Des congés pour chasser et pêcher aux employés autochtones du service public canadien

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3 mai 2023

Dans le cadre d’accords sur les conditions de travail conclus entre le gouvernement fédéral du Canada et le principal syndicat du secteur public, les employés autochtones du Conseil du Trésor bénéficieront de congés payés pour des pratiques traditionnelles.

Réserve nationale Edéhzhíe
La Réserve nationale de faune d’Edéhzhíe, première aire autochtone protégée du Canada créée en 2018 dans le cadre d’une collaboration entre les Premières nations du Dehcho et le gouvernement du Canada | © Edéhzhíe

Les employés autochtones de la fonction publique du Conseil du Trésor du Canada pourront bientôt bénéficier de congés payés pour chasser, pêcher et s’adonner à d’autres pratiques autochtones traditionnelles.

Le gouvernement du Canada et l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), le plus grand syndicat du secteur public fédéral, ont annoncé le 1er mai qu’ils avaient conclu des accords de principe qui s’appliquent aux 120 000 employés du Conseil du Trésor, l’administration publique principale, après l’une des plus grosses grèves de l’histoire du pays.

Dans le cadre de ces accords, qui pourraient inspirer les négociations d’autres syndicats du pays, les employés autochtones auront accès à des congés payés pour participer à des pratiques traditionnelles, notamment la chasse, la pêche et la récolte.

Pour le gouvernement, cette mesure fait partie d’un soutien à « l’équité en matière d’emploi, la diversité et l’inclusion », et « représente une nouvelle étape importante dans notre parcours de réconciliation et soutient nos efforts continus visant à créer des lieux de travail sain ».

Selon la Constitution canadienne, les peuples autochtones, appelés Indiens en 1930, ont « le droit de chasser, de piéger et de pêcher le gibier et le poisson pour leur alimentation à toutes les saisons de l’année sur toutes les terres inoccupées de la Couronne et sur toutes les autres terres auxquelles lesdits Indiens peuvent avoir un droit d’accès ».

Mais le pays a un passif pour avoir nié l’identité et la culture des peuples autochtones. Entre les années 1880 et 1990, le gouvernement canadien a envoyé de force au moins 150 000 enfants autochtones dans des pensionnats dans lequels ils apprenaient l’anglais et les valeurs occidentales et où il leur était interdit de parler leur propre langue.

Soutenir l’inclusion des communautés autochtones

Les modes de vie traditionnels des Premières nations, des Métis et des Inuits – les trois communautés autochtones reconnues dans la loi constitutionnelle de 1982 – sont profondément liés à la nature.

Selon la Commission des droits de l’homme de l’Ontario, la spiritualité autochtone est souvent étroitement liée aux activités en lien avec la terre et la nature, telles que la chasse, le piégeage, la pêche, la récolte ainsi que la cueillette de plantes sauvages.

Les cérémonies et les traditions marquant les grands moments de la vie peuvent être intégrées dans les activités de chasse saisonnières de certaines Premières nations, comme les Cris, qui avaient l’habitude de chasser le bison. Par exemple, la saison de la chasse à l’oie commence parfois par une cérémonie pour accueillir les nouveau-nés.

Certains Métis de l’Ontario marquent également la récolte par un festival qui permet à la communauté de renforcer ses liens. La participation aux activités traditionnelles a montré que cela favorisait le sentiment d’appartenance des populations autochtones du Canada, les aînés transmettant leurs connaissances et compétences ancestrales aux jeunes générations.

L’Enquête auprès des peuples autochtones publiée par Statistique Canada en 2019 montre une baisse de la participation à ces traditions au cours des 20 dernières années, en particulier chez les adultes en âge de travailler. Si l’emploi donne les moyens financiers de perpétuer les traditions, le manque de temps est souvent avancé le premier obstacle à la participation à ces activités.

Grâce au congé payé, l’administration « attirera et retiendra plus de travailleuses et travailleurs autochtones, tout en reconnaissant leurs expériences. […] On sait également qu’un effectif diversifié comportant une forte représentation autochtone renforce la fonction publique, ce qui profite à tout le monde », a déclaré l’AFPC.

Les communautés autochtones représentent 5 % de la population du Canada et de la fonction publique fédérale.

L’octroi de ces congés payés, dont le nombre de jours n’est pas encore défini, font partie d’un accord plus large sur les conditions de travail, qui met fin à une grève de 12 jours pour des milliers d’employés de l’administration publique du Conseil du Trésor.

Augmentation de salaire et accords sur le travail à distance

La grève a débuté le 19 avril pour obtenir de meilleures conditions de travail, principalement une augmentation des salaires et un meilleur accès au télétravail.

Comptant près de la moitié des fonctionnaires, le Conseil du Trésor est le principal employeur de la fonction publique fédérale, qui inclut des services de gestion des passeports, de l’immigration, du paiement des retraites, des gardes-côtes, des contrôleurs sanitaires, etc.

Les accords prévoient une augmentation salariale cumulée de 12,6 % sur quatre ans. Les employés recevront également une versement unique de 2 500 dollars canadiens (1 670 euros).

Le PCAS avait initialement demandé une augmentation de 13,5 % sur les trois ans, tandis que le Conseil du Trésor proposait 9 %, soit un peu moins de 4,5 % par an contre un peu moins de 3 % par an. Le taux d’inflation au Canada a atteint 6,8 % en moyenne en 2022.

Les négociateurs syndicaux voulaient que le droit de travailler à distance soit inscrit dans la convention collective, mais ils n’ont pas obtenu gain de cause. Les fonctionnaires restent autorisés à travailler à distance trois jours par semaine, mais doivent se rendre au bureau deux jours au minimum.

Les responsables évalueront également les demandes de travail à distance individuellement et non plus de manière collective. Ils devront justifier leurs décisions par écrit, ce qui, pour l’AFPC, rend « l’employeur responsable d’une prise de décision équitable et juste en matière de travail à distance ».

Des jours de congés payés pour obligations familiales seront également ajoutés.

Les employés du Conseil du Trésor ont repris le travail le 1er mai, mais les membres du syndicat doivent encore accepter l’accord pour qu’il entre en vigueur, ce qui ne pourra se faire qu’après la publication du texte final détaillant précisément ses contours dans les prochains jours.

Toutefois, un accord reste à trouver pour les 35 000 employés de l’Agence du revenu du Canada, le deuxième grand bloc de la fonction publique fédérale canadienne, qui s’occupe notamment de la collecte des impôts, et qui est toujours en grève.

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.