Afin de réduire les coûts administratifs et d’éviter certains abus, les États allemands remplaceront les allocations de demandeurs d’asile versées en espèces par des cartes prépayées. Mais cette mesure n’est pas adoptée uniformément par tous les Länder et n’est pas sans critiques et avertissements de discrimination.
Suite à la décision prise en novembre dernier par 14 des 16 États allemands, des modèles de cartes de paiement sont introduits ce mois-ci à Hambourg pour remplacer les versements d’allocations versées aux demandeurs d’asile en espèce. Cette initiative prévoit un lancement à l’échelle nationale cet été, s’alignant sur les mécanismes de cartes de paiement déjà en place dans d’autres pays européens tels que la France.Diminuer les files d’attente
Les avantages envisagés du système de cartes de paiement sont notamment de soulager les municipalités allemandes des coûts administratifs et de réduire les files d’attente pour pouvoir recevoir l’allocation. Le Premier ministre Olaf Scholz a justifié la mesure pour « réduire les charges administratives » et « combattre la criminalité inhumaine liée à la contrebande ».
Les États fédéraux allemands ont convenu des normes communes pour la carte afin de standardiser la pratique des paiements des allocations. La carte utilisera un système prépayé et sans connexion à un compte externe. Chaque État décidera ensuite de fonctionnalités individuelles, telles que le montant versé ou de la possibilité de retrait des espèces avec la carte.
La Bavière et le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale ont d’ailleurs choisi d’adopter leurs propres cartes de paiement. Markus Söder, ministre-président de la Bavière, a souligné sur X que le système de cartes de paiement en Bavière « arrive plus vite et est plus fort », signalant la possibilité de mettre en œuvre des mesures plus strictes que dans les autres régions.
Selon la loi sur les prestations aux demandeurs d’asile, les demandeurs d’asile en Allemagne ont légalement droit à 182 euros d’argent de poche dans les centres d’accueil, ainsi qu’à des provisions pour la nourriture et le logement. Si le réfugié est autonome, l’allocation est portée à 410 euros.
Mais l’effort requis pour une mise en œuvre réussie, et donc l’impact positif sur le processus administratif, reste incertain pour l’instant. Les municipalités risquent d’être confrontées à une surcharge de travail pour convertir environ 800 bénéficiaires existants au nouveau système de paiement par carte.
Progrès ou discrimination ?
Mais la carte, destinée exclusivement aux réfugiés en cours de demande d’asile, sera également assortie de restrictions visant à empêcher l’utilisation abusive des prestations de l’État, tels que le trafic de migrants et le transfert des allocations à des familles à l’étranger : les retraits d’argent sont limités, la carte ne peut être utilisée que dans la même région et ne peut pas être utilisée pour des paiements en ligne ou des transferts à l’étranger.
Pro Asyl, la plus grande organisation allemande de défense de l’immigration, a réagi en intentant une action en justice contre cette mesure, affirmant que les restrictions locales entravaient la liberté de circulation par les restrictions régionales et l’inclusion sociale des réfugiés.
Le système de carte a été notamment critiqué par Pro Asyl dans un communiqué de presse le décrivant comme un « instrument discriminatoire » qui empêche les demandeurs d’asile d’accéder aux allocations. Le journal allemand de centre-gauche Süddeutsche Zeitung souligne également l’augmentation potentielle de la xénophobie et d’une stigmatisation pour les porteurs de la carte.
L’augmentation du nombre de demandes d’asiles en Allemagne
Cette controverse se déroule dans un contexte de débats politiques autour de l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile en Allemagne, pays qui, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, gère près d’un tiers des demandes d’asile de l’Union européenne. En novembre 2023, l’Allemagne a enregistré plus de 37 000 demandes d’asile selon l’agence européenne pour l’asile.
Le débat sur les demandeurs d’asile en Allemagne a conduit certains à penser que les paiements en espèces attire davantage les migrants, et donc à anticiper que le passage aux paiements des allocations par carte entraînera une diminution du nombre de réfugiés arrivant dans le pays. Christian Lindner, le ministre fédéral des finances, a souligné ce point de vue en déclarant que le projet est une « étape importante » qui « réduira les incitations financières à l’entrée ».
Cependant, un document de recherche publié par Barcelona School of Economics en mars de l’année dernière a étudié les flux migratoires vers l’Union européenne et a constaté qu’il n’y avait aucune preuve suggérant que les prestations sociales en l’Allemagne était un « facteur d’attraction » pour les migrants.