Alors que le président russe Vladimir Poutine pourrait se rendre en Afrique du Sud à l’occasion d’une réunion des BRICS en août, le gouvernement sud-africain est embarrassé par le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale.

L’Afrique du Sud a tenu à préciser qu’elle continuait adhérer à la Cour pénale internationale, après que des responsables ont déclaré qu’elle souhaitait s’en retirer. Ces déclarations erronées sont intervenues alors que la CPI a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre du président russe, Vladimir Poutine, qui devrait se rendre en Afrique du Sud en août pour une réunion des BRICS.
Lors d’une conférence de presse conjointe organisée mardi à l’issue d’une visite d’État de Sauli Niinistö, le président de la Finlande et nouvellement membre de l’OTAN, le président d’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa, a déclaré « qu’il est prudent que l’Afrique du Sud se retire de la CPI », faisant référence à la position inconfortable dans laquelle se trouve actuellement le pays et réagissant aux déclarations du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC).
En mars, la Cour pénale internationale a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre de M. Poutine et de Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l’enfant au sein du cabinet du président, pour crime de guerre consistant l’enlèvement et la déportation d’enfants ukrainiens en Russie.
En tant que l’un des 133 signataires du statut de Rome reconnaissant les compétences de la CPI, l’Afrique du Sud devrait arrêter M. Poutine s’il mettait les pieds sur son sol. Et il se trouve que le président russe est attendu dans le pays du 22 au 24 août pour une réunion des BRICS.
Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS) participeront à un sommet annuel organisé à Durban, qui sera le premier sommet en personne depuis 2019 et la pandémie de Covid-19. L’Afrique du Sud a envoyé des invitations et a indiqué qu’une délégation russe se devait venir pour préparer la visite de M. Poutine.
Il n’est toujours pas certain que M. Poutine vienne réellement. Depuis le mandat d’arrêt, il n’est sorti de son pays que pour visiter Marioupol, la ville ukrainienne, détruite mais prise par les troupes russes. Auparavant, le président russe n’avait pas quitté son pays depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, à l’exception d’une visite d’anciens pays soviétiques, le Tadjikistan et le Turkménistan, en 2022.
Les 1er et 2 juin, les ministres des affaires étrangères des pays du BRICS se réuniront au Cap.
Lors d’un point presse le 25 avril, le secrétaire général du parti de l’ANC, Fikile Mbalula, a indiqué que le comité national avait réfléchi à un retrait de la CPI en raison de la manière dont la Cour applique le droit pénal international. M. Mbalula a également déclaré que l’Afrique du Sud ne resterait pas un « bouc émissaire » pour les « grandes puissances » occidentales en assumant la responsabilité d’incarcérer des dirigeants de pays importants, rapporte News24.
« Le parti au pouvoir a de nouveau décidé qu’il devrait y avoir un retrait [de la CPI], et cette question sera donc traitée », a estimé M. Ramaphosa à côté du président finlandais, qui n’a pas souhaité faire de commentaire. Le président sud-africain a également déclaré que son pays n’avait pas encore adopté de position officielle sur la suite à donner au mandat d’arrêt de M. Poutine, car « la question est en cours d’examen et de discussion ».
Une loi pour le retrait de la CPI supprimé du Parlement en décembre dernier
Le gouvernement a demandé des conseils juridiques sur la manière de gérer la situation. L’Afrique du Sud a décidé de se positionner en tant que non-aligné vis-à-vis de l’invasion russe de l’Ukraine.
L’annonce du retrait de l’Afrique du Sud de la CPI a rapidement donné lieu à des spéculations sur le fait qu’il s’agissait d’un moyen d’éviter d’exécuter le mandat d’arrêt de M. Poutine.
Mais la présidence et l’ANC ont rectifié leur déclaration.
Le communiqué de l’ANC publié mercredi visait à éclaircir qu’une telle hypothèse avait été « soulevée comme une mesure de dernier recours », ce qui « a pu donner l’impression involontaire qu’une décision catégorique de retrait immédiat avait été prise. Ce n’est pas le cas. »
Tard dans la nuit de mardi, la présidence a publié une déclaration à la suite d’une « erreur dans un commentaire fait au cours d’un point de presse tenu par le Congrès national africain (ANC) au pouvoir sur le statut de l’Afrique du Sud par rapport à la CPI. Malheureusement, le président a affirmé par erreur une position similaire lors d’une séance avec les médias. »
Il affirme que « l’Afrique du Sud reste signataire du Statut de Rome et continuera à faire campagne pour une application égale et cohérente du droit international ».
Mais l’arrestation de M. Poutine, s’il venait en Afrique du Sud, reste peu probable. Le vice-ministre des entreprises publiques, Obed Bapela, a déclaré au journal sud-africain Sunday Times au début du mois que la position de l’ANC sur M. Poutine était qu’aucun chef d’État en exercice ne serait arrêté dans le pays. M. Ramaphosa a également envoyé une délégation à Washington pour éviter une crise diplomatique avec les États-Unis.
L’Afrique du Sud soutient que la CPI applique le droit international de manière incohérente et suit une vision occidentale du monde avec deux poids deux mesures en poursuivant beaucoup plus facilement les suspects africains que les dirigeants ou les alliés des pays occidentaux. Elle souhaite également que l’immunité des chefs d’État soit appliquée différemment.
La brève polémique survient quelques mois seulement après qu’une loi visant à se retirer de la CPI a été retirée du Parlement.
Envoyée au Parlement en 2017 sous l’administration de l’ancien président Jacob Zuma, la législation visant à se retirer de la CPI n’a jamais été mise en œuvre. Elle faisait suite au non-respect par l’Afrique du Sud de la demande de la CPI concernant l’arrestation en vue d’un jugement d’Omar Al-Bashir, l’ancien chef d’État du Soudan jusqu’en 2019, pour crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide au Darfour.
M. Al-Bashir a séjourné en Afrique du Sud pendant deux jours à l’occasion d’une réunion de l’Union africaine en 2015 et n’a pas été arrêté. L’Afrique du Sud a défendu le fait que le Soudan, qui ne reconnaît pas la CPI, accordait l’immunité contre les poursuites pénales et les arrestations à M. Al-Bashir. Elle n’était donc pas obligée de l’arrêter et de le remettre à la Cour basée à La Haye. Un certain nombre d’États africains n’ont pas non plus arrêté M. Al-Bashir lorsqu’il s’est rendu dans leur pays.
L’Afrique du Sud cherche en revanche à « revigorer » le protocole de Malabo qui établirait une cour pénale continentale complétant la CPI en tant que tribunal de dernier recours.
Le protocole de Malabo, adopté par l’Union africaine en 2014 mais qu’aucun pays n’a encore ratifié, prévoit l’inclusion de la juridiction pénale dans les attributions de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme.
Mais l’un des aspects les plus controversés du protocole de Malabo est l’immunité accordée aux chefs d’État en fonction devant cette juridiction internationale. Pour la CPI en revanche, les chefs d’État en exercice et les hauts fonctionnaires ne bénéficient pas d’une telle immunité, même si un État tiers l’accorde dans sa juridiction pénale nationale.