Solitude en Espagne : 1 jeune sur 4 se sent seul

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12 février 2024

L’étude récente d’Ayuda en Acción révèle un sentiment de solitude préoccupant chez les jeunes Espagnols, mettant en lumière des disparités liées au genre, à l’orientation sexuelle et à l’intégration économique à l’ère des réseaux sociaux. La solution proposée met l’accent sur la nécessité d’une réforme de l’éducation et d’un soutien en matière de santé mentale pendant la délicate transition de l’adolescence à l’âge adulte.

Un homme est assis seul sur les marches du parc Madrid Río.
Un homme assis seul à Madrid | © Mari Vlassi

La solitude est devenue une crise de santé mentale chez les 16–29 ans en Espagne. En effet, un jeune sur quatre dit se sentir seul et 77 % affirment connaître quelqu’un de leur âge qui souffre de solitude.

Ayuda en Acción, une ONG qui se consacre à l’amélioration des conditions de vie des jeunes, a réalisé son étude au moyen d’entretiens téléphoniques avec 1 800 personnes âgées de 16 à 29 ans. Elle a mis en évidence ce phénomène d”  »isolement non désiré », offrant une nouvelle perspective sur la santé mentale de la jeune génération en Espagne et sur l’impact des inégalités socio-économiques sur la solitude.

Sur les 25,5 % de jeunes qui se sentent seuls, 45,7 % déclarent se sentir ainsi depuis trois ans, ce qui révèle que la pandémie de COVID-19 est la première cause du sentiment de solitude dans uniquement 20,4 % des cas.

L’étude attribue plutôt cette cause à l’augmentation du chômage chez les jeunes, au harcèlement et aux troubles psychologiques.

Bien que l’étude n’ait pas réussi à établir un lien direct entre la solitude et les médias sociaux, elle a mis en lumière que la principale cause de la solitude, d’après ceux qui la ressentent, réside dans la difficulté à établir des connexions avec autrui.

Les individus qui ne ressentent pas cette solitude témoigne d’une confiance significativement plus élevée envers les autres que celles par rapport à ceux qui se sentent seuls. Pour Telva, l’un des magazines féminins les plus importants d’Espagne, les médias sociaux constituent l’une des principales causes de cette incapacité à développer des relations personnelles.

L’étude précise que la solitude non désirée atteint son pic chez la tranche d’âge entre 21 et 26 ans. En revanche, les jeunes plus âgés, entre 27 et 29 ans, ainsi que les 16–20 ans, ressentent une solitude légèrement moins forte.

La corrélation entre la santé mentale et le ressenti de la solitude revêt une importance cruciale : un jeune sur trois éprouvant la solitude est aux prises avec des problèmes de santé mentale, tandis que 51 % de ceux qui se sentent seuls ont manifesté des pensées suicidaires.

La solitude indésirable liée au passage à l’âge adulte

Les femmes, la communauté LGBTI et les étrangers sont également plus susceptibles de souffrir de solitude en Espagne. Cependant, ce qui ce qui se démarque le plus, c’est la corrélation directe entre l’accès à l’emploi et l’isolement involontaire, et a fortiori avec les inégalités et la pauvreté.

Cette solitude non désirée parmi les jeunes est deux fois plus grandes chez ceux issus de foyers en difficulté économique. Dans une période où l’accès au logement est loin d’être assuré, les inquiétudes concernant l’avenir ont atteint des sommets : 83 % des personnes souffrant de solitude expriment des préoccupations quant à leurs aspirations personnels et professionnels.

Pour le quotidien espagnol El Mundo, la jeunesse espagnole a normalisé l’incertitude concernant l’instabilité économique et le manque d’accès à l’emploi, ce qui a un impact significatif sur les personnes qui entrent dans l’âge adulte.

Selon un rapport réalisé par les départements d’économie de deux universités polonaises, une corrélation émerge entre le sentiment de solitude et le phénomène de « nidification », ou encore l”  »effet cabane ». Aujourd’hui, les jeunes adultes européens rencontrent des difficultés croissantes à quitter le cocon familial, et c’est particulièrement dans les pays du sud de l’Europe que l’on observe la plus forte propension rester au domicile parental.

En Espagne, les jeunes doivent énormément dépendre de leurs parents. Par conséquent, le pessimisme qu’ils ressentent à l’égard de la réussite économique et de l’avenir contribue de manière significative à leur bien-être mental.

La solitude, un phénomène mondial : existe-t-il une solution ?

Mais cette crise ne se limite pas à l’Espagne : une enquête menée par la Fondation de France a indiqué que 2 millions de jeunes en France déclarent également avoir été affectés par la solitude. En élargissant la perspective, une étude menée sur 142 pays révèle qu’un quart de la population mondiale en souffre, les jeunes étant davantage touchés que les personnes âgées, et situe ainsi l’Espagne dans la moyenne mondiale.

Un autre rapport sur la solitude des Espagnols de tous âges, réalisé par l’Observatoire national de la solitude (SoledadES) en 2021, a mis en évidence les coûts économiques importants de la solitude pour le système de santé et souligne que l’attention de la société dans son ensemble est nécessaire pour la combattre.

Cependant, Ayuda en Acción reconnaît que la diversité des profils des jeunes rend difficile l’élaboration d’une solution universelle à la solitude. Le rapport propose sept recommandations visant à soutenir activement les jeunes adultes pendant cette période de transition, en les guidant de manière plus efficace et en les aidant davantage au sein du milieu scolaire.

Il s’agit notamment l’établissement d’écoles inclusives offrant une éducation sur la gestion des émotions, la promotion de relations sociales à travers de loisirs bons pour la santé, et la protection de la santé mentale des adolescents et des jeunes.

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.