Le Ghana et la Côte d’Ivoire, principaux fournisseurs de cacao sur la scène mondiale, font face à une forte baisse de leur production. Le responsable ? Le virus de l’œdème des pousses du cacaoyer… mais pas seulement.
La production totale de cacao de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial, devrait s’établir à 1,75 million de tonnes pour la saison 2023⁄24, contre 2,3 millions de tonnes au cours de la saison précédente. Le Ghana, numéro deux sur le podium, a quant à lui récemment perdu plus d’un demi-million d’hectares de plantations, soit près d’un tiers de sa production totale qui avoisine les 1,5 million d’hectares.
Cette baisse de rendement serait due au mystérieux virus de l’œdème des pousses du cacaoyer. Cette maladie virale endémique des régions d’Afrique de l’Ouest, transmise par les cochenilles, tue généralement l’arbre au bout de quelques années. Les symptômes varient selon la souche, mais on observe généralement une décoloration des feuilles et un gonflement des racines et un dépérissement.
Ce Cocoa Swollen Shoot Viral Disease, pour lequel il n’existe aucun remède efficace, avait poussé le Ghana à lancer le Cocoa Rehabilitation Programme, ou programme de réhabilitation du cacao, amorcé en 2020, qui visait à remplacer les cacaoyers malades par des plants hybrides afin de stimuler la productivité. Le projet avait à l’époque bénéficié d’un prêt de 600 millions de dollars de la part de la Banque africaine de développement (BAD).
« La situation s’est aggravée »
Eric Opoku, porte-parole du Congrès national démocratique pour l’agriculture, a cependant fortement critiqué la manière dont le gouvernement ghanéen a géré la situation, affirmant que les fonds empruntés pour les plantations n’ont pas été utilisés efficacement. « La réponse du gouvernement a été terne et la situation s’est aggravée », a‑t-il affirmé, appelant à une enquête interne avant d’ajouter : « La maladie touche désormais plus de 25 % de nos exploitations, ce qui contraste fortement avec les 17 % signalés entre 2006 et 2017″.
A cela s’ajoutent les défis majeurs apportés par le changement climatique, qui a eu un impact décisif sur les cultures de cacao au cours de ces dernières années. Les deux principaux pays producteurs, qui fournissent à eux seuls près de 60 % des fèves de cacao du monde, sont confrontés au phénomène El Niño, qui perturbe les régimes de précipitations et apporte un temps chaud et sec en Afrique de l’Ouest.
L’exploitation minière illégale pose également un problème de taille. « Au cours des cinq dernières années, nous avons constaté de graves destructions dans les fermes de cacao en raison des activités des mineurs illégaux », avait expliqué à l’AFP Michael Kwarteng, directeur des activités de lutte contre l’exploitation minière illégale au Conseil du cacao du Ghana (COCOBOD), en décembre dernier. « Cela a atteint une proportion alarmante », avait-il alors insisté.
Face à la crise économique, de plus en plus d’agriculteurs ivoiriens et ghanéens vendent leurs terres à des mineurs illégaux. « Jusqu’à présent, les terres perdues à cause de l’exploitation minière illégale représentent 2 % de la superficie totale consacrée à la culture du cacao au Ghana. Nous ne pouvons plus permettre que cela continue », s’inquiète Michael Kwarteng.
Des répercussions sur le prix du chocolat
Conséquences ? Les prix mondiaux du cacao ont atteint des niveaux record : 5 874 dollars la tonne la semaine dernière à la bourse de New York, soit une hausse de plus de 40 % depuis le début de l’année. A Londres, les prix ont pratiquement doublé par rapport à l’année dernière à la même période, pour atteindre 4 600 livres sterling la tonne jeudi dernier.
Et ces hausses affectent de plein fouet les fabricants de chocolat. « Les prix historiques du cacao devraient limiter la croissance des bénéfices cette année », a récemment déclaré Michele Buck, directrice générale de The Hershey Company, une multinationale américaine de confiseries, lors de la publication des résultats annuels. Hershey a annoncé une baisse de 6,6 % de ses ventes au quatrième trimestre, les consommateurs confrontés à l’inflation ayant réduit leurs dépenses en sucreries.
Et le pire serait encore à venir pour les consommateurs. En 2023, de nombreuses entreprises chocolatières ont absorbé les prix élevés et ont constitué des stocks, explique Paul Joules, analyste chez Rabobank, une banque spécialisée dans le domaine agroalimentaire, au Financial Times. Mais après une année de reprise, « ces entreprises sont désormais totalement exposées à la hausse des prix des matières premières. La seule façon pour elles d’absorber ces prix est de les répercuter sur le consommateur », ajoute-t-il.