Alors qu’une nouvelle loi en Californie a incité des détenus transgenres à faire des demandes de transfert de prison, les mesures visant à améliorer leur sécurité et leur dignité sont toujours en cours d’élaboration pour trouver la bonne solution.
Les détenus transgenres ont plus de risques d’être agressés sexuellement en prison
Depuis qu’un projet de loi du Sénat visant à respecter l’identité de genre pendant l’incarcération est entré en vigueur en 2021 en Californie, plus de 261 transferts ont été demandés, selon le California Department of Corrections and Rehabilitation, comme le rapporte le Los Angeles Times.
S’inscrivant dans le cadre de la Loi fédérale de 2003 sur l’élimination du viol en prison qui visait à réduire les violences sexuelles en milieu carcéral, la loi californienne permet désormais aux détenus transgenres, non binaires ou intersexes d’être incarcérés dans une prison masculine ou féminine, indépendamment de leur anatomie. Le Connecticut et le Massachusetts avaient déjà adopté des projets de loi similaires à celui de la Californie ces dernières années.
Un détenu californien sur quatre s’étant identifié comme transgenre, non binaire ou intersexe a déjà demandé son transfert. Jusqu’à présent, 97 % d’entre eux ont demandé à être transférés dans un établissement pour femmes.
Si seulement 1 % des détenus s’identifient comme des personnes transgenres, non binaires ou intersexuées, les statistiques peuvent donner une fausse idée de la réalité de la population des cellules.
Les personnes transgenres peuvent cacher leur genre par peur des conséquences. Si les statistiques sont rares, les groupes de soutien sont clairs sur le fait que les détenus transgenres risquent davantage de subir des agressions sexuelles.
Par exemple, en avril 2021, les avocats d’une personne transgenre détenue dans l’État de Géorgie ont affirmé qu’elle avait été agressée sexuellement et avait subi des violences 16 fois, dont trois fois par le personnel pénitentiaire, en moins de deux ans.
Mais le fait de ne pas s’identifier comme transgenre, non-binaire ou intersexe pourrait également les empêcher d’être transférés dans un lieu plus sûr.
Ces dernières années, des pays ou des États ont tenté de s’adapter différemment en offrant plus de sécurité aux condamnés transgenres.
Au Canada, le premier détenu transgenre a été transféré en 2017. Et depuis 2018, le Service correctionnel du Canada a autorisé les délinquants transgenres à être placés en fonction du genre auquel ils s’identifient plutôt qu’en fonction leur anatomie ou de leurs documents d’identité.
Dans certains États australiens, les détenus sont censés être placés dans des établissements en fonction du genre auquel ils s’identifient. C’est le cas dans le Victoria et en Nouvelle-Galles du Sud, les États de Melbourne et Sidney. Toutefois, en Australie occidentale, aucune règle formelle n’est appliquée et la décision se fonde souvent sur le fait que les femmes transgenres ont eu ou non une intervention de chirurgicale de leur sexe.
En Grande-Bretagne, une femme transgenre dangereuse pour les autres femmes a entraîné des modifications
En 2011, une directive britannique stipulait que les détenus d’Angleterre et du Pays de Galles devaient être localisés en fonction de leur genre légalement reconnu.
Le certificat de reconnaissance de genre, un document attestant que les individus peuvent être légalement reconnus avec leur genre acquis, ou la preuve d’avancées suffisantes dans le processus de réattribution de genre, étaient nécessaires pour un transfert dans une autre prison.
Mais en 2015, deux femmes décédées dans des prisons pour hommes ont amené les autorités britanniques à mettre à jour les directives pour être plus flexibles à une auto-identification de genre.
Cependant, le protocole de transfert a été ébranlé par le cas controversé de Karen White en 2017.
Karen White était une personne qui s’identifiait comme une femme mais toujours considérée comme un homme légalement, et qui n’avait pas encore subi de chirurgie de réattribution sexuelle. Elle avait été condamnée pour pédophilie et attendait un procès pour agression sexuelle contre des femmes. Mais elle a agressé sexuellement deux autres détenues en seulement trois mois de détention dans une prison pour femmes. Elle a ensuite été considérée par le juge comme une prédatrice sexuelle pour les femmes et les enfants. Le ministère de la justice a présenté ses excuses pour son placement dans la prison pour femmes.
C’est ainsi qu’une prison britannique réservée aux femmes a dédié une aile spécifiquement pour les femmes transgenres en 2019, avec 3 détenues qui sont considérées comme pouvant constituer une menace pour les autres prisonnières.
Les établissements exclusifs sont-ils des formes acceptables de ségrégation au nom de la sécurité ?
En France, une loi adoptée en 2016 a permis à une personne de changer légalement son identité de genre officielle sans avoir à passer par une opération de réattribution sexuelle. Cela pourrait faciliter l’hébergement des femmes de facto transgenres dans les prisons pour femmes.
Cependant, en 2019, des femmes transgenres logées dans une unité spécifique comprenant des cellules individuelles et des douches dans la prison pour hommes de Fleury-Mérogis ont envoyé 610 lettres aux législateurs français. Elles refusent cette forme d’isolement et demandent le même accès aux activités que les hommes, en acceptant la possibilité d’une mixité des genres.
Depuis 1985, la prison du comté de Los Angeles dispose d’une unité spécifique, appelée unité K6G, où les femmes transgenres et les hommes homosexuels sont incarcérés ensemble, à l’écart des autres hommes du bâtiment.
Mais pour le département californien des services correctionnels et de la réinsertion, la création d’un établissement uniquement destiné à héberger des personnes transgenres constituerait une violation de la loi nationale sur l’élimination du viol en prison. Dans un rapport de 2009, la Commission a recommandé que “les détenus lesbiens, gays, bisexuels, transgenres ou d’autres non-conformités de genre ne soient pas placés dans des installations, des unités ou des ailes particulières uniquement en raison de leur orientation sexuelle, de leur statut génital ou de leur identité de genre“.
Il s’agirait en fait d’une forme de ségrégation.
Sharon Dolovich, professeure de droit à UCLA qui a étudié K6G et publié l’article Strategic Segregation in the Modern Prison en 2011, admet qu'”avec K6G, le comté de Los Angeles s’est engagé dans un processus de ségrégation identitaire parrainé par l’État“.
Cependant, à la lumière de cet espace carcéral “étonnamment sûr“, “si la vulnérabilité des hommes gays et des femmes trans derrière les barreaux face aux viols est telle […] qu’une approche ségrégationniste peut parfois être justifiée“.
Quelle est donc la meilleure réponse ?
Les différents exemples et situations auxquels les législateurs doivent faire face montrent encore qu’offrir plus de dignité et de sécurité aux personnes transgenres est encore un travail en cours.
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Media sources and useful links:
- Governor Newsom signs Senate Bill 132 to respect gender identity during incarceration, California Department of Corrections and Rehabilitation
- Senate Bill 132 FAQs, California Department of Corrections and Rehabilitation
- Briefing on the Ministry of Justice’s review of the care and management of transgender offenders, Clinks, 2018
- The Care and Management of Transgender Offenders, UK National Offender Management Service, 2016
- The care and management of individuals who are transgender, UK Ministry of Justice, 2020
- Rules on whether transgender prisoners go to male or female jails to be reviewed, The Guardian, 2015
- First UK transgender prison unit to open, BBC, 2019
- Canada’s prison system overhauls transgender inmate policy, CBC, 2018
- Transgender woman seeks transfer from Georgia men’s prison, ABC, 2021
- Trans inmate jailed for Wakefield prison sex offences, BBC, 2018
- Karen White: how ‘manipulative’ transgender inmate attacked again, The Guardian, 2018
- Conditions de détention des personnes transgenres, Sénat français, 2019
- Femmes transgenres enfermées à Fleury-Mérogis, Genepi, 2019
- Strategic Segregation in the Modern Prison, UCLA School of Law, 2011
- National prison rape elimination commission report, U.S. Department of Justice, 2009