Après un accord controversé en juillet, le président tunisien, Kais Saied, a rejeté les millions d’euros d’aide financière annoncés par la Commission européenne pour lutter contre l’immigration illégale et stabiliser l’économie tunisienne.
En juillet 2023, la Commission européenne avait signé un protocole d’accord avec la Tunisie, scellant un nouveau partenariat stratégique axé sur la lutte contre la migration clandestine.
Mais le président tunisien Kais Saied a récemment rejeté l’aide. La Tunisie s’était initialement vu promettre un programme d’aide de près d’un milliard d’euros, mais la Commission européenne n’a pour l’instant annoncé qu’un paiement d’environ 127 millions d’euros.
Selon l’agence de presse quasi étatique Tunis Afrique Presse, le président Saied a déclaré le 2 octobre que « la Tunisie est ouverte à la coopération mais n’accepte, en aucun cas, ce qui ressemble à la charité ».
Le président Saied poursuit : « Ce n’est pas à cause du faible montant proposé […] mais parce que cette proposition est en contradiction avec le protocole d’accord signé en Tunisie et avec l’esprit qui a prévalu lors de la conférence de Rome ».
Sur la base de l’accord initial sur les migrations de juillet, la Tunisie recevrait une aide financière pouvant atteindre 900 millions d’euros qui, en contrepartie, prendrait des mesures plus contre les passeurs et les traversées de la mer Méditerranée.
Une grande partie des fonds destinée à la lutte contre le trafic de migrants en Tunisie
Une grande partie des fonds est destinée à la lutte contre le trafic de migrants, au soutien des forces de l’ordre tunisiennes et à la facilitation du retour des migrants dans leur pays d’origine. La Tunisie est l’un des principaux points de transit pour les migrants et réfugiés d’Afrique qui se dirigent vers l’Europe, et l’Union européenne veut s’assurer que moins de bateaux de contrebande arrivent en Italie via la Tunisie.
En septembre, les autorités italiennes ont déclaré l’état d’urgence à Lampedusa qui a vu arriver un grand nombre de demandeurs d’asile sur cette petite île sicilienne. Environ 7 000 migrants sont arrivés à Lampedusa en provenance de Tunisie en quelques jours, alors que le centre d’accueil n’a qu’une capacité d’accueil de 400 personnes.
Il s’agit d’une crise récurrente puisqu’il y a presque exactement dix ans, le 3 octobre 2013, une crise humanitaire avait éclaté à la suite du naufrage d’un bateau de migrants au large des côtes de Lampedusa, entraînant la mort d’au moins 368 personnes.
L’accord entre l’Union européenne et la Tunisie fut critiqué concernant le respect des droits de l’homme. Le médiateur européen a fait part de ses inquiétudes et a demandé que soient définis des critères de suspension du financement si les droits de l’homme n’étaient pas respectés en Tunisie.
En juillet, Human Rights Watch a publié un rapport détaillant des abus tels que des passages à tabac, de la torture, de la xénophobie et des détentions arbitraires commis contre des migrants d’Afrique sous l’autorité de la police tunisienne, de l’armée et des gardes-côtes nationaux.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a défendu la signature « d’un partenariat avec la Tunisie qui apporte des avantages mutuels au-delà de la migration, allant de l’énergie à l’éducation, en passant par les compétences et la sécurité. »
« L’accord avec la Tunisie est vague, long, plein de promesses, et n’est pas du tout clair sur ce que l’UE veut vraiment que la Tunisie fasse », critique Gerald Knaus, président du groupe de réflexion sur les droits de l’homme European Stability Initiative, sur la télévision allemande ZDF en septembre. « Il ne s’agit pas d’un accord migratoire approprié. »