture de ces 100 000 poissons est surtout le résultat de volontaires répartis sur plusieurs dizaines de rivières du Finnmark, la région la plus septentrionale de Norvège qui partage ses frontières avec la Finlande et la Russie, durant l’été 2021 pour éviter que les poissons ne se reproduisent.

La Direction norvégienne de la pêche a reçu 1 million de couronnes norvégiennes (112 000 dollars) dans le cadre d’une mesure d’urgence visant à lutter contre le saumon rose à bosse, mais les bénévoles pensent que l’investissement du gouvernement ne sera pas suffisant lorsqu’ils reviendront en 2023.

Le saumon à bosse a un cycle de vie de deux ans. Ils sont présents en cohortes d’années paires ou impaires et les poissons partageant les mêmes frayères sont complètement distincts tant sur le plan de la reproduction que de la génétique.

La Norvège voit une grande nombre de poissons revenant frayer pendant les années impaires.

Et selon le biologiste Rune Muladal de l’entreprise de conseil environnemental Naturtjenester, il pourrait y avoir jusqu’à 1 million de saumons roses en 2023, rapporte NRK. L’estimation est établie avec beaucoup d’incertitudes mais si elles s’avère correcte, il y aurait alors dix fois plus de saumons roses en 2023 qu’en 2021.

Pink salmon
© Totti

Le saumon rose à bosse se décompose dans les rivières norvégiennes

Les saumons du Pacifique grandissent vite. Plus vite que le saumon d’élevage.

En mer, ils ressemblent aux saumons de l’Atlantique, sauf que leur queue est tachetée. Mais lorsqu’ils reviennent frayer en eau douce, l’apparence physique des mâles est complètement transformée et une bosse commence à se former sur la partie dorsale.

Après avoir frayé, les poissons ne retournent pas en mer mais meurent et finissent par se décomposer dans l’eau douce.

Et les locaux se sentent envahis par le saumon à bosse.

Alors que les poissons pourrissent dans les rivières norvégiennes, certains biologistes comme Rune Muladal s’interrogent sur l’impact environnementales et les conséquences sont incertaines.

D’un côté, le poisson peut s’avérer être un source de nourriture pour d’autres animaux, charognards et oiseaux. Mais à mesure que le poisson pourrit, des bactéries peuvent se développer et des maladies peuvent se propager parmi d’autres espèces, y compris dans les fermes piscicoles, une activité commerciale importante pour la Norvège.

Le saumon à bosse est en effet résistant à un parasite, ce qui n’est pas le cas du saumon de l’Atlantique. On reproche même au saumon d’élevage norvégien d’être contaminé par des insecticides destinés à tuer ce parasite.

Le saumon rose est une espèce exotique et la Norvège veut limiter sa population car il pourrait devenir une menace pour le saumon sauvage de l’Atlantique norvégien. Le saumon de l’Atlantique pourrait fuir la Norvège ou entrer en concurrence avec le saumon du Pacifique, s’il n’est pas tué par les maladies véhiculées par le saumon russe.

Et alors que la population de saumon rose augmente en Norvège, on a capturé 40 % de moins de saumon atlantique dans les rivières en 2021 qu’en 2020.

Le saumon rose : menace ou ressource ?

A l’échelle mondiale, la population de saumons a tendance à diminuer et le changement climatique et la pollution de l’eau en seraient les causes. Mais le saumon rose semble résister aux températures chaudes, ce qui lui donne un avantage concurrentiel.

Avec une espèce de saumon à bosse qui domineraient les eaux du pays, les Norvégiens n’y voient pas seulement une menace pour la biodiversité ; ils s’inquiètent également pour le tourisme.

La pêche sportive amène 12 500 touristes au Finnmark, principalement de Finlande, pour pêcher le saumon ou la truite de mer.

Mais le saumon à bosse n’a pas aussi bonne réputation que le saumon de l’Atlantique en Norvège. Un commerçant vend d’ailleurs du saumon fumé sous le nom de saumon du Pacifique au lieu du nom saumon à bosse car connoté négativement.

Pourtant, en Russie, au Canada ou en Alaska, le saumon rose est un poisson largement consommé s’il est capturé avant sa transformation. Et dans le Pacifique d’où vient l’espèce, des organisations, par exemple en Alaska, plaident pour la conversation des saumons roses à bosse.

Le ministre norvégien de la pêche, Odd Emil Ingebrigtsen, estime que le saumon rose à bosse est une ressource. C’est également le cas de Lyder Fisk AS, une entreprise qui a réussi à éradiquer le crabe royal, une autre espèce considérée comme envahissante en Norvège bien que sa chair soit savoureuse.

Mais la commercialisation du saumon rose n’est pas encore très développée dans le pays.

Découvrez plus d’actualités de Norvège

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.