Au Chili, les parents pourront désormais donner à leurs enfants le nom de famille de la mère en premier. Mais cela pourrait n’avoir que des effets à la marge sur la domination masculine des noms de famille, alors que la tradition reste forte.
Le 9 mai 2021, le Chili a promulgué une nouvelle loi permettant de modifier l’ordre des noms qui composent les noms de famille. Ainsi, les enfants pourront désormais porter le nom de famille de la mère en premier et celui du père en second.
Le président Sebastián Piñera a annoncé cette modification en compagnie de la première dame, de la ministre de la Femme et de l’égalité des genres, Mónica Zalaquett, et du ministre de la Justice, Hernán Larraín, lors des célébrations de la fête des mères au Chili.
« Cette loi contribue au changement culturel que nous encourageons en matière d’égalité entre les hommes et les femmes », a déclaré Mme Zalaquett, 16 ans après que la loi fut initialement proposée au Congrès.
Les adultes auront également la possibilité de rectifier officiellement l’ordre de leurs noms de famille une fois s’ils le souhaitent.
Au Chili, comme en Espagne et dans de nombreux pays hispanophones, les enfants héritent du nom de famille des deux parents. Contrairement à de nombreux pays où seul le nom du père est transmis, la nomenclature chilienne offre une plus grande visibilité à la mère, ou au second parent, dans l’identité de l’enfant.
Toutefois, cette méthode n’était qu’imparfaite pour l’égalité entre les sexes, car seuls les noms de famille paternels finissent par être transmis en héritage. En effet, au lieu du nom de famille du père, ce sont toujours les noms de famille des grands-pères qui sont donnés aux petits-enfants.
Les noms de famille peuvent désormais être hérités des grands-mères
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le premier nom de famille d’un enfant au Chili est par défaut celui du père. Le second est le nom de famille de la mère.
Par conséquent, le premier nom de famille de la mère a déjà été donné par son propre père, le grand-père du bébé. Ainsi, au final, qu’il s’agisse de garçons ou de filles, ils finissent tous par recevoir le nom de famille de leur grand-père. La principale différence avec les pays où les enfants ne reçoivent que le nom du père est que la visibilité du nom de famille de la mère dure au moins pendant une génération.
La nouvelle loi chilienne permet donc d’interchanger l’ordre des noms de famille. Cela a deux conséquences directes. La première conséquence est que le nom de famille de la mère peut être le premier donné à l’enfant. La deuxième conséquence est que, si cet enfant a des enfants, ils hériteront désormais du nom de famille de leur grand-mère.
Les deux parents doivent se mettre d’accord sur l’ordre des noms. S’il n’y a pas d’accord, le nom de famille du père viendra en premier, ce qui laisse à penser que la règle de base reste celle du nom de famille du père. La loi n’entrera en vigueur que dans 4 mois, afin de laisser le temps de trouver la procédure judiciaire permettant de concrétiser le changement. La lourdeur des procédures administratives peut rendre les familles réticentes à effectuer le changement. Néanmoins, il se peut que les changements ce ne soient pas suffisants pour modifier les habitudes.
Lent changement des habitudes dans d’autres pays
En France, une loi offrant une plus de souplesse dans le choix du nom de famille a été approuvée en 2005.
Pourtant, en 2014, 83 % des noms de famille étaient encore ceux du père, selon l’Insee, l’institut des statistiques français. Dans le cas d’un couple marié, 95% des enfants ont hérité du nom de famille de leur père. Lorsque les enfants portent un nom composé, ce qui n’est le cas que pour 1 enfant sur 10, le nom de famille du père arrive en tête pour 78% d’entre eux. Et lorsque l’enfant utilise le nom de famille de sa mère, c’est que le père n’a en fait pas reconnu officiellement le nouveau-né dans 9 cas sur 10.
En Espagne, le nom de famille de la mère peut être transmis en premier depuis 2000.
Et entre 2010 et 2017, bien que le nombre de bébés portant le nom de famille de leur mère en premier ait été multiplié par 3 en 10 ans, passant de 870 enfants en 2008 à près de 3 000 en 2016, ils représentaient toujours moins de 1% des nouveau-nés chaque année.
En 2017, le gouvernement a supprimé le nom de famille du père comme premier nom par défaut, marquant une nouvelle étape dans l’équité entre les sexes. Concrètement, lorsque les deux parents n’arrivent pas à se mettre d’accord, un juge doit trancher et devrait décider par ordre alphabétique. Pourtant, un an après la nouvelle réglementation, le nombre d’enfants portant le nom de famille de leur mère en premier n’avait pas augmenté.
Ainsi, au final, si la réglementation peut inciter au changement c’est aussi à la population de donner vie à cette transformation sociétale.