L’Égypte reprend l’heure d’été, sept ans après

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27 avril 2023

Après sept ans sans l’appliquer, l’Égypte appliquera l’heure d’été cette année. Les autorités espèrent faire des économies d’énergie, et ainsi collecter des réserves de change grâce à l’exportation du gaz naturel.

Horloges
© Jon Tyson

L’Égypte appliquera l’heure d’été cette année. Nader Saad, le porte-parole de la présidence du Conseil des ministres, a annoncé le changement mercredi. Le vendredi 28 avril à minuit, les horloges seront donc avancées d’une heure jusqu’au dernier jeudi d’octobre, le 26.

Ce changement marque la fin d’une période de sept ans pendant laquelle le gouvernement n’a pas appliqué l’heure d’été, une décision considérée comme un moyen d’économiser de l’énergie et d’améliorer les réserves étrangères d’un pays empêtré dans une crise économique depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

L’Égypte a appliqué l’heure d’été pour la dernière fois en 2014. Le pays a adopté et annulé ce changement d’horaires à plusieurs reprises. L’année dernière, le gouvernement égyptien avait annoncé des mesures visant à réduire la consommation d’énergie dans les institutions gouvernementales et les bâtiments commerciaux afin d’exporter davantage de gaz naturel.

Le gouvernement a publié le projet de loi au début du mois de mars, qu’il a justifié par les « conditions économiques et les changements dont le monde est témoin, ainsi que par les efforts du gouvernement pour rationaliser l’utilisation de l’énergie ».

Le gaz naturel était la source de 86 % de l’électricité produite en Égypte en 2020, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie. Il constitue également une source importante de devises étrangères, dont le pays a fortement besoin, dans un contexte de forte demande de gaz depuis que la Russie a réduit ses approvisionnements vers les pays européens.

Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie l’année dernière a gravement impacté l’économie égyptienne, en augmentant les prix des matières premières et en incitant les investisseurs étrangers à retirer environ 20 milliards de dollars de ses marchés financiers, plongeant le pays dans une crise économique sérieuse.

Les liquidités en devises étrangères constituaient un facteur de vulnérabilité important pour l’économie égyptienne, ce que la guerre en Ukraine a aggravé. L’Égypte est le premier importateur mondial de blé et l’Ukraine et la Russie étaient ses principaux fournisseurs. Mais son prix a considérablement augmenté l’année dernière, ce qui a même conduit les autorités à contrôler le prix du pain.

Économiser l’énergie et collecter des réserves de change grâce aux exportations de gaz naturel

La Banque centrale d’Égypte utilise les réserves en devises étrangères pour importer des biens stratégiques et stabiliser les prix dans le pays. Mais malgré le soutien financier du Fonds monétaire international, qui a signé en décembre une enveloppe d’aide de 3 milliards de dollars sur 46 mois, et des pays du Golfe, les réserves de change de la Banque centrale n’ont que modérément augmenté pour atteindre 37 milliards de dollars en février 2023, ce qui représente moins de quatre mois d’importations de biens et de services du pays.

Selon un rapport de BNP Paribas, l’économie égyptienne, dont la croissance devrait ralentir à 4 % en hypothèse haute en 2023, s’inscrit dans un contexte d’inflation élevée et de dépréciation de la livre égyptienne, rendant les importations encore plus coûteuses. En mars, l’inflation annuelle de l’Égypte était de 32,7 %, selon l’agence statistique du pays CAPMAS, proche du taux d’inflation le plus élevé jamais enregistré dans le pays, il y a six ans.

En octobre dernier, le gouvernement égyptien a approuvé un projet de loi autorisant les Égyptiens vivant à l’étranger à importer des voitures sans payer de taxes sur le territoire, afin que le pays puisse récupérer des réserves de change.

Selon le gouvernement égyptien, l’heure d’été réduit la consommation d’électricité de 10 %. Mais le changement d’heure est de plus en plus contesté en raison de son impact sur la santé et le sommeil, de la différence entre l’horloge sociale et l’horloge biologique, et de ses faibles effets sur les économies d’énergie.

L’heure d’été est observée dans environ 60 pays dans le monde, mais des pays comme l’Islande, l’Argentine, la Russie et la Turquie l’ont supprimée.

En 2018, la Commission européenne estimait que « les recherches indiquent que l’effet global de l’heure d’été sur les économies d’énergie est marginal ». La consommation d’électricité en Europe en effet a beaucoup évolué au cours des dernières décennies, avec des éclairages à faible consommation par exemple. Par conséquent, son importance dans le mix énergétique global, et l’impact de sa consommation, ont considérablement diminué. Mais en Égypte, l’électricité comptait pour 23 % de la consommation totale d’énergie en 2020, alors qu’elle ne représentait que 13 % en 1990.

La Turquie a supprimé l’heure d’été en 2017 et a choisi de s’en tenir à l’heure d’hiver. Elle a même déclaré avoir économisé de l’énergie, bien que les données suggèrent le contraire, avec des différences marginales de toute façon.

Le Parlement de l’Union européenne a voté en 2019 pour la fin des changements d’heure à partir de 2021. Cependant, les pays n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur l’heure à choisir et le changement n’est plus à l’ordre du jour.

Aux États-Unis, le Sunshine Protection Act fut adopté à l’unanimité par le Sénat l’an dernier. Le projet de loi rendait l’heure d’été permanente dans tout le pays à partir de 2023, même si la préférence sur l’heure d’hiver n’était pas totalement certaine. Mais le projet de loi est resté bloqué à la Chambre des représentants et n’est toujours pas entré en vigueur.

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.